Le président de la République comme le premier ministre ont fait le déplacement. Plusieurs ministres sont dans leur sillage. Pour l’ouvertur...
Le président de la République comme le premier ministre ont fait le déplacement. Plusieurs ministres sont dans leur sillage. Pour l’ouverture du salon international des mines et du pétrole de Madagascar, mercredi 23 septembre, dans la capitale Antananarivo, cette présence officielle massive témoigne de l’enjeu pour les autorités locales. « L’Etat a pour but de faire du secteur extractif un véritable levier du développement du pays, nous ne pouvons pas avoir autant de ressources et rester aussi pauvres », insiste à la tribune Hery Rajaonarimampianina.
Depuis son élection début 2014, synonyme de sortie d’une longue crise politique déclenchée par le coup d’Etat de 2009, le chef de l’Etat annonce régulièrement une reprise économique qui se fait toujours attendre. 5 % de taux de croissance était visé en 2015, il ne s’élèvera finalement qu’à 3,2 % selon la dernière prévision publiée cette semaine par le Fonds monétaire international (FMI). Un chiffre insuffisant pour un pays en développement.
Alors sur le grand écran, le ministre des mines affiche son objectif. D’ici 2018, les ressources minières et pétrolières, sources majeures de devises, devront contribuer à 8 % du produit intérieur brut, contre 2 % aujourd’hui, puis 12 % en 2019. Le sous-sol malgache est riche. Trois mines sont déjà en activité (nickel, chrome, ilménite), et l’exploitation commerciale du pétrole a débuté. Mais dans la salle du centre de conférence, les investisseurs étrangers préféreraient des actes aux paroles officielles.
« Le gouvernement devait délivrer de nouveaux permis miniers, la plupart d’entre eux ayant expiré pendant la crise politique, mais nous attendons toujours », se plaint en aparté un opérateur australien. Comme dans d’autres pays africains, l’écriture d’un nouveau code minier, qui sera publié avant la fin de l’année selon les autorités, fait aussi grincer des dents. « Vous voulez alourdir la taxation alors que nous traversons un défi sans précédent avec la baisse des cours mondiaux », interpelle au micro le président de la chambre des mines, Ni Fana Rakotomalala. Le président de Rio Tinto à Madagascar lance une pique : « Et le dollar que vous recevez est-il bien dépensé ? il y a quelques problèmes de gouvernance… ».
Sur l’estrade ne sera pas prononcé le mot corruption, un fléau dans le pays. « Nous pouvons avoir une industrie extractive attractive et compétitive tout en préservant l’intérêt national en obtenant des retombées socio-économiques plus substantielles », préfère répondre le ministre des mines, Joëli Valérien Lalaharisaina. En attendant les futures recettes fiscales, l’Etat ne parvient toujours pas à relancer son économie. Selon les régions, les cyclones ou sécheresses ont détruit des récoltes en début d’année, des délestages d’électricité ont lieu quotidiennement dans la capitale, une longue grève du personnel de la compagnie aérienne nationale a miné la saison touristique.
En mai, les députés ont tenté de destituer le président malgache, handicapé par une faible assise politique. Craignant la persistance de l’instabilité, les investisseurs demeurent frileux. Une éclaircie est toutefois apparue dans le ciel de la Grande Ile le 22 septembre. Après une visite sur place, le FMI a accepté d’accorder un crédit de 47 millions de dollars (42 millions d’euros) pour financer un programme de réformes économiques ayant pour objectifs « un investissement accru dans des infrastructures essentielles, une amélioration de la gouvernance et du climat des affaires ainsi qu’un renforcement des politiques de développement social ».
Pour Coralie Gevers, représentante de la Banque mondiale à Madagascar, « cet accord est une façon de reconnaître que les autorités malgaches font des efforts dans la bonne direction pour maintenir la stabilité macro-économique ». Et d’ajouter : « De toute façon, si nous n’aidons pas, ce sera bien pire, et c’est la population qui paie les pots cassés ». Près de trois-quarts des Malgaches vivent sous le seuil de pauvreté avec moins d’un dollar par jour. Depuis l’indépendance en 1960, le PIB par habitant a chuté de 42 %. Seuls la République démocratique du Congo et le Liberia, des pays longtemps en guerre, ont fait pire dans le monde.
