La société comorienne est très conservatrice. Et pourtant on a vu dans l’histoire politique comorienne (coloniale ou postcoloniale) certains...
La société comorienne est très conservatrice. Et pourtant on a vu dans l’histoire politique comorienne (coloniale ou postcoloniale) certains partis politiques se réclamer de la gauche : le Parti Socialiste Comorien (PASOCO) ou le Front Démocratique (FD). Mais aucun de ces partis n’a pu accéder au pouvoir depuis l’indépendance. Les deux présidents comoriens qui ont voulu d’ailleurs rompre avec le conservatisme de cette société l’ont payé très cher : Ali Soilihi et Azali Assoumani. L’un et l’autre ont défié la notabilité grand-comorienne. Le premier est resté très impopulaire jusqu’à sa mort et l’autre a dû connaître une fin de mandat très difficile en terme de popularité.
Ce désir de gauche existe bien dans une partie de l’élite politique comorienne : Idriss Mohamed Chanfi par exemple conclut souvent ses papiers par un appel au rassemblement des forces comoriennes de gauche pour redresser le pays. Mais de quelle gauche en fait ? La gauche autoritaire ? Ou la gauche démocratique ?
Tentons de trouver une réponse dans les romans de Mohamed Toihiri, un intellectuel de gauche justement : La République des Imberbes (1985) et Le Kafir du Karthala (1992).
Guigoz (héros du premier) et Idi Wa Mazamba (héros du deuxième) sont deux hommes de gauche. Le premier, fougueux, populiste, plus théorique que pragmatique (il pensait sérieusement imposer sa vision du monde à tout un pays sans que personne ne réagisse !), président de la République, s’en prend en permanence à l’impérialisme, à la bourgeoisie et aux intellectuels incarnés par les fonctionnaires et considère la violence et la division comme deux outils efficaces de gouvernement, ce qui l’a conduit à réduire l’Etat à sa dimension répressive.
Le deuxième, un médecin, travaillant pour l’hôpital public (attaché au service public, foi en l’Etat) et pour son cabinet privé (croit à la responsabilité individuelle et à l’initiative privée), homme ouvert au monde (se sépare d’une Comorienne pour vivre avec une Française), tolérant (soigne et soutient un jeune séropositif comorien), généreux (soutient les exclus en Afrique du Sud ségrégationniste sans être Sud-Africain) et croit à l’épanouissement individuel sans pour autant être un individualiste aveugle.
Guigoz a perdu le pouvoir comme il l’a pris : il a été destitué par un putsch et mort assassiné par un mercenaire en essayant de fuir la mort programmée par ses adversaires politiques. Mazamba, tout juste nommé ministre, a organisé sa propre mort qui devait servir à tuer les mercenaires étrangers qui terrorisaient, jours et nuits, les Comoriens.
Conclusion impitoyable : mort lâche pour Guigoz et héroïque pour Mazamba. Si tout cela, mis bout à bout, n’est pas une condamnation du communisme au profit de la social-démocratie, cela y ressemble très fort. Pour dire les choses autrement, le roman toihirien promeut non la gauche autoritaire mais démocratique : garante des libertés publiques et respectueuse de l’individu (Voir sur cette question l’ouvrage de votre serviteur, Le Roman de Mohamed Toihiri dans la littérature comorienne, Paris, L’Harmattan, 2012).
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres, enseignant et essayiste, est chroniqueur à Albilad (hebdomadaire publié à Moroni)
Ce désir de gauche existe bien dans une partie de l’élite politique comorienne : Idriss Mohamed Chanfi par exemple conclut souvent ses papiers par un appel au rassemblement des forces comoriennes de gauche pour redresser le pays. Mais de quelle gauche en fait ? La gauche autoritaire ? Ou la gauche démocratique ?
Tentons de trouver une réponse dans les romans de Mohamed Toihiri, un intellectuel de gauche justement : La République des Imberbes (1985) et Le Kafir du Karthala (1992).
Guigoz (héros du premier) et Idi Wa Mazamba (héros du deuxième) sont deux hommes de gauche. Le premier, fougueux, populiste, plus théorique que pragmatique (il pensait sérieusement imposer sa vision du monde à tout un pays sans que personne ne réagisse !), président de la République, s’en prend en permanence à l’impérialisme, à la bourgeoisie et aux intellectuels incarnés par les fonctionnaires et considère la violence et la division comme deux outils efficaces de gouvernement, ce qui l’a conduit à réduire l’Etat à sa dimension répressive.
Le deuxième, un médecin, travaillant pour l’hôpital public (attaché au service public, foi en l’Etat) et pour son cabinet privé (croit à la responsabilité individuelle et à l’initiative privée), homme ouvert au monde (se sépare d’une Comorienne pour vivre avec une Française), tolérant (soigne et soutient un jeune séropositif comorien), généreux (soutient les exclus en Afrique du Sud ségrégationniste sans être Sud-Africain) et croit à l’épanouissement individuel sans pour autant être un individualiste aveugle.
Guigoz a perdu le pouvoir comme il l’a pris : il a été destitué par un putsch et mort assassiné par un mercenaire en essayant de fuir la mort programmée par ses adversaires politiques. Mazamba, tout juste nommé ministre, a organisé sa propre mort qui devait servir à tuer les mercenaires étrangers qui terrorisaient, jours et nuits, les Comoriens.
Conclusion impitoyable : mort lâche pour Guigoz et héroïque pour Mazamba. Si tout cela, mis bout à bout, n’est pas une condamnation du communisme au profit de la social-démocratie, cela y ressemble très fort. Pour dire les choses autrement, le roman toihirien promeut non la gauche autoritaire mais démocratique : garante des libertés publiques et respectueuse de l’individu (Voir sur cette question l’ouvrage de votre serviteur, Le Roman de Mohamed Toihiri dans la littérature comorienne, Paris, L’Harmattan, 2012).
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres, enseignant et essayiste, est chroniqueur à Albilad (hebdomadaire publié à Moroni)