Or, l’homme comorien n’est pas un facteur d’échec uniquement en affaires. Il l’est ailleurs aussi Comme d’habitude, ce 8 mars, il y eut ...
Or, l’homme comorien n’est pas un facteur d’échec uniquement en affaires. Il l’est ailleurs aussi
Comme d’habitude, ce 8 mars, il y eut les flamboyants discours et les flamboyantes scènes marquant la célébration de la Journée internationale de la Femme. En pays qui respecte les apparences les plus trompeuses, les Comores y sont allées de leur célébration un peu partout à travers le pays. Or, derrière ces célébrations, il n’y a que du vent et des courants d’air parce que les Comores ne sont pas connues pour être un pays promoteur et respectueux des droits de la femme. On se contente des apparences et on oublie le plus important, à savoir la réalité de la situation de la femme aux Comores. Cette situation est tout simplement catastrophique, et si on devait l’illustrer par un seul exemple, on devrait le tirer des élections absolument risibles et pitoyables qui ont eu lieu aux Comores le dimanche 25 janvier et le dimanche 22 février 2015, élections à l’issue desquelles une seule femme a été élue Députée. Et c’est la deuxième fois seulement qu’une femme accède à ce bastion de l’incompétence et de la veulerie de Messieurs les hommes. En 2014, les Comoriens ont assisté stupéfaits au bal de la fourberie pendant lequel des partis politiques comoriens qui, pourtant, se disent démocratiques et républicains, ont refusé moult candidatures féminines, pourtant largement méritées.
En réalité, le rejet de la femme aux Comores ne date pas d’aujourd’hui, mais remonte à la période de l’autonomie interne. Il ne s’agit pas de dire qu’on est pour ou contre le refus de l’indépendance par l’île de Mayotte, mais de constater tout de même que si Saïd Mohamed Cheikh, alors Président du Conseil de gouvernement, avait accédé aux simples demandes de dignité formulées par les femmes de Mayotte dans les années 1960, cette île serait aujourd’hui indépendante avec ses voisines. De fait, si à Mayotte on vit nettement et visiblement mieux que dans la partie dite «indépendante» des Comores, c’est grâce aux femmes de l’île. Est-il interdit à un peuple de refuser le dénuement à un moment où les chantres comoriens de l’«indépendance» sont tous Français, entraînant dans leur sillage hypocrite leurs enfants, bien consentants? Il est sans doute temps d’arrêter cette hypocrisie parce que nombre de Comoriens ne cherchent qu’une chose: aller à Mayotte ou en France métropolitaine, et devenir Français.
Cela explique pourquoi 90% des documents administratifs comoriens en circulation en France sont des faux, et en la matière, les Comores sont en tête d’un bien triste palmarès. Pourtant, les femmes mahoraises n’ont pas été bien récompensées par Messieurs les hommes. Le 20 mai 2001, à Mayotte, Jacques Chirac, alors Président de la République française, évoqua avec émotion «les femmes de Mayotte, figures de l’ancrage de Mayotte au sein de la République française», «le combat émouvant de Zéna Mdéré et Bouéni Mtiti» et «les célèbres actions de commando de Zaïna Méresse et Coco Djoumoi», regrettant que la femme mahoraise ne soit pas valorisée comme il se devait par Messieurs les hommes au lendemain du refus de l’indépendance.
Sur la partie «indépendante» du pays, la femme n’a pas été mieux lotie. À Mohéli, quand il s’agissait de s’opposer à la politique d’Ahmed Abdallah à l’égard de l’île, on ne voyait que des femmes de Fomboni, pendant que Messieurs les hommes jouaient les caméléons. L’action de ces femmes était appréciée sur le moment, mais après, on oubliait tout. À Mohéli, où le souvenir de la Reine Djoumbé Fatima est resté vivace, on a l’habitude de dire que l’île ne pourra vivre comme une terre civilisée que le jour où elle sera dirigée par une femme aidée d’autres femmes. Faut-il y voir une coïncidence avec la candidature annoncée de la Première Dame des Comores actuellement pour le Gouvernorat de Mohéli en 2016? C’est une question à laquelle Hamada Madi Boléro refuse de répondre, préférant s’enfermer dans un mutisme pour le moins éloquent.