« Ce pays offre pourtant des opportunités phénoménales », estime Bruno Massez, responsable de la Société générale à Madagascar, « il a une position stratégique dans l’océan Indien, la main d’œuvre est assez qualifiée et peu cher ». Les secteurs du textile, des plates-formes téléphoniques, de l’agroalimentaire sont cités pour créer davantage d’emplois, et plus rapidement que dans le secteur minier.
Par Sébastien Hervieu (envoyé spécial à Antananarivo, à Madagascar)
Le Monde.fr
Depuis son élection début 2014, synonyme de sortie d’une longue crise politique déclenchée par le coup d’Etat de 2009, le chef de l’Etat annonce régulièrement une reprise économique qui se fait toujours attendre. 5 % de taux de croissance était visé en 2015, il ne s’élèvera finalement qu’à 3,2 % selon la dernière prévision publiée cette semaine par le Fonds monétaire international (FMI). Un chiffre insuffisant pour un pays en développement.
Alors sur le grand écran, le ministre des mines affiche son objectif. D’ici 2018, les ressources minières et pétrolières, sources majeures de devises, devront contribuer à 8 % du produit intérieur brut, contre 2 % aujourd’hui, puis 12 % en 2019. Le sous-sol malgache est riche. Trois mines sont déjà en activité (nickel, chrome, ilménite), et l’exploitation commerciale du pétrole a débuté. Mais dans la salle du centre de conférence, les investisseurs étrangers préféreraient des actes aux paroles officielles.
« Le gouvernement devait délivrer de nouveaux permis miniers, la plupart d’entre eux ayant expiré pendant la crise politique, mais nous attendons toujours », se plaint en aparté un opérateur australien. Comme dans d’autres pays africains, l’écriture d’un nouveau code minier, qui sera publié avant la fin de l’année selon les autorités, fait aussi grincer des dents. « Vous voulez alourdir la taxation alors que nous traversons un défi sans précédent avec la baisse des cours mondiaux », interpelle au micro le président de la chambre des mines, Ni Fana Rakotomalala. Le président de Rio Tinto à Madagascar lance une pique : « Et le dollar que vous recevez est-il bien dépensé ? il y a quelques problèmes de gouvernance… ».
Sur l’estrade ne sera pas prononcé le mot corruption, un fléau dans le pays. « Nous pouvons avoir une industrie extractive attractive et compétitive tout en préservant l’intérêt national en obtenant des retombées socio-économiques plus substantielles », préfère répondre le ministre des mines, Joëli Valérien Lalaharisaina. En attendant les futures recettes fiscales, l’Etat ne parvient toujours pas à relancer son économie. Selon les régions, les cyclones ou sécheresses ont détruit des récoltes en début d’année, des délestages d’électricité ont lieu quotidiennement dans la capitale, une longue grève du personnel de la compagnie aérienne nationale a miné la saison touristique.
En mai, les députés ont tenté de destituer le président malgache, handicapé par une faible assise politique. Craignant la persistance de l’instabilité, les investisseurs demeurent frileux. Une éclaircie est toutefois apparue dans le ciel de la Grande Ile le 22 septembre. Après une visite sur place, le FMI a accepté d’accorder un crédit de 47 millions de dollars (42 millions d’euros) pour financer un programme de réformes économiques ayant pour objectifs « un investissement accru dans des infrastructures essentielles, une amélioration de la gouvernance et du climat des affaires ainsi qu’un renforcement des politiques de développement social ».
Pour Coralie Gevers, représentante de la Banque mondiale à Madagascar, « cet accord est une façon de reconnaître que les autorités malgaches font des efforts dans la bonne direction pour maintenir la stabilité macro-économique ». Et d’ajouter : « De toute façon, si nous n’aidons pas, ce sera bien pire, et c’est la population qui paie les pots cassés ». Près de trois-quarts des Malgaches vivent sous le seuil de pauvreté avec moins d’un dollar par jour. Depuis l’indépendance en 1960, le PIB par habitant a chuté de 42 %. Seuls la République démocratique du Congo et le Liberia, des pays longtemps en guerre, ont fait pire dans le monde.
« Ce pays offre pourtant des opportunités phénoménales », estime Bruno Massez, responsable de la Société générale à Madagascar, « il a une position stratégique dans l’océan Indien, la main d’œuvre est assez qualifiée et peu cher ». Les secteurs du textile, des plates-formes téléphoniques, de l’agroalimentaire sont cités pour créer davantage d’emplois, et plus rapidement que dans le secteur minier.
Par Sébastien Hervieu (envoyé spécial à Antananarivo, à Madagascar)
Le Monde.fr