Dans tous les pays démocratiques, la campagne électorale d’une élection majeure comme la présidentielle, suscite systématiquement un débat ...
Dans tous les pays démocratiques, la campagne électorale d’une élection majeure comme la présidentielle, suscite systématiquement un débat national autour des enjeux et des priorités qui éclairent les progrès de la société et l’avenir du pays.
En raison de leur niveau de développement, les pays fortement avancés voient se développer dans la campagne électorale un débat dont les enjeux et les priorités sont du type - la fermeture de Gwantanamo – la guerre contre la finance – la retraite à 61 ans au lieu de 60 ans, etc, « des thèmes de pays riches… »
Les pays dits émergents, en raison d’une forte industrialisation et de leur part de plus en plus importante dans la richesse mondiale, développent des campagnes électorales axées sur la lutte contre les maux générées par l’industrialisation récente. Le débat est ainsi orienté sur des thèmes tels que la sécurité des biens et des personnes, l’augmentation des salaires, le développement des mutuelles de santé et des assurances de toutes sortes etc. Des thèmes « de nouveau pays riche ».
Et enfin, dans les pays en développement, le débat se focalise naturellement sur les enjeux et les priorités telles que la lutte contre la pauvreté.
Des priorités comme l’amélioration de la santé publique, l’enseignement et la formation professionnelle, la croissance économique et l’emploi sont, entre autres, les thèmes qui préoccupent les candidats à la fonction de Chef de l’Etat dans les démocraties en développement.
Pourquoi en Union des Comores les 25 prétendants se contentent d’énumérer les problèmes du pays – même ma fille de 9 ans les connaissent - et les promesses sans aucune explication de texte ?
Pourquoi leurs équipes de campagne ne savent pas élaborer des programmes dignes de ce nom ?
Pourquoi aucun candidat n’est capable de faire un diagnostic complet des maux qui frappent le pays ?
Et surtout pourquoi notre presse ne fait pas son job qui consiste à les amener à dire ce qu’ils ont dans leurs têtes, si tant est que ces candidats avaient pris la peine de réfléchir à comment gérer ce pays ? et pour certains, à comment gérer à nouveau ce pays au bout de 7 ans de règne précédemment et au bout de plusieurs décennies au cœur du pouvoir ?
Enfin, pourquoi, nous citoyens, consommons des meetings pendant lesquels rien n’y sort, excepté le chapelet de promesses ?
Je ne peux que constater que nos candidats ne respectent pas le peuple comorien, que la presse est paresseuse et que nous, citoyens, sommes tête baissée, passifs et résignés.
Quel que soit celui qui sera élu, nous sommes ainsi tous responsables de l’échec prévisible du prochain mandat.
Nous savons tous très bien qu’aucun candidat n’a mené une réflexion sur la façon de redresser l’école publique comorienne puisque aucun n’a voulu diagnostiquer les problèmes structurels qui expliquent la baisse catastrophique du niveau de nos enfants. Et comment donc voulez-vous qu’en 5 ans le futur Président de l’Union fasse des miracles en venant à bout d’un problème aussi complexe ?
Celui qui voudra un jour s’attaquer au mal de l’enseignement primaire et secondaire de l’Union des Comores doit se lever tôt. Et aucun ne s’est levé tôt. Aucun des 25 candidats, ne s’est préparé suffisamment à l’avance pour s’atteler à une telle tâche aussi immense. Sinon ça se saurait.
Pourquoi nos journalistes n’interrogent donc pas chaque candidat sur comment il a diagnostiqué les problèmes cruciaux du pays, et comment compte-t-il les résoudre ? Quelle approche, quel financement, quel timing, quelle technologie ou quelle expertise nationale ou étrangère, etc. ?
Pourquoi vous ne les poussez pas à leurs derniers retranchements ? c’est comme cela qu’ils afficheront leurs vérités ou leurs carences.
Allez les questionner et cherchez à savoir si parmi les 25 candidats il y en a 1 seul qui sait combien de centaines de kilomètres de routes praticables il y a dans chacune de nos îles et combien de centaines de kilomètres de routes défoncées, dangereuses pour la sécurité des personnes et des véhicules il y a dans nos régions. Je parie qu’aucun candidat n’a diagnostiqué l’étendue de chacun de nos maux.
Quid pour le problème de l’énergie, se sont ils posés la question de savoir combien de kw/h les entreprises comoriennes ont besoin pour leur indépendance énergétique ? combien de kilo les ménages et les habitations ont besoin par jour ? Comment voulez que demain, une fois élus, ils guérissent des maux dont ils n’ont pas cherché à connaître les causes, dont ils n’évaluent même pas la nature et ne mesurent encore moins l’ampleur ?
Comment voulez-vous qu’ils donnent des programmes chiffrés et financés si aucun ne sait combien il y a de kilomètres de routes impraticables dans le pays ?
Comment voulez vous qu’ils trouvent des solutions au chaos de l’enseignement public si aucun n’a enquêté sur les problèmes structurels qui se posent dans le secteur ? Ils ignorent la nature et l’étendue du mal, ils ne sauront pas nous présenter de solutions viables, c’est logique.
Enfin, et nous citoyens, pourquoi nous allons à ces meetings pour entendre et applaudir des discours qui énumèrent des banalités ?
Chère Presse comorienne, chère jeunesse des villes et des villages, chère notabilité, chère société civile, cadres des administrations, travailleurs et commerçants de ce beau pays qui s’appelle l’Union des Comores, prenons nos responsabilités car dans cette campagne électorale qui bat le plein, nous pouvons ne pas être passifs.
Et il n’est pas encore tard pour que nos candidats travaillent leurs gammes pour qu’enfin ils nous présentent des projets concrets, intelligibles et crédibles pour le pays.
Nous sommes à 10 jours de la primaire qui fait office de premier tour. Et si par malheur, les prétendants du second tour n’avaient pas pris le temps de réfléchir aux solutions pratiques des problèmes du pays, ils ont encore le temps de renoncer à mentir à la jeunesse de ce pays qui a tant besoin de se relever.
SAID HALIFA
Paris, 11 février 2016