Ailleurs, aux Comores, la situation n’est pas plus brillante. Cela étant, aujourd’hui, au vu du contexte de la place de la femme comorienne sur l’espace public, il est très important de tenir compte de l’opinion de Mme Fatima Madi Mlatamou (Photo), Directrice du projet Appui à la Création et Développement des micros et petites Entreprises (AMIE), pour qui, «c’est rare que les femmes échouent, alors que les hommes peuvent échouer facilement. Non seulement, les femmes réussissent mieux, mais elles paient leurs dettes. Certaines femmes, comme elles sont dépendantes des maris, ou des frères, ont recours aux hommes pour la gestion de l’argent. Et ce sont ces genres de femmes qui échouent. Si une femme échoue dans ses affaires, c’est qu’il y a un homme à côté. Soit, il a pris l’argent, soit il n’a pas passé la commande… Mais, la majorité atteint leurs objectifs par rapport aux hommes» (Al-Watwan, Moroni, 20 mars 2015, p. 7). Il ne s’agit pas de dire que les Messieurs des Comores sont tous des chenapans, mais tout de même. Allons bon… Voyons…
Mme Fatima Madi Mlatamou s’est limitée à la situation particulière de la réussite des femmes en affaires et aux obstacles qui leur sont dressés par Messieurs ces hommes. Pourtant, si elle devait parler des femmes dans les autres secteurs de la vie socioéconomique, elle aurait fait le même constat cinglant: «Si une femme échoue dans ses affaires, c’est qu’il y a un homme à côté». Il ne s’agit pas d’accuser certains hommes d’être d’horribles gigolos, mais on ne peut pas s’empêcher de disserter longuement sur le sérieux de nombreux hommes devenus des facteurs d’échec pour des femmes. Ces hommes, omniprésents, cassent tout sur leur passage. C’est ce qui a motivé, par exemple, Mme Moinaécha Youssouf Djalali à se lancer en politique en 2013 et à dévoiler, en février 2014, son projet de candidature à la présidence comorienne en 2016. Il y avait eu quelques moments d’étonnement parce que les Comoriens ne sont pas habitués à une telle audace de la part d’une femme dans leur pays. Après l’étonnement, de nombreux Comoriens se sont mis à réfléchir sur tous les échecs de la classe politique du pays, une classe politique presque exclusivement constituée d’hommes aux ambitions dangereuses et néfastes pour le pays parce que les Comoriens n’ont pas encore vu ce que Messieurs les hommes ont réalisé. Ce faisant, si plusieurs personnalités se sont ralliées à la candidature de Mme Moinaécha Youssouf Djalali, c’est parce qu’elles ont constaté que Messieurs les hommes ont non seulement échoué en 40 ans d’«indépendance», mais qu’en plus, ils sont dans la seule logique d’échec. Aux Comores, la gent masculine ne s’est investie en politique que pour préparer et perpétuer l’échec, en s’enrichissant sur le dos du peuple.
D’où une question: et si on organisait une présidence tournante entre les hommes et les femmes, ou si tout simplement on exigeait des hommes candidats à l’élection présidentielle qu’ils aient non pas trois colistiers, mais trois colistières? La chose n’est pas surréaliste mais souhaitable. Un exemple que seuls les initiés connaissent, pourtant la chose est bien réelle: quand le Vice-président Mohamed Ali Soilihi demanda à Mme Bahiat Massoundi, ministre des Postes et Télécommunications, de la Promotion des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication chargée des Transports et du Tourisme, d’apposer sa signature sur un document relatif aux pavillons de complaisance, elle avait pleuré, ne voulant pas s’impliquer dans un dossier sulfureux. Elle connaît tout des dangers véhiculés par ce genre de documents et pratiques. Or, un Nourdine Bourhane aurait concédé deux années de salaire pour signer même du papier toilette. C’est dans son ADN.
En juillet 2014, un ancien ministre d’un État européen, encourageant la candidature de Mme Moinaécha Youssouf Djalali, disait à celle-ci et aux membres de la délégation l’accompagnant: «Votre candidature est non seulement digne, mais en plus souhaitable. La plupart des dirigeants d’institutions internationales que je rencontre me disent que les femmes chefs d’État, d’Ellen Johnson Sirleaf