De la nécessité des partis politiques aux Comores

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On l’entend de partout aux Comores : « Nous en avons marre de ces partis politiques dont le seul but est d’accéder aux pouvoirs ». Cette ph...

On l’entend de partout aux Comores : « Nous en avons marre de ces partis politiques dont le seul but est d’accéder aux pouvoirs ». Cette phrase témoigne, à mon avis, de la part de ceux qui la prononcent, de l’incapacité des gouvernants à répondre aux problèmes du pays mais aussi de la méconnaissance du fonctionnement du système démocratique. Car à quoi ressemblerait une démocratie sans partis politiques ?

Il y a cependant une part de vérité dans cette affirmation : le but des partis politiques est d’accéder au pouvoir. Car en effet un parti politique, dans une démocratie relativement apaisée, est une machine électorale et un espace de débats. Son but final est donc de prendre le pouvoir et de l’exercer (j’écarte volontairement les partis de contestation) ; bien entendu dans l’intérêt du pays. Les partis politiques sont donc indispensables à la démocratie. J’ai envie de dire qu’ils sont même la démocratie elle-même.

Mais quand on regarde les choses de près, les partis politiques sont particulièrement importants aux Comores car en fin de compte, après la religion et la langue, ils sont les seuls espaces capables de fédérer les Comoriens qui restent un peuple très divisé : en quartiers, villages, régions, îles ; l’appartenance nationale n’arrivant qu’en dernière position !

Dans un pays comme les Comores où tout le monde (les anciens présidents, les vice-présidents, les gouverneurs, les militaires, les hommes politiques frustrés, les expatriés…) prétend à la présidence de la République, le seul outil politique permettant à l’électeur d’y voir plus clair n’est rien d’autre que le parti politique. Car il permet à l’électeur de connaître ses dirigeants, ses militants – donc ses futurs dirigeants si le parti est élu – et son programme avant de lui accorder sa confiance. Il votera donc en âme et conscience et en connaissance de cause : il ne pourra donc pas se plaindre trop facilement d’avoir été trompé !

Il existe, à mon avis, trois partis politiques capables de gouverner les Comores car il ne suffit de faire rêver : il faut aussi gérer les dures réalités d’un pays pauvre qui peine même à payer ses fonctionnaires : l’UPDC, Juwa et la CRC.

L’UPDC est une coalition hétéroclite sans leader charismatique ni orientation politique dont la seule ambition est de conserver le pouvoir : Ikililou semble se désintéresser de la politique (et il a tort car celle-ci s’intéressera à lui s’il laisse Sambi revenir aux affaires !) et Mohamed Ali Soilihi (Mamadou), cet éternel numéro 2, qui s’approche de ses quatre-vingts ans (80 ans !) d’après certains de ses proches, qui pourrait être son leader, n’a ni la force physique ni l’énergie intellectuelle de diriger le pays. On le voit bien d’ailleurs aujourd’hui : ce parti est à bout de force ; il ne gère plus rien : ni routes ni énergie ni salaire réguliers. Il peine à assurer aux Comoriens le minimum ! Le pays n’a aucunement intérêt à s’offrir encore à lui, pieds et mains liés, en 2016.

Juwa, qui n’a pas encore deux ans d’existence, est un vrai parti politique, qui a quelques cadres bien formés et expérimentés, avec un vrai chef charismatique, expérimenté et excellent orateur. Le seul problème de ce parti, c’est justement son chef : Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, un vendeur de rêves et d’espoirs, un homme incompétent, aux choix politiques douteux et au bilan fortement mitigé (pour ne pas dire négatif). Un homme qui a quand même réussi à se séparer de presque tous ceux qu’il a placés au pouvoir (Mohamed Abdoulwahab, Salimou Mohamed Amiri, Ikililou Dhoinine, Anissi Chamsidine…). Pourquoi autant de personnes le quittent-ils ? Celles-ci sont-elles toutes ingrates ? Il est donc très hasardeux de redonner à Sambi et à son équipe le pouvoir.

Il reste la CRC : un parti très bien organisé, avec des militants dynamiques, des cadres (c’est le parti qui doit avoir le plus de docteurs dans le pays !) bien formés et expérimentés et un chef aussi charismatique qu’expérimenté qui connaît la machine étatique ainsi que ses rouages mais aussi tout le pays pour l’avoir toujours vécu depuis toujours – sauf pendant ses études à l’étranger. Un parti qui a déjà onze ans d’existence et qui a connu le pouvoir et l’opposition.

Il présente d’ailleurs un bilan honorable : mise en place de la nouvelle constitution (aujourd’hui contestée mais qui a permis de retrouver la paix), renforcement de l’Etat de droit (mise en place de la Cour des Comptes par exemple), respect de la démocratie (Azali a perdu toutes les élections qu’il a organisées) ; mise en place de certaines infrastructures : nouvelle aérogare de Hahaya, de la téléphonie mobile ; fin du monopole bancaire : arrivée d’Eximbank, création de la Banque Fédérale des Comores (BFC), transformation de l’ancienne poste (SNPCF) en banque d’épargne et de crédit. Et puis création de l’Université des Comores. Le plus beau cadeau que la CRC ait offert aux Comores.

Il reste que la CRC doit prouver aux Comoriens qu’elle a tiré les leçons de ses échecs et erreurs passés. Son chef, Azali Assoumani, le président le moins mauvais que les Comores aient connu depuis un quart de siècle, devra se montrer plus conciliant dans ses discours (rassembler les Comoriens) que clivant (éviter de les diviser en s’adressant seulement aux jeunes et à l’élite) et il doit proposer au pays un projet à la fois novateur et réaliste. Il doit, surtout et préalablement, créer des alliances et réunir des moyens financiers pour pouvoir se mettre à la tête d’une large coalition capable d’épargner les Comores du danger de la démagogie et de l’incompétence.

Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres, ancien enseignant à l’Université des Comores, fondateur du groupe scolaire Léopold Sédar Senghor (Nioumadzaha Bambao) est professeur de Lettres modernes dans la région lyonnaise. Il a signé trois essais chez l’Harmattan : Un Métis nommé Senghor (2010), Le Roman de Mohamed Toihiri dans la littérature comorienne (2012) et Réception de Léopold Sédar Senghor (2014). Il est chroniqueur à Albilad (hebdomadaire publié à Moroni).
 
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