Nos responsables politiques adoptent une approche en matière de gouvernance qui n’est pas efficient car il est de bon ton dans notre cher p...
Nos responsables politiques adoptent une approche en matière de gouvernance qui n’est pas efficient car il est de bon ton dans notre cher pays d’annoncer des changements et de fixer des objectifs sans le moins du monde prendre la peine d’analyser et comprendre la situation complexe qui régit la politique que l’on veut mettre en place.
C’est ce qui se passe dans la mise en œuvre des politiques publiques en cours : la régulation de l’inflation et l’assainissement des finances publiques pour ne citer que celles-là.
Je voulais ici exprimer plus particulièrement quelques interrogations vis-à-vis de la politique d’assainissement des finances publiques poursuivie par le gouvernement dont la lutte contre la corruption est un important corollaire. L’Etat veut lutter contre la corruption. C’est très bien. C’est écrit, c’est annoncé, c’est « rabaché » mais est-ce que c’est réfléchi ? J’en doute et je m’en explique par une analyse en deux points.
D’abord parce que le Président n’a pas pris en compte une donnée sociologique essentielle : tout être humain dans son essence est capable de vol, de tricherie et de corruption dès lors qu’aucune contrainte ne l’en empêche.
L’être humain triche au travail, dans son groupe d’appartenance du moment qu’il estime qu’il a plus de chance de ne pas être pris. Sociologues et psychologues sont unanimes pour dire que « l’homme naît bon et c’est la société qui le rend mauvais ». Je pense plutôt le contraire : un enfant naît et grandit avec le mal et c’est la société qui le rend civilisé en lui apprenant la morale ».
Prenons des exemples de la vie quotidienne. Des chefs de famille abusent des biens indivis sans ressentir la moindre culpabilité. Les responsables de nos villages se partagent sans scrupule les recettes de la coutume et les cadres de l’administration s’adonnent au clientélisme, à l’abus de bien social et à la prise illégale d’intérêt collectif.
Si notre société voulait bien se regarder dans un miroir , avec courage et honnêteté, elle verra qu’elle a de sombres habitudes à remettre en cause. Et c’est ce travail préalable, cette maladie qui nous ronge la société que Dr Ikililou ne veut pas diagnostiquer d’abord avant d’avancer les remèdes.
Cette maladie, la corruption, nous concerne tous. Chaque famille des Comores veut dédouaner gratis sa marchandise à la douane et personne ne veut payer sa patente ou sa facture d’électricité.
Tant que la société ne se remettra pas en question, à commencer par les élites, nous passerons à côté d’une vraie politique de lutte contre la corruption.
Dieu ne nous a -t-il pas dit dans le CORAN « je ne changerai le sort des peuples avant que ceux-ci ne changent le fond et la nature de leurs âmes » ?
Si nous admettons que nous sommes tous potentiellement corruptibles, il faudra donc créer des barrières, morales et juridiques qui nous empêchent de passer à l’acte. On ne peut, par exemple, être ordonnateur de l’impôt, s’occuper en même temps du recouvrement et en réaliser soi-même le contrôle.
Ça n’est pas pour rien que dans les grandes démocraties, le trésorier public est régi par un statut foncièrement différent de celui de la fonction publique, et ce, pour rendre difficile les tentations.
Seconde raison, pour qu’il ait une véritable guerre contre ce fléau, il faudra une réelle indépendance de l’appareil judiciaire. Il faudra donner les moyens juridiques à chaque administré pour que celui-ci puisse poursuivre toute personne qui tenterait de le corrompre. Que les magistrats (avocats et juges d’instruction) soient complètement lavés de tout soupçon de corruption, active ou passive. Car n’oublions pas que lorsque la notabilité d’un village arpente les marches du palais de justice pour faire libérer un haut fonctionnaire présumé corrupteur, chaque membre de la délégation devient corrupteur actif et le juge qui cède est alors corrupteur passif.
C’est seulement après un travail de réflexion et d’analyse approfondi sur ces deux axes sociologique et juridique, que l’Etat pourra imaginer les outils juridiques et administratifs adéquats capables d’optimiser une gestion saine, honnête et transparente dans nos administrations.
Des outils dont le sens sera de dissuader chacun de nous de l’intention de tricher, de voler et de corrompre. car tout se passe ou ne se passe pas entre l’intention et l’acte. Quand on saura qu’il y a un arsenal pensé pour contraindre chacun de nous à un comportement sain, personne n’osera prendre le risque de se faire prendre la main dans le sac.
Si, par exemple, tous les comoriens étaient informés au 1er janvier de chaque année, par voie de presse, suite à un arrêté ministériel, du nombre et de la valeur des timbres-postes émis pour l’année en cours, si le responsable de la commercialisation à la Poste est déclaré - avec solennité - comptable devant la nation et si au 31 décembre une cour des comptes spécialisée intégrant des citoyens de la société civile pouvait faire le bilan de l’opération en donnant quitus ou pas à ce responsable de la Poste, nous minimiserions sensiblement les détournements et la fraude en inventant un procédé de contrôle fiscal original et adapté à notre société.
Nous sommes dans une ère où les administrations se modernisent, surtout, dématérialisent l’essentiel des actes, notamment en matière de perception de l’impôt. Il y a là une piste à explorer pour lutter contre la fraude, le clientélisme et la prise illégale d’intérêt.
Dès lors que l’on peut – que l’on doit – s’acquitter de sa taxe douanière en payant via une borne électronique installée en dehors de la douane, voire même via son ordinateur personnel, dès lors que le paiement ne passe pas par le contact humain, la corruption s’en verra fortement minimisée.
Je ne dis pas que c’est facile d’organiser un tel système. Je pense que ce n’est pas impossible et les résultats escomptés en valent la peine.
