Rohff - «Je suis né à Madagascar en 1977 et j’ai passé mes premières années aux Comores. Très vite, mes parents se sont séparés. Ma mère es...
Rohff - «Je suis né à Madagascar en 1977 et j’ai passé mes premières années aux Comores. Très vite, mes parents se sont séparés. Ma mère est partie en France et je suis resté seul avec mes deux petits frères et ma grand-mère. On enregistrait des cassettes audio pour lui laisser des messages et les proches qui allaient en France lui faisaient passer.
A l’âge de sept ans, je l’ai rejoint à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). La veille de mon départ, ma grand-mère a pris une aiguille pour me retirer des petits bouts de verres que j’avais aux pieds. On marchait toujours sans chaussures... «Je suis arrivé en France pendant l’hiver 87, avec un gros ventre et des petits boutons, dus à la malnutrition. J’ai vu alors des Blancs et de la neige pour la première fois. J’ai découvert aussi l’école, dans une classe de remise à niveau, pour apprendre le français.
A la télé, je regardais le Club Dorothée. Peu à peu, j’ai rattrapé mon retard. j’étais bon élève mais niveau comportement, c’était plus compliqué. Mes deux frangins nous ont rejoints en 1989. J’ai endossé la casquette de grand frère protecteur. A l'écoute et dur à la fois. «On déménage et je découvre Vitry-sur-Seineà 11 ans. On s’installe cité Barbusse. Mokobe (membre du groupe 113) habitait le même immeuble. Le jour de notre arrivée, il nous aide à porter les canapés et les meubles. Je termine mon CM2 à Saint-Ouen. Tous les matins, je prends donc seul le RER. Je n’ai pas peur, j’ai toujours été un vagabond. Au quartier, c’est la jungle, on se teste, on se renifle. On essaye de reproduire les gestes de Van Damme et Bruce Lee. J’étais pas mal à la bagarre. Petit à petit, je sors de mon périmètre et je rencontre des mecs d’autres quartiers. Je m’initie aux vices de la rue : premier joint, business et course-poursuite avec la police.
Ma mère a souvent peur pour moi. Ce n’était pas simple d’élever trois garçons toute seule. Et elle travaillait beaucoup pour que l'on mène une vie normale. Elle souhaitait que je sois pilote de ligne, je n’étais que pilote de moto-cross en bas des tours (rires). «Aujourd’hui, lorsque je regarde dans le rétroviseur, je me dis que cette rage m’a donné envie de prendre une revanche et de me mettre à l’abri. Ce n’était pas simple. On a connu la misère sous toutes ses coutures : huissiers, coupures de courant, frigo vide. En 2003, j’ai 26 ans, une carrière dans la musique qui marche bien, de l’argent. Mais il me manque une chose. Je décide alors de retrouver mon père.
Je vais à Mayotte, je le reconnais au premier regard après vingt-deux ans sans le voir. Je le prends dans mes bras, ma façon de lui dire que je ne suis pas venu pour lui faire des reproches ni pour lui demander des comptes. Il savait que je chantais, il n’aimait pas trop ça. Mon père est un homme pieux, très religieux et ancré dans la tradition du pays. D’ailleurs, il disait aux jeunes de Mayotte : “Il ne faut pas l’appeler Rohff mais Housni”, mon prénom à l’état civil. Je suis resté trois semaines. Au moment de lui dire au revoir, j’ai pleuré comme un enfant. Impossible de m'arrêter. Tous les manques sont remontés : les sorties d’écoles, les vacances, les moments de doutes. Depuis, je suis en contact régulier avec lui et mes quatre enfants connaissent leur grand-père.»
Quelques lignes de l'Interview de Rohff à libération : Rachid Laïreche et Gurvan Kristanadjaja
Photo : Boris Allin
Titre et résumé ©habarizacomores
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