Les Comores sont un pays démuni (une école qui laisse à désirer, des hôpitaux pitoyables, routes impraticables, électricité insuffisante, c...
Les Comores sont un pays démuni (une école qui laisse à désirer, des hôpitaux pitoyables, routes impraticables, électricité insuffisante, chômage de masse, salaires impayés…) et désuni (à la division géographique s’ajoutent les clivages politiques : le séparatisme reste présent sur toutes les îles).
Et qui pense les affaires nationales dans cette situation chaotique et désespérée ? Personne. Ou pour être juste les politiques. Et ceux-ci sont davantage obsédés par les stratégies qui pourraient les conduire au pouvoir !
C’est là qu’il y a un besoin cruel de l’intellectuel comorien : « Dans les pays à construire, dans les nations en devenir […] l’intellectuel est un professeur. » (Senghor, Liberté 1). D’abord petit commis de l’administration et instituteur dans la période coloniale, professeur du secondaire et cadre moyen dans les années 1980-1990, l’intellectuel comorien est depuis la fin des années 2000 hautement qualifié. Le pays compte aujourd’hui plusieurs dizaines de docteurs et ingénieurs. Bien que de condition sociale fragile, ce sont véritablement les maîtres du pays car « […] le maître du discours [est] le maître tout court. » (Tzvetan Todorov, Préface à E. Said, L’Orientalisme).
Nécessité donc de l’intellectuel comorien non pour nous dire la Vérité ou la Justice ; non plus pour nous apprendre que le pays va mal (on n’a pas besoin de lui pour le comprendre : la population s’en rend compte toute seule !) ; mais au moins pour aider par exemple à fortifier l’unité nationale quand certains politiques jouent avec celle-ci : il pourrait aider les Comoriens à comprendre par exemple que pour qu’il y ait nation, il faut qu’il y ait désir de vivre ensemble (Renan, Qu’est-ce qu’une nation ?).
Il pourrait néanmoins jouer un rôle beaucoup plus utile : penser la société comorienne dans ses complexités et contradictions et tenter de lui proposer des solutions. Et tant pis s’il se trompe : en politique, personne n’est prophète. Et pourquoi ne pas descendre dans l’arène politique pour mettre en pratique ce qu’il aurait conceptualisé en s’engageant dans les partis politiques. Car dans une démocratie, c’est le politique qui a le pouvoir d’agir. Regardons ce qui se passe dans les régions et îles comoriennes : quand l’intellectuel renonce à la politique, c’est souvent le moins qualifié de tous qui occupe la place. N’est-ce pas Sambi, un homme sans diplôme, qui a incarné Anjouan, l’une des îles la plus qualifiée des Comores ?
Que l’intellectuel comorien prenne la parole : qu’il nous livre son expertise. Qu’il bouscule (et si nécessaire contredise) le politique comorien dans ses contrevérités : qu’il ne laisse pas le politique prendre en otage toute la population avec des promesses irréalisables.
Mais qu’il se rappelle qu’un intellectuel, même quand il intervient dans le débat politique, s’il n’est pas aux affaires, ne reste qu’un commentateur : rarement capable d’induire le moindre changement immédiat (Edward Said, Des intellectuels et du pouvoir). Et le commentaire est certes très excitant mais pas autant que l’action.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres, ancien enseignant à l’Université des Comores, fondateur du groupe scolaire Léopold Sédar Senghor (Nioumadzaha Bambao) est professeur de Lettres modernes dans la région lyonnaise. Il a signé trois essais chez l’Harmattan : Un Métis nommé Senghor (2010), Le Roman de Mohamed Toihiri dans la littérature comorienne (2012) et Réception de Léopold Sédar Senghor (2014). Il est chroniqueur à Albilad (hebdomadaire publié à Moroni).
Et qui pense les affaires nationales dans cette situation chaotique et désespérée ? Personne. Ou pour être juste les politiques. Et ceux-ci sont davantage obsédés par les stratégies qui pourraient les conduire au pouvoir !
C’est là qu’il y a un besoin cruel de l’intellectuel comorien : « Dans les pays à construire, dans les nations en devenir […] l’intellectuel est un professeur. » (Senghor, Liberté 1). D’abord petit commis de l’administration et instituteur dans la période coloniale, professeur du secondaire et cadre moyen dans les années 1980-1990, l’intellectuel comorien est depuis la fin des années 2000 hautement qualifié. Le pays compte aujourd’hui plusieurs dizaines de docteurs et ingénieurs. Bien que de condition sociale fragile, ce sont véritablement les maîtres du pays car « […] le maître du discours [est] le maître tout court. » (Tzvetan Todorov, Préface à E. Said, L’Orientalisme).
Nécessité donc de l’intellectuel comorien non pour nous dire la Vérité ou la Justice ; non plus pour nous apprendre que le pays va mal (on n’a pas besoin de lui pour le comprendre : la population s’en rend compte toute seule !) ; mais au moins pour aider par exemple à fortifier l’unité nationale quand certains politiques jouent avec celle-ci : il pourrait aider les Comoriens à comprendre par exemple que pour qu’il y ait nation, il faut qu’il y ait désir de vivre ensemble (Renan, Qu’est-ce qu’une nation ?).
Il pourrait néanmoins jouer un rôle beaucoup plus utile : penser la société comorienne dans ses complexités et contradictions et tenter de lui proposer des solutions. Et tant pis s’il se trompe : en politique, personne n’est prophète. Et pourquoi ne pas descendre dans l’arène politique pour mettre en pratique ce qu’il aurait conceptualisé en s’engageant dans les partis politiques. Car dans une démocratie, c’est le politique qui a le pouvoir d’agir. Regardons ce qui se passe dans les régions et îles comoriennes : quand l’intellectuel renonce à la politique, c’est souvent le moins qualifié de tous qui occupe la place. N’est-ce pas Sambi, un homme sans diplôme, qui a incarné Anjouan, l’une des îles la plus qualifiée des Comores ?
Que l’intellectuel comorien prenne la parole : qu’il nous livre son expertise. Qu’il bouscule (et si nécessaire contredise) le politique comorien dans ses contrevérités : qu’il ne laisse pas le politique prendre en otage toute la population avec des promesses irréalisables.
Mais qu’il se rappelle qu’un intellectuel, même quand il intervient dans le débat politique, s’il n’est pas aux affaires, ne reste qu’un commentateur : rarement capable d’induire le moindre changement immédiat (Edward Said, Des intellectuels et du pouvoir). Et le commentaire est certes très excitant mais pas autant que l’action.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres, ancien enseignant à l’Université des Comores, fondateur du groupe scolaire Léopold Sédar Senghor (Nioumadzaha Bambao) est professeur de Lettres modernes dans la région lyonnaise. Il a signé trois essais chez l’Harmattan : Un Métis nommé Senghor (2010), Le Roman de Mohamed Toihiri dans la littérature comorienne (2012) et Réception de Léopold Sédar Senghor (2014). Il est chroniqueur à Albilad (hebdomadaire publié à Moroni).