Hélas! Le plus productif et le plus intéressant des écrivains comoriens nous a quittés Ce mardi 31 mars 2015, en début d'après-mid...
Hélas! Le plus productif et le plus intéressant des écrivains comoriens nous a quittés
Ce mardi 31 mars 2015, en début d'après-midi, la sérénité du ciel français et comorien a été sérieusement troublée par le plus bruyant des tonnerres: «L'écrivain comorien Salim Hatubou est emporté par une crise cardiaque à l'âge de 43 ans, à la fleur de l'âge donc». Sitôt la nouvelle connue, des rangs des intellectuels comoriens vivant en France et d'autres milieux socioprofessionnels comoriens de France et des Comores, monta un immense cri de stupeur, douleur et consternation. Certains n'y croyaient même pas, pensant à un poisson d'avril pêché 24 heures avant. Pourtant, il a fallu se rendre à l'évidence: l'enfant de Hahaya emporté par le vent de la «mondialisation» culturelle, l'écrivain comorien le plus en vue, le plus imaginatif et le plus intéressant nous a quittés alors qu'il avait encore beaucoup de projets littéraires sur sa table de travail. Même ceux qui n'avaient pas de relations personnelles avec lui ont été dévastés et ravagés par la triste nouvelle.
C'est en pleurs que Moncef Saïd Ibrahim a annoncé la douloureuse nouvelle à nombreux parmi ses amis qui sont en mesure de comprendre la signification de ce décès tombé comme la foudre. Le Docteur Ali Abdou Mdahoma est inconsolable. Hébété, le grand blogueur Abdou Hamadi dit «Mrimdu» ne comprend pas ce qui se passe. Mais, qui est Salim Hatubou? Son ami le Docteur Ali Abdou Mdahoma le présente comme un «romancier, dramaturge, poète, conteur et réalisateur, est l'écrivain comorien le plus prolifique», précisant: «Né le 20 juin 1972 à Hahaya, en Grande-Comore, il tient de sa grand-mère, qui résidait au village Milépvani, où il se rendait régulièrement pour l'écouter, la passion des contes et des légendes des Comores.
C'est, d'ailleurs, l'objet de sa première œuvre, qui est une espèce d'hommage rendu à la vieille conteuse, Les contes de ma grand-mère, ouvrage paru en 1994 chez L'Harmattan, alors qu'il se trouvait en France. Il a passé une enfance paisible au milieu des livres, et découvert de bonne heure cet univers. Cela explique qu'il commença à écrire dès l'adolescence des contes, légendes, et des livres de jeunesse, poèmes, et des pièces de théâtre. Il s'intéresse, par ailleurs, au cinéma, à la bande dessinée, à la poésie, puis aux nouvelles et aux romans. On sait qu'il avait quitté les Comores à l'âge de dix ans seulement, en 1982, pour la France.
Il grandira à la Solidarité, dans le quartier Nord de Marseille, où il éprouve la nostalgie des Comores, de leurs contes, légendes et poésies. De son parcours universitaire, nous savons qu'il a obtenu un DUT de Commerce en France. Un événement tragique va bouleverser sa vie et marquer son œuvre: l'épidémie de choléra de 1975 terrasse sa mère. Si Mohamed Toihiri est le premier romancier comorien, Salim Hatubou est apparu au fil des années comme le plus prolifique des écrivains comoriens et comme une figure de la traversée des cultures, même s'il reste attaché au pays natal, où il se rend régulièrement pour enquêter, faire la collecte des données du patrimoine oral – qu'il sait menacé de perdition – auprès des "Anciens", pour le sauver de l'oubli»: Ali Abdou Mdahoma: Le Roman comorien de langue française, L'Harmattan, Paris, 2012, pp. 60 et 64.
On ne compte pas le nombre d'ouvrages publiés par Salim Hatubou. Et comme la liste est très longue, il suffira de mentionner quelques titres: Chifchif et la reine des diables, Trois contes vagabonds, Marâtre, Métro Bougainville, Hassanati, de Mayotte à Marseille, Un conteur dans ma cité, Le sang de l'obéissance, Hamouro, Les démons de l'aube, L'odeur du béton, Sur le chemin de Milépvani, je m'en allais, L'avion de maman a craché, Les gardiens d'ânes de Gardanne, Les matins de P'tite Lô aux Comores, Contes de ma grand-mère, Naïa et le tam-tam sacré, Singa, une trilogie fantastique, Dimkou et la petite fille, Zolo N'djizi, Sagesses et malices de Madi, l'idiot voyageur, Contes et légendes des Comores, genèse d'un pays bantu, Wis, où est passé mon anh-anhan, Pichou et Michou, promenons-nous dans les bois, Que sont nos cités devenues? De Zanzibar aux Comores, De cette terre… Quête d'une identité comorienne, Nuits d'automne, À feu doux, etc. Salim Hatubou a écrit des romans, des contes, des contes pour la jeunesse, de la poésie, etc.
Il a écrit sur un nombre incalculable de sujets: l'identité et la mémoire des Comoriens, le déracinement, le racisme, la société comorienne, les Comoriens de Marseille, l'éclatement de l'unité comorienne, la migration à Mayotte des Comoriens des trois îles indépendantes, la tradition comorienne, le crash de l'avion de la compagnie Yemenia au large des Comores le 30 juin 2009, etc. Il a obtenu des prix et des distinctions: Prix Diamant en Belgique, Prix Insulaire à Ouessant, Prix Kalam de bronze décerné par le ministère de la Culture aux Comores, Prix des lecteurs à Mayotte, etc. Il est donc l'écrivain comorien le plus primé. Il est également le seul écrivain comorien qui pouvait vivre de son écriture.
Un grand maître s'en va. Un baobab est tombé dans la savane comorienne. Et, comme on dit à Mohéli, «un baobab ne tombe jamais sous l'effet du vent, mais quand il fait beau temps». Salim Hatubou a laissé derrière lui une œuvre colossale, a donné à la littérature comorienne ses lettres de noblesse et a sorti celle-ci de son ghetto. L'œuvre de Salim Hatubou est immortelle. Le nom de Salim Hatubou l'est également. Cet homme généreux laisse derrière lui une famille, des amis, des proches, des lectrices et des lecteurs qui se sentent tous orphelins d'un homme remarquable et irremplaçable. Les Comores comptent de nombreux écrivains, mais Salim Hatubou est incontestablement le meilleur d'entre eux. Il ne sera jamais oublié. Il vivra toujours dans le cœur de tous ceux et celles qui connaissent et reconnaissent son immense talent et son incommensurable humanité.
En cette douloureuse circonstance, nous présentons nos sincères condoléances à sa famille, ses amis et proches. «À Dieu nous sommes, à Dieu nous retournons».
Par ARM
© lemohelien – Mardi 31 mars 2015.
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