Les soutiens de Mamadou doutant très fort, il y a peu encore, de leurs candidats (de sa santé, de ses capacités physiques forcément réduite...
Les soutiens de Mamadou doutant très fort, il y a peu encore, de leurs candidats (de sa santé, de ses capacités physiques forcément réduites à 80 ans, de son éloquence très limitée, de son bilan très négatif, de son image dégradée dans le pays) rasaient les murs. Voilà quelques mois qu’ils ont repris du poil de la bête. Et pour cause : le président de la République aurait appelé les siens à le soutenir lors de la prochaine élection présidentielle (la rumeur n’ayant jamais été contredite, elle tend à devenir information). Le camp de Mamadou considère désormais que les dés sont pipés et les cartes battues. Pour eux, l’élection présidentielle de février et avril 2016 ne sera qu’un mauvais moment à passer pour leur champion, presque une formalité aéroportuaire pour passer la frontière : celle qui sépare la place de l’indépendance de Beit Salam.
Je le dis franchement et sans détour : ce soutien a surpris plus d’un. Pas seulement par sa précocité (afficher sa préférence à six mois des élections) mais surtout par sa réalité : Ikililou Dhoinine soutient-il vraiment Mohamed Ali Soilihi ?
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Car ce pharmacien devenu, par hasard, président de la République est décrit par ses anciens amis comme quelqu’un de pieux, modeste et même honnête. Les personnes qui l’ont fréquenté ces dernières années le peignent comme un dirigeant soucieux de la stabilité et du bien-être du pays ainsi que du renouvellement de la classe politique. Il semble au demeurant que son choix de vice-président à Ngazidja en 2010 n’était pas du tout Mamadou mais que celui-ci le lui aurait été imposé par le Prince de l’époque ! Nous savons aussi qu’il s’est battu pour faire élire à l’Assemblée nationale deux jeunes ministres peut-être dans la perspective de 2016 ou tout simplement pour leur doter de mandats politiques afin que leurs carrières politiques ne se terminent avec la sienne : El Arif Said Hassane et Abdoulkarim Mohamed.
Eh bien c’est étrangement cet homme, qui peut, à première vue, paraître sympathique, cinq ans après avoir subi personnellement Mamadou comme vice-président, qui décide de l’imposer à la présidence des Comores. Démarche très étrange. Plusieurs explications peuvent être avancées pour justifier ce soutien : faiblesse des adversaires de Mamadou dans l’UPDC, loyauté d’Ikililou Dhoinine, histoire politique et personnelle commune depuis au moins sept ans de ces deux hommes, méfiance devenue confiance, échange de soutiens (Iki soutient Mamadou au niveau de l’Union qui soutiendrait son épouse au niveau de Mohéli…) Ainsi va la politique tout court ; et la politique comorienne en particulier. Le pire n’est jamais loin.
Car il s’agit bien de l’imposer par la force. Car comment Iki peut imaginer que l’homme le plus détesté et le plus impopulaire des Comores puisse être porté par la majorité des électeurs comoriens à Beit Salam ?
Je ne rappellerai pas inutilement ici le parcours d’Ikililou Dhoinine. Cet homme, qui doit ses deux élections à Sambi, ne pourra évidemment pas faire élire Mamadou par sa popularité (deux impopulaires – Iki et Mamadou – ne font pas un populaire…) ! Par contre, il a le pouvoir de laisser Mamadou et les siens vider les caisses de l’Etat pour financer sa campagne et bourrer les urnes en sa faveur. En un mot comme en mille, il a le pouvoir de le faire passer en force.
Mais tous ceux qui ont une culture historique et un œil politique avisé savent qu’il ne suffit pas d’être à la tête d’un exécutif et de disposer de l’appareil d’Etat pour gagner des élections : Mze Soulé Elback (2007) et Mohamed Abdoulwahab (2011) ont perdu les élections, Caabi El Yachroutu n’a pas pu faire élire Abbas Djoussouf en 1996 et Assoumani Azali n’est pas arrivé à faire élire Ibrahim Halidi en 2006.
Ceux qui ne croient donc pas au scénario politique écrit d’avance ont bien raison. Ils ont raison de refuser de sauter dans le vide abyssal dans lequel le pays serait précipité s’il devait être dirigé par un homme qui, à lui seul, symbolise les échecs gigantesques des politiques comoriens – Mamadou bien sûr. Ils ont raison aussi de considérer que dix ans d’Ikililou Dhoinine sont largement suffisants. Ils ont raison de penser qu’on ne peut pas laisser des dynasties s’installer à la tête de l’Etat comorien (Iki depuis 2006 et Mamadou depuis 1985).
Nassurdine Ali Mhoumadi, né en 1979 à Nioumadzaha Bambao, docteur ès Lettres, fondateur et premier directeur du groupe scolaire Léopold Sédar Senghor (Nioumadzaha Bambao), ancien enseignant à l’université des Comores, chroniqueur à Albilad, est professeur de Lettres modernes dans la région lyonnaise. Il a signé trois essais chez l’Harmattan : Un Métis nommé Senghor (2010), Réception de Léopold Sédar Senghor (2014) et Le Roman de Mohamed Toihiri dans la littérature comorienne (2012).