Un français fraîchement nommé Directeur Général d'Electricité et Eau des Comores avait établi le constat suivant en réunion du conseil ...
Un français fraîchement nommé Directeur Général d'Electricité et Eau des Comores avait établi le constat suivant en réunion du conseil d'administration en 1991 :"le montant cumulé des pertes de la société dépasse celui du capital" et mettait en cause le coût exorbitant du gazole, la vétusté des réseaux de transport et de distribution de l'électricité, l'accumulation des dettes de l'Etat à l'égard de la société et la faible qualification du personnel. Seule lueur au tableau : il y avait la lumière !
Les coupures étaient rares car les groupes électrogènes étaient de qualité correcte, subissaient les révisions périodiques dans les délais exigés et disposaient d'une puissance qui couvrait les besoins des consommateurs en électricité. Par ailleurs, la qualité du recouvrement et une certaine maîtrise des dépenses de fonctionnement permettaient à la société de s'acquitter de ses factures auprès de la Société Comorienne des Hydrocarbures. Aujourd'hui, l'électricité est devenue une denrée rare y compris dans la capitale fédérale Moroni.
Au diagnostic établi par cet ancien Directeur Général d'EEDC en 1991, j'ajouterai aujourd'hui quelques lignes pour mieux décrire la situation de MAMWE. Les branchements frauduleux, une pratique marginale à l'époque, pullulent. Beaucoup de clients abonnés régulièrement sont perdus dans les méandres d'un système informatique défectueux et ne reçoivent pas de factures. Le volume des achats de gazole ne cesse de croître à un rythme effréné sans commune mesure avec celui des recettes du fait de l'augmentation de la consommation d'énergie (ce qui est normal) mais aussi de l'extrême vétusté des groupes électrogènes et des réseaux de transport et de distribution de l'électricité. Il faut préciser à ce sujet que certains réseaux sont vieux de plus de 30 ans ! Les charges du personnel ont littéralement explosé.
Voilà deux décennies que les Directeurs Généraux d'EEDC, de la CEE puis de MAMWE et d'EDA, annoncent à chaque crise grave, pour noyer le poisson dans l'eau, la livraison de groupes électrogènes plus puissants comme si la crise énergétique aux Comores se résumait à un problème de capacité de production.
Le pays doit se doter, certes, de groupes plus puissants. J'ajouterai qu'ils devront être également neufs car les moteurs d'occasion au final coûtent plus chers en entretien et consommation d'hydrocarbures. A ceux qui m'objecteront que le problème du coût de revient de l'électricité des centrales fonctionnant au gazole sera résolu par le fioul lourd et par la géothermie, je leur répondrai que la réalisation de ces projets nécessite des délais assez longs alors qu'il y a urgence et qu'elle ne fera pas disparaître par magie les autres problèmes auxquels sont confrontés MAMWE et EDA.
Dans tous les cas, il faudra réhabiliter les réseaux de transport et de distribution de l'électricité pour diminuer les pertes d'énergie en ligne. D'autres mesures s'imposent. Il faut effectuer un porte-à-porte pour répertorier tous les consommateurs afin de disposer d'un fichier clientèle fiable. Il faut établir 2 zones de relève par île. Effectuer la relève des compteurs à Moroni, Mutsamudu et Fomboni un mois et dans les autres localités le mois suivant permettra de faire travailler les releveurs de façon optimale, de garantir une bonne qualité de la relève des compteurs et de la distribution des factures et d'assurer des encaissements conséquents 12 mois sur 12.
Il convient de noter que ces mesures seraient vaines si elles n'étaient pas accompagnées d'une extrême rigueur dans les dépenses de fonctionnement et d'une valorisation des ressources humaines. Directeur Général, Directeur Général Adjoint, Secrétaire Général, Directeur Administratif et Financier, Directeur Commercial, Directeur Technique, Directeur de l'Eau et 2 Directeurs Régionaux. Le volume de travail à MAMWE et ses moyens financiers justifient-ils une direction aussi étoffée ? Je ne le pense pas. Il convient de souligner que les entreprises de production et de distribution d'électricité sont parmi les plus difficiles à gérer.
Ce secteur d'activité exige de lourds investissements et un personnel hautement qualifié non seulement en mécanique, en électrotechnique mais aussi en gestion de la production (produire suffisamment pour qu'il n' y ait pas de délestage mais pas au-delà des besoins des consommateurs car l'électricité ne se stocke pas), en gestion des approvisionnements, en gestion de la clientèle pour ne citer que ces domaines. Ceux qui ont dirigé Electricité et Eau des Comores jusqu'en 1993 avaient pris la mesure de ces enjeux en élaborant une politique de formation des cadres.
C'est ainsi que des agents ont suivi des formations de perfectionnement en France, en Allemagne et aux Etats-Unis en gestion des ressources humaines, en contrôle de gestion, en gestion des réseaux électriques et en exploitation des réseaux d'adduction d'eau. Le gouvernement doit aujourd'hui négocier auprès de ses partenaires le financement d'un plan de formation en faveur des agents de maîtrise et des cadres de MAMWE et d'EDA car la qualité des ressources humaines conditionne la réussite du redressement du service public de l'énergie.
ABDOURAHAMANE CHEIKH ALI, ancien cadre d'Electricité et Eau des Comores