Dans un discours devant la diaspora, aux Pays-Bas, le président rwandais a appelé samedi son peuple à ne pas se soucier des condamnations ve...
Dans un discours devant la diaspora, aux Pays-Bas, le président rwandais a appelé samedi son peuple à ne pas se soucier des condamnations venues des capitales et organisations non-gouvernementales occidentales.
Meeting politique ? One man show présidentiel ? Fête patriotique destinée à séduire la diaspora ? Il y a un peu de tout cela dans « Rwanda Day », cette manifestation régulièrement organisée par Kigali à l’étranger pour rassembler les ressortissants du pays.
Ce samedi 3 octobre, l’événement se tenait à Amsterdam, aux Pays-Bas, où le président rwandais, Paul Kagamé, faisait étape pour une visite d’État – il doit rencontrer le Premier ministre Mark Rutte ainsi que le couple royal, les 5 et 6 octobre.
Et cette fois-ci, Paul Kagamé s’est surtout servi de ce rendez-vous politico-patriotique pour inciter ses compatriotes à se défier des condamnations venues de l’étranger. « Vivre selon une façon dictée par d’autres, ce n’est pas vivre pleinement », leur a-t-il dit, dans un discours sans note en kinyarwanda, devant 4000 participants (selon les chiffres fournis par les organisateurs) et retransmis en direct à la télévision rwandaise. « Évidemment, certains refusent cette logique. Mais le cœur et la majorité des Rwandais le veulent ».
La polémique du 3e mandat
Bien que Paul Kagamé n’ait jamais abordé directement la question de la réforme en cours de la Constitution, qui lui permettrait de briguer un troisième mandat, difficile de ne pas voir dans son discours plein de sous-entendus une réponse aux avertissements des Occidentaux. En juin dernier, Washington avait clairement signifié qu’il espérait « l’élection d’un nouveau dirigeant rwandais » en 2017. C’était d’ailleurs l’un des principaux messages de la récente visite du président Barack Obama en Afrique de l’Est.
« Je sais qu’il y en a beaucoup au Rwanda et ailleurs en Afrique, qui ne veulent pas définir eux-mêmes leur façon de vivre, a développé Kagamé. Mais je vais prendre un exemple : en Asie, il y a des pays qui étaient derrière nous en termes de développement dans les années 1950. Ils ont fait des pas de géant et nous ont laissé derrière […] Une des raisons de cela, c’est que nous avons attendu que d’autres définissent notre façon de vivre, et de qui nous dépendions ».
Mais la défiance de Kagamé était surtout tournée envers les organisations de défense des droits de l’Homme, très critiques à l’égard du gouvernement rwandais. « Il y a des Rwandais qui ont volé ou tué au pays. Et quand ils arrivent ici, ils disent qu’ils ont été persécutés parce qu’ils voulaient la démocratie. Quand ils disent ça, quoi qu’ils aient fait, ils sont accueillis. Ces experts en démocratie sont même invités à la télévision ! […] On dit toujours : ‘au Rwanda, il n’y a pas de débat’. Mais quel débat ? Si on veut échanger sur la façon de construire le pays, c’est très bien. Mais je ne connais personne qui se nourrit de mots ».
Pendant ce temps, à l’extérieur de la gigantesque salle, plusieurs journalistes néerlandais s’indignaient d’avoir été interdit d’accès par des services de sécurité à cran – une manifestation hostile au président rwandais se déroulait à l’extérieur. « Les ennemis du Rwanda ne sont pas les bienvenus au Rwanda Day », répondait, sur Twitter, l’association mondiale de la diaspora rwandaise – co-organisatrice de l’événement.
Lors de la séance de questions-réponses qui a suivi – un classique des interventions publiques de Kagamé – le président rwandais s’est refusé à tout commentaire sur ses relations avec le Burundi. Bujumbura, où règne une instabilité croissante depuis la réelection controversée du président Pierre Nkurunziza en juillet – accuse de plus en plus ouvertement Kigali de soutenir ses opposants.
Paul Kagamé a en revanche pris son temps pour étudier deux questions mettant en cause son ministre de l’Éducation (sur le retard de paiement de bourses à l’étranger) et son ministre de la Jeunesse et des Nouvelles technologies (sur la cherté de l’hébergement des données informatique au Rwanda). Appelés à s’expliquer publiquement, les deux membres du gouvernement ont été interrompus à plusieurs réprise par un Paul Kagamé insatisfait de leurs réponses. Une manière assez claire de rappeler à tous, si besoin, qui est le vrai patron.
Par Pierre Boisselet - JeuneAfrique - envoyé spécial à Amsterdam
Meeting politique ? One man show présidentiel ? Fête patriotique destinée à séduire la diaspora ? Il y a un peu de tout cela dans « Rwanda Day », cette manifestation régulièrement organisée par Kigali à l’étranger pour rassembler les ressortissants du pays.
Ce samedi 3 octobre, l’événement se tenait à Amsterdam, aux Pays-Bas, où le président rwandais, Paul Kagamé, faisait étape pour une visite d’État – il doit rencontrer le Premier ministre Mark Rutte ainsi que le couple royal, les 5 et 6 octobre.
Et cette fois-ci, Paul Kagamé s’est surtout servi de ce rendez-vous politico-patriotique pour inciter ses compatriotes à se défier des condamnations venues de l’étranger. « Vivre selon une façon dictée par d’autres, ce n’est pas vivre pleinement », leur a-t-il dit, dans un discours sans note en kinyarwanda, devant 4000 participants (selon les chiffres fournis par les organisateurs) et retransmis en direct à la télévision rwandaise. « Évidemment, certains refusent cette logique. Mais le cœur et la majorité des Rwandais le veulent ».
La polémique du 3e mandat
Bien que Paul Kagamé n’ait jamais abordé directement la question de la réforme en cours de la Constitution, qui lui permettrait de briguer un troisième mandat, difficile de ne pas voir dans son discours plein de sous-entendus une réponse aux avertissements des Occidentaux. En juin dernier, Washington avait clairement signifié qu’il espérait « l’élection d’un nouveau dirigeant rwandais » en 2017. C’était d’ailleurs l’un des principaux messages de la récente visite du président Barack Obama en Afrique de l’Est.
« Je sais qu’il y en a beaucoup au Rwanda et ailleurs en Afrique, qui ne veulent pas définir eux-mêmes leur façon de vivre, a développé Kagamé. Mais je vais prendre un exemple : en Asie, il y a des pays qui étaient derrière nous en termes de développement dans les années 1950. Ils ont fait des pas de géant et nous ont laissé derrière […] Une des raisons de cela, c’est que nous avons attendu que d’autres définissent notre façon de vivre, et de qui nous dépendions ».
Il y a des Rwandais qui ont volé ou tué au pays. Et quand ils arrivent ici, ils disent qu’ils ont été persécutés parce qu’ils voulaient la démocratie…
Mais la défiance de Kagamé était surtout tournée envers les organisations de défense des droits de l’Homme, très critiques à l’égard du gouvernement rwandais. « Il y a des Rwandais qui ont volé ou tué au pays. Et quand ils arrivent ici, ils disent qu’ils ont été persécutés parce qu’ils voulaient la démocratie. Quand ils disent ça, quoi qu’ils aient fait, ils sont accueillis. Ces experts en démocratie sont même invités à la télévision ! […] On dit toujours : ‘au Rwanda, il n’y a pas de débat’. Mais quel débat ? Si on veut échanger sur la façon de construire le pays, c’est très bien. Mais je ne connais personne qui se nourrit de mots ».
Pendant ce temps, à l’extérieur de la gigantesque salle, plusieurs journalistes néerlandais s’indignaient d’avoir été interdit d’accès par des services de sécurité à cran – une manifestation hostile au président rwandais se déroulait à l’extérieur. « Les ennemis du Rwanda ne sont pas les bienvenus au Rwanda Day », répondait, sur Twitter, l’association mondiale de la diaspora rwandaise – co-organisatrice de l’événement.
Lors de la séance de questions-réponses qui a suivi – un classique des interventions publiques de Kagamé – le président rwandais s’est refusé à tout commentaire sur ses relations avec le Burundi. Bujumbura, où règne une instabilité croissante depuis la réelection controversée du président Pierre Nkurunziza en juillet – accuse de plus en plus ouvertement Kigali de soutenir ses opposants.
Paul Kagamé a en revanche pris son temps pour étudier deux questions mettant en cause son ministre de l’Éducation (sur le retard de paiement de bourses à l’étranger) et son ministre de la Jeunesse et des Nouvelles technologies (sur la cherté de l’hébergement des données informatique au Rwanda). Appelés à s’expliquer publiquement, les deux membres du gouvernement ont été interrompus à plusieurs réprise par un Paul Kagamé insatisfait de leurs réponses. Une manière assez claire de rappeler à tous, si besoin, qui est le vrai patron.