Et si l’on ajournait l’Eid El Fitr? Ce n’est pas par fanatisme religieux, pour ce qui me trouveront trop pieux, ni par sadisme emphati...
Et si l’on ajournait l’Eid El Fitr?
Ce n’est pas par fanatisme religieux, pour ce qui me trouveront trop pieux, ni par sadisme emphatique pour ceux qui me croiront trop vicieux. Le mois de Ramadan est un mois béni; un mois vénérable et bien agréable. A croire selon les pratiques que les onze autres mois de l'année ne servent qu'à préparer l'arrivée et la conduite du mois de Ramadan. Vous l’aurez tous remarquez de vous-même; Pendant les trente jours de jeûne, tout se normalise dans les esprits, les actes et les manières. Mêmes les rares personnes qui n'observent pas le jeûne, sont contraintes de suivre le bon rythme du Ramadan.
Tout le monde mange bien à l'heure
La veille du début du mois de Ramadan c’est la folie totale. Pique-nique géant à la mêlée et à volonté, sorties insensées et démesurées, actes abjects et incivils. Comme si tout est permis temporairement pour être aussitôt défendu à la vue du croissant de lune annonçant l’arrivée du mois sacré du Ramadan.
Au village, la bananeraie de l’arrière-cour a produit quelques régimes qui ne seront consommés que pendant le Ramadan; les bois de fagot entassés pour séchage sur les terrasses, n’allumeront le feu du foyer que pendant le mois sacré. Tout doit être prêt: la mosquée, la maison, le véhicule, l’habillement, jusqu’au compte bancaire; Ramadan oblige!
Les importateurs et les grands magasins prennent de l'avance pour se ravitailler en produits. Ce ne sera pas acceptable de manquer de sucre, de riz, de l'huile ou de la viande pendant les trente jours de Ramadan.
Une foule pour des Achats dans la poissonnerie des Srilankais à Moroni, pendant le Ramadan |
Les comoriens ne se font pas obligation de manger trois fois par jour. C'est un luxe que même les plus aisés ne peuvent pas se l'autoriser. Pendant le mois de Ramadan, il est hors de question de ne pas manger au coucher du soleil. Tout le monde mange à l'heure et presque équilibré. Chacun fera de son mieux pour organiser avec des ressources financières et de moyens humains licites le repas du seul «déjeuner nocturne».
La surveillance des mœurs et des manières
Dans les villages, les guides religieux décrètent les "Fatwa" pour ceux qui auront un comportement déplacé et qui auront à couper le Ramadan en pleine journée. Les sanctions sont de plus en plus dures pour ceux qui auront à «casser la lune». Le Grand Mufti National, voire même le Commandant de la gendarmerie met en garde les femmes contre le port d’habits moins décents et les comportements inappropriés; appelle les hommes à beaucoup plus d'abnégation.
Les policiers paraissent particulièrement vigilants et omniprésents: qu’ils soient de la brigade routière ou celle du contrôle des prix. Les taximen, les épiciers et les marchands de denrées alimentaires sont continuellement sur la pression de ces hommes en kaki. Une limitation stricte de la vitesse, voire mêmes des horaires de route, est imposée au bus long courrier, qui vont vers le Mbadjini, vers le Mitsamiouli ou vers le Nioumakélé.
Il est courant que des disputes pourtant bien scellées soient évitées, que cela soit individuelle ou de groupe, pour la simple raison que l'un des protagonistes se rappelle du ramadan et s'abstienne d'aller plus loin. Les esprits déliés par la faiblesse du corps et l'abstinence du jeûne s'apaisent et se maîtrisent; Comme si c'est seulement pendant le Ramadan que le respect des bonnes valeurs est acquis. Le corps humain même, régénère une beauté nature en l'absence de maquillage pour les femmes et de soins superflus pour les hommes. Les scientifiques nous diront qu'en l'absence de nourritures dans l'estomac pendant la journée, l'organisme puise dans ses réserves pour fonctionner. Plusieurs mauvaises graisses sont alors brûlées et le corps reste ainsi purifié. Les femmes deviennent plus jolies avec un teint bien clair et naturel; les hommes paraissent trop beaux et élégants avec leurs barbes florissantes.
Les mosquées, vous l'aurez vu sont toutes pleines aux heures de prières et même à longueur de journée et de soirée d'ailleurs. Les discours religieux sont fidèlement suivis et compris. L'esprit est alors beaucoup plus ouvert à la bonne parole et cela par ce que le temps n'est plus celui de courir derrière les repas ni d'autres plaisirs mondains. Le port même du châle «Mharuma» se démocratise; Tout le monde le porte méthodiquement. La mesure du grand mariage ne s'applique plus, voire même sur les emplacements dans les mosquées.
Le Pouvoir Publique et les Politiques s'y adaptent
Les Politiques qui ont le verbe facile et l'agilité de promettre monts et merveilles sachant pertinemment qu’ils ne tiendront pas parole, se mettent en marge de cet exercice au mois de Ramadan. Pendant la période, ils passeront facilement pour des moins que rien, des mécréants qui ne respectent ni Dieu et encore moins les hommes.
Quelques jours avant le Ramadan comme s'ils viennent de sortir d'un long sommeil, les autorités en place s'activent pour alléger les difficultés quotidiennes des citoyens. C'est la seule période où le manque d'électricité émeut les autorités; que la recherche de stabilité sociale est motivée et que la surveillance des prix des denrées de première nécessité les préoccupe. Elles ont tous le temps d'aller dans les «Darsat» les après midi et restent beaucoup plus attentifs aux doléances citoyennes.
Quelle belle période celle du Ramadan!
C'est en cette période que la personne prend le temps de découvrir son corps et son esprit; De faire le point entre le bien et le mal et d'intensifier la paix intérieur lui permettant d’accroître sa piété.
On dirait que ce ne sont plus les mêmes personnes pendant les autres mois de l'année; que les autorités ne sentent plus les souffrances des citoyens que pendant le mois de ramadan; que les esprits ne peuvent être lucides ni tolérants que pendant le mois de Ramadan...
C'est pourquoi, autant que faire se peut, pourquoi ne pas faire en sorte que chaque mois soit en Ramadan, pour que tout reste normal et acceptable! Auquel cas, l'Eid Elkabir restera une fête de communion intermédiaire.
Saïd MZE DAFINE