En 2011, la chute de Moubarak a fait plonger l’Egypte dans le chaos total. Les étudiants en provenance de l’Union des Comores en Egypte ont...
En 2011, la chute de Moubarak a fait plonger l’Egypte dans le chaos total. Les étudiants en provenance de l’Union des Comores en Egypte ont alors décidé d’abandonner leurs projets d’études dans ce pays pour se lancer dans une nouvelle piste. Ainsi, ils se sont présentés auprès de l’ambassade turque en Egypte pour demander un visa touristique et pouvoir partir en Turquie, un pays que la majorité des étudiants considèrent comme une possible porte d’entrée vers la France. Mais le but de cette demande de visa touristique n’est pas exclusivement la visite des beautés d’Istanbul. En effet de nombreux étudiants cherchent à prendre contact avec des filières d’émigration vers la France via les pays voisins de la Turquie.
Ce sont généralement des étudiants comoriens qui maîtrisent la langue turque qui les aident à rejoindre la première étape de leur long périple vers l’Europe. Ils les amènent ainsi jusqu’à la ville turque d’Izmir, important point de passage vers la Grèce pour tous les migrants clandestins. Ce parcours se fait en échange d’une importante somme d’argent. L’étudiant comorien maîtrisant la langue turque jouant alors le rôle d’intermédiaire entre son compatriote candidat au départ et les passeurs, délaissant généralement pour se faire ses cours. Après s’être acquitté de cette somme, notre voyageur entame son périple par la traversée de la mer Egée, dans l’espoir de rentrer en Grèce, un pays en grande difficulté qui n’est pas en mesure de répondre aux exigences des migrants.
A LIRE AUSSI sur habarizacomores.com: La diaspora comorienne,un levier de croissance économique inclusive
Le fait qu’Istanbul soit une grande métropole idéalement située compte tenu de sa proximité avec la Bulgarie et la Grèce – deux pays membres de l’Union Européenne appartenant à l’espace Schengen- font de cette ville un important point de passage pour les étudiants comoriens cherchant à rejoindre l’Europe. Ces derniers viennent d’autre pays comme l’Egypte, la Lybie, le Niger, le Maroc et le Sénégal et affluent en masse vers la Turquie dans l’espoir de trouver un moyen pour rejoindre leur famille vivant en France. Certains quittent ces pays en possession d’une licence et parfois même d’un master. Ils préfèrent alors ne pas rentrer aux Îles Comores et sont prêts à se lancer dans un voyage hasardeux et périlleux pour s’installer en Europe. Bien sûr, ce parcours nécessite une somme colossale, les étudiants comoriens au pays de Pharaons déboursant souvent entre 1000 et 1500€ rien que pour rejoindre la Turquie. Leur famille installée en Europe, plus particulièrement en France, prend alors en charge tous les frais engendrés par ces déplacements; c’est le prix à payer pour atteindre l’Eldorado que représente à leurs yeux la France.
Une fois à Istanbul, le migrant entame un véritable parcours du combattant commençant par l’inscription dans une université pour pouvoir obtenir un titre de séjour. De cette façon, il peut se présenter à la police pour essayer d’obtenir un statut régulier et se préparer pour partir en Europe. Ce procédé a incité d’autres comoriens en situation régulière à former leurs propres filières de passeurs. Certains étudiants -souvent bénéficiaires d’une bourse de l’état turc par ailleurs- se lancent ainsi dans un commerce juteux. Ces pratiques douteuses à la limite de l’escroquerie (ils délaissent leurs cours pour se lancer dans cette entreprise, demandant de fortes sommes d’argent à leurs compatriotes en échange de leur aide pour les procédures d’inscription à l’université ou de recherche d’un logement) font que la République de Turquie commence à se méfier des étudiants boursiers d’origine comorienne.
Certains comoriens achèvent tout de même leurs formations au Maroc, au Sénégal, au Niger ou au Bangladesh mais ils refusent de rentrer aux Comores et souhaitent venir en Turquie pour des raisons personnelles. Ainsi, une fois dans les consulats turcs des pays maghrébins, ils présentent d’autres motifs lors de la procédure pour l’obtention d’un visa. Comme il est difficile d’entrer en France à partir du Maghreb, ils préfèrent s’orienter vers la Turquie pour pouvoir accomplir ce qu’ils considèrent comme une réussite sociale : résider à l’étranger et notamment en France.
Banissadre Souffou,
Étudiant comorien en Master des Relations Internationales à l’Université d’Istanbul.