Malgré l’engagement pris par tous en 2001, au moment de l’adoption de la constitution instituant l’Union des Comores en remplacement de la ...
Malgré l’engagement pris par tous en 2001, au moment de l’adoption de la constitution instituant l’Union des Comores en remplacement de la République Fédérale Islamique des Comores, le bilan de la première phase de la tournante ne sera pas fait. Le gouvernement et ses alliés ne semblent pas intéressés.
Des membres éminents de l’actuelle équipe gouvernementale se souviennent parfaitement de l’engagement pris par la classe politique et la communauté internationale de se retrouver après la première phase de la tournante pour en tirer les conclusions. Des candidats déjà déclarés aussi. Les uns comme les autres occupaient des postes de haute responsabilité, soit au sein du régime de l’époque, soit au sein de l’opposition.
L’intérêt de ce bilan promis serait de voir si la formule du Nouvel ensemble comorien répondait ou pas aux souhaits du peuple comorien. Ce dernier croyait adopter un nouveau système qui devait permettre de restaurer l’unité nationale, rompre avec plus de 25 ans d’immobilisme, de corruption et de mauvaise gestion. Un système qui allait démocratiser la république et permettre aux îles, désormais autonomes, d’entrer dans une ère de développement.
Mais nous voilà, qu’après une première phase de quatorze ans, la communauté internationale ne nous le rappelant pas, ceux qui sont au pouvoir semblent oublier cette exigence. Comme si le résultat était parfait et la formule validée.
Depuis plusieurs mois, des voix s’élèvent notamment au sein de l’opposition pour réclamer une conférence nationale sur le bilan de la tournante. D’autres avancent l’idée d’un référendum pour interroger les Comoriens s’ils souhaitent continuer dans la même voie. Pour le leader du parti ANC qui parle d’un échec de la tournante sur toute la ligne, « nous ne pouvons pas entamer tête baissée une autre phase ». Selon Mohmoud Ali Mohamed, « l’architecture constitutionnelle n’a favorisé que la classe dirigeante ».
Lors du dernier rassemblement populaire, place de l’indépendance à Moroni, l’ancien ministre Bazi Selim, s’exprimant au nom du comité des Sages, a réclamé des assises nationales avant les prochaines élection pour faire le bilan des quarante ans d’indépendances et surtout de la tournante. « Pas d’élection avant une assise nationale », a-t-il fait savoir sous les applaudissements.
Le parti Juwa aussi a plusieurs fois lancé en vain des appels au gouvernement dans ce sens. « Aucun des maux que le Nouvel ensemble comorien devait remédier n’a trouvé un début de solution », tance le journaliste Aboubacar Mchangama précisant que « l’autonomie qui devait fournir un ballon d’oxygène aux îles a mis de la distance entre elles. L’émulation compétitive que le Nec devait insuffler pour booster le développement des îles n’a fait que renforcer la méfiance entre elles ».
Mais du côté du gouvernement et de ses alliés, on soutient mollement que la tournante a apporté la stabilité et mis fin aux velléités séparatistes. Au passage dans l’émission « Grand angle » de TV5 Monde il y a trois mois, l’ancien président, le colonel Azali Assoumani, avait reconnu que la tournante apportait aux Comores une « stabilité précaire » avant d’indiquer, paradoxalement, qu’il faut « la consolider ».
Face à cette problématique dont le sort du pays et de sa population dépend, d’aucuns s’interrogent sur le silence du gouvernement et du président de la république qui ne veulent pas assumer le rôle que l’histoire leur a confié. Certes, celle-ci est injuste parfois, lorsqu’elle demande au premier président origine de Mohéli de convoquer des assises qui risquent de remettre en cause la tournante. Mais quand on admet être un homme d’Etat, on doit dépasser les considérations partisanes, claniques et insulaires pour placer au dessus de tous l’intérêt supérieur de la nation.
Il suffit de s’interroger lucidement sur les avantages et les inconvénients de ce nouveau système institutionnel et en tirer les conséquences. Et cela ne veut pas dire forcément qu’il sera remis en cause et abandonné. Il peut surtout être corrigé, adapté pour qu’il réponde mieux aux aspirations de la population. Car après tout c’est l’objectif, l’exigence même de la politique. Et si le gouvernement ne convoque pas ce rendez-vous important pour l’avenir du pays, la classe politique et la société civile doivent s’unir pour l’imposer, quitte à saisir la communauté internationale, notamment l’Union africaine.