Apprenons à expérimenter et à créer nos outils de gouvernance pour une maîtrise de nos leviers de développement.
SAID HALIFA
Paris le 21 juillet 2015
C’est ce qui se passe dans la mise en œuvre des politiques publiques en cours : la régulation de l’inflation et l’assainissement des finances publiques pour ne citer que celles-là.
Je voulais ici exprimer plus particulièrement quelques interrogations vis-à-vis de la politique d’assainissement des finances publiques poursuivie par le gouvernement dont la lutte contre la corruption est un important corollaire. L’Etat veut lutter contre la corruption. C’est très bien. C’est écrit, c’est annoncé, c’est « rabaché » mais est-ce que c’est réfléchi ? J’en doute et je m’en explique par une analyse en deux points.
D’abord parce que le Président n’a pas pris en compte une donnée sociologique essentielle : tout être humain dans son essence est capable de vol, de tricherie et de corruption dès lors qu’aucune contrainte ne l’en empêche.
L’être humain triche au travail, dans son groupe d’appartenance du moment qu’il estime qu’il a plus de chance de ne pas être pris. Sociologues et psychologues sont unanimes pour dire que « l’homme naît bon et c’est la société qui le rend mauvais ». Je pense plutôt le contraire : un enfant naît et grandit avec le mal et c’est la société qui le rend civilisé en lui apprenant la morale ».
Prenons des exemples de la vie quotidienne. Des chefs de famille abusent des biens indivis sans ressentir la moindre culpabilité. Les responsables de nos villages se partagent sans scrupule les recettes de la coutume et les cadres de l’administration s’adonnent au clientélisme, à l’abus de bien social et à la prise illégale d’intérêt collectif.
Si notre société voulait bien se regarder dans un miroir , avec courage et honnêteté, elle verra qu’elle a de sombres habitudes à remettre en cause. Et c’est ce travail préalable, cette maladie qui nous ronge la société que Dr Ikililou ne veut pas diagnostiquer d’abord avant d’avancer les remèdes.
Cette maladie, la corruption, nous concerne tous. Chaque famille des Comores veut dédouaner gratis sa marchandise à la douane et personne ne veut payer sa patente ou sa facture d’électricité.
Tant que la société ne se remettra pas en question, à commencer par les élites, nous passerons à côté d’une vraie politique de lutte contre la corruption.
Dieu ne nous a -t-il pas dit dans le CORAN « je ne changerai le sort des peuples avant que ceux-ci ne changent le fond et la nature de leurs âmes » ?
Si nous admettons que nous sommes tous potentiellement corruptibles, il faudra donc créer des barrières, morales et juridiques qui nous empêchent de passer à l’acte. On ne peut, par exemple, être ordonnateur de l’impôt, s’occuper en même temps du recouvrement et en réaliser soi-même le contrôle.
Ça n’est pas pour rien que dans les grandes démocraties, le trésorier public est régi par un statut foncièrement différent de celui de la fonction publique, et ce, pour rendre difficile les tentations.
Seconde raison, pour qu’il ait une véritable guerre contre ce fléau, il faudra une réelle indépendance de l’appareil judiciaire. Il faudra donner les moyens juridiques à chaque administré pour que celui-ci puisse poursuivre toute personne qui tenterait de le corrompre. Que les magistrats (avocats et juges d’instruction) soient complètement lavés de tout soupçon de corruption, active ou passive. Car n’oublions pas que lorsque la notabilité d’un village arpente les marches du palais de justice pour faire libérer un haut fonctionnaire présumé corrupteur, chaque membre de la délégation devient corrupteur actif et le juge qui cède est alors corrupteur passif.
C’est seulement après un travail de réflexion et d’analyse approfondi sur ces deux axes sociologique et juridique, que l’Etat pourra imaginer les outils juridiques et administratifs adéquats capables d’optimiser une gestion saine, honnête et transparente dans nos administrations.
Des outils dont le sens sera de dissuader chacun de nous de l’intention de tricher, de voler et de corrompre. car tout se passe ou ne se passe pas entre l’intention et l’acte. Quand on saura qu’il y a un arsenal pensé pour contraindre chacun de nous à un comportement sain, personne n’osera prendre le risque de se faire prendre la main dans le sac.
Si, par exemple, tous les comoriens étaient informés au 1er janvier de chaque année, par voie de presse, suite à un arrêté ministériel, du nombre et de la valeur des timbres-postes émis pour l’année en cours, si le responsable de la commercialisation à la Poste est déclaré - avec solennité - comptable devant la nation et si au 31 décembre une cour des comptes spécialisée intégrant des citoyens de la société civile pouvait faire le bilan de l’opération en donnant quitus ou pas à ce responsable de la Poste, nous minimiserions sensiblement les détournements et la fraude en inventant un procédé de contrôle fiscal original et adapté à notre société.
Nous sommes dans une ère où les administrations se modernisent, surtout, dématérialisent l’essentiel des actes, notamment en matière de perception de l’impôt. Il y a là une piste à explorer pour lutter contre la fraude, le clientélisme et la prise illégale d’intérêt.
Dès lors que l’on peut – que l’on doit – s’acquitter de sa taxe douanière en payant via une borne électronique installée en dehors de la douane, voire même via son ordinateur personnel, dès lors que le paiement ne passe pas par le contact humain, la corruption s’en verra fortement minimisée.
Je ne dis pas que c’est facile d’organiser un tel système. Je pense que ce n’est pas impossible et les résultats escomptés en valent la peine.
Apprenons à expérimenter et à créer nos outils de gouvernance pour une maîtrise de nos leviers de développement.
SAID HALIFA
Paris le 21 juillet 2015