Paris poursuit son offensive de charme auprès de son « premier voisin dans l’Océan indien ». Trois préfets, deux ambassadeurs, et un command...
Paris poursuit son offensive de charme auprès de son « premier voisin dans l’Océan indien ». Trois préfets, deux ambassadeurs, et un commandant de l’armée – soit l’intégralité des représentants de l’Etat français dans la zone – ont terminé jeudi 29 octobre une visite de plusieurs jours au Mozambique destinée à donner un coup de fouet aux relations bilatérales. Le pays d’Afrique australe est un partenaire de choix pour la France, dont la souveraineté est régulièrement contestée dans le canal du Mozambique, riche en ressources énergétiques.
« C’est une visite exceptionnelle, la première fois que les trois préfets de la Réunion, de Mayotte, et des TAAF [Terres antarctiques et australes] se déplacent de concert dans un pays de la région », a salué le nouvel ambassadeur de France à Maputo, Bruno Clerc, venu donner l’impulsion à de nouveaux projets de coopération et faire bénéficier le Mozambique des fonds européens (FED et FEDER) que ces régions ultrapériphériques de l’UE sont en mesure d’activer.
La délégation entend capitaliser sur la visite à Paris du président mozambicain Filipe Nyusi en juillet dernier. Point culminant de l’essor récent des relations bilatérales, celle-ci n’a pas débouché sur la signature d’accords ambitieux. « On est aussi là pour insister, car on attend toujours le retour [des autorités mozambicaines] sur certaines propositions », confie, en marge, un membre de la délégation.
S’il n’est pas assumé comme tel, le volet maritime de la visite apparaît de loin comme prioritaire. La France occupe une position de choix dans cette région stratégique, qui voit passer annuellement 30 % du trafic mondial de pétroliers. Grâce aux Iles Eparses, des îlots inhabités et ponctuellement occupés par des missions scientifiques qui sont administrativement rattachées aux TAAF, l’Etat détient une Zone économique exclusive (ZEE) de 636 000 km2. Soit une bonne moitié du canal. « Le Mozambique est appelé à se développer, le trafic maritime va se précipiter, donc il y a un intérêt à les aider », a estimé le commandant des Forces armées dans la zone sud de l’Océan Indien (FAZSOI)
Des points abordés – pêche illégale, pollution marine, piraterie –, la question de la protection des côtes, que la France a tout intérêt à suivre de près, est la plus épineuse. En cause, les soubresauts liés à « l’affaire Ematum », une opération douteuse par laquelle le gouvernement mozambicain s’est porté garant d’un emprunt de 850 millions de dollars visant à constituer une flotte de chalutiers, qui dissimulait l’acquisition de bateaux de défense et d’armement. Pour une partie des médias d’opposition au Mozambique, la France reste associée au scandale, puisque les navires ont été montés par les Constructions maritimes de Normandie (CMN) basées à Cherbourg, bien que l’Etat français ait toujours nié quelconque implication.
De forts soupçons de détournements pèsent sur le gouvernement, d’autant qu’une partie des bateaux ont été aperçus en cale sèche, inutilisés, dans le port de Maputo, « Dès lors qu’ils nous ont acheté de l’équipement militaire, il faut faire en sorte qu’il serve », ajoute le commandant, venu offrir des pistes de collaborations à la marine mozambicaine. « Or s’ils ont cinq ans pour créer une marine digne de ce nom, il faut qu’ils se dépêchent », précise t-il.
En jeu : la sécurisation des activités d’extraction du gaz dans le nord du Mozambique, où les géants Anadarko et ENI prévoient de démarrer à l’horizon 2020 l’exploitation des immenses réserves découvertes dans le bassin du fleuve Rovuma.
Car en dehors d’une riche biodiversité et d’importants stocks de poissons, le canal du Mozambique possède un énorme potentiel énergétique qui en ferait « une prochaine mer du nord en puissance », selon un rapport de l’United States Geological Survey de 2010 (USGS). La France n’est pas en reste puisque des entreprises pétrolières prospectent aux alentours des Iles Eparses depuis 2008. Et selon les études, l’île Juan de Nova, située presque à mi-chemin entre Madagascar et le Mozambique, pourrait renfermer 6 à 12 milliards de barils de pétrole, soit l’équivalent de 10 ans de consommation française.
Alors que le ministère français de l’environnement vient de renouveler le mois dernier les permis d’exploration des entreprises, la présence avérée de pétrole pourrait pousser Madagascar à réactiver un contentieux de souveraineté qui remonte aux années 1970.
« Ce n’est pas un sujet avec le Mozambique », affirme Cécile Pozzo-di-Borgo, la préfet des TAAF, qui assure que le contentieux malgache n’a même pas été évoqué au cours de la visite. « Il est clair que la France aurait intérêt à ce que le Mozambique ne se positionne pas dans le cas où Madagascar en viendrait à hausser le ton », décode une diplomate en poste à Maputo.
Adrien Barbiercontributeur Le Monde Afrique, Maputo - lemonde.fr
« C’est une visite exceptionnelle, la première fois que les trois préfets de la Réunion, de Mayotte, et des TAAF [Terres antarctiques et australes] se déplacent de concert dans un pays de la région », a salué le nouvel ambassadeur de France à Maputo, Bruno Clerc, venu donner l’impulsion à de nouveaux projets de coopération et faire bénéficier le Mozambique des fonds européens (FED et FEDER) que ces régions ultrapériphériques de l’UE sont en mesure d’activer.
Lire aussi : Le pétrole Comorien serait-il la cause des provocations françaises aux Jeux des Iles?
La délégation entend capitaliser sur la visite à Paris du président mozambicain Filipe Nyusi en juillet dernier. Point culminant de l’essor récent des relations bilatérales, celle-ci n’a pas débouché sur la signature d’accords ambitieux. « On est aussi là pour insister, car on attend toujours le retour [des autorités mozambicaines] sur certaines propositions », confie, en marge, un membre de la délégation.
Le canal du Mozambique, voie stratégique
S’il n’est pas assumé comme tel, le volet maritime de la visite apparaît de loin comme prioritaire. La France occupe une position de choix dans cette région stratégique, qui voit passer annuellement 30 % du trafic mondial de pétroliers. Grâce aux Iles Eparses, des îlots inhabités et ponctuellement occupés par des missions scientifiques qui sont administrativement rattachées aux TAAF, l’Etat détient une Zone économique exclusive (ZEE) de 636 000 km2. Soit une bonne moitié du canal. « Le Mozambique est appelé à se développer, le trafic maritime va se précipiter, donc il y a un intérêt à les aider », a estimé le commandant des Forces armées dans la zone sud de l’Océan Indien (FAZSOI)
Des points abordés – pêche illégale, pollution marine, piraterie –, la question de la protection des côtes, que la France a tout intérêt à suivre de près, est la plus épineuse. En cause, les soubresauts liés à « l’affaire Ematum », une opération douteuse par laquelle le gouvernement mozambicain s’est porté garant d’un emprunt de 850 millions de dollars visant à constituer une flotte de chalutiers, qui dissimulait l’acquisition de bateaux de défense et d’armement. Pour une partie des médias d’opposition au Mozambique, la France reste associée au scandale, puisque les navires ont été montés par les Constructions maritimes de Normandie (CMN) basées à Cherbourg, bien que l’Etat français ait toujours nié quelconque implication.
Lire aussi : Les Comores dans l’attente de « son pétrole »
De forts soupçons de détournements pèsent sur le gouvernement, d’autant qu’une partie des bateaux ont été aperçus en cale sèche, inutilisés, dans le port de Maputo, « Dès lors qu’ils nous ont acheté de l’équipement militaire, il faut faire en sorte qu’il serve », ajoute le commandant, venu offrir des pistes de collaborations à la marine mozambicaine. « Or s’ils ont cinq ans pour créer une marine digne de ce nom, il faut qu’ils se dépêchent », précise t-il.
Ressources gazières
En jeu : la sécurisation des activités d’extraction du gaz dans le nord du Mozambique, où les géants Anadarko et ENI prévoient de démarrer à l’horizon 2020 l’exploitation des immenses réserves découvertes dans le bassin du fleuve Rovuma.
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Car en dehors d’une riche biodiversité et d’importants stocks de poissons, le canal du Mozambique possède un énorme potentiel énergétique qui en ferait « une prochaine mer du nord en puissance », selon un rapport de l’United States Geological Survey de 2010 (USGS). La France n’est pas en reste puisque des entreprises pétrolières prospectent aux alentours des Iles Eparses depuis 2008. Et selon les études, l’île Juan de Nova, située presque à mi-chemin entre Madagascar et le Mozambique, pourrait renfermer 6 à 12 milliards de barils de pétrole, soit l’équivalent de 10 ans de consommation française.
Alors que le ministère français de l’environnement vient de renouveler le mois dernier les permis d’exploration des entreprises, la présence avérée de pétrole pourrait pousser Madagascar à réactiver un contentieux de souveraineté qui remonte aux années 1970.
« Ce n’est pas un sujet avec le Mozambique », affirme Cécile Pozzo-di-Borgo, la préfet des TAAF, qui assure que le contentieux malgache n’a même pas été évoqué au cours de la visite. « Il est clair que la France aurait intérêt à ce que le Mozambique ne se positionne pas dans le cas où Madagascar en viendrait à hausser le ton », décode une diplomate en poste à Maputo.
Adrien Barbiercontributeur Le Monde Afrique, Maputo - lemonde.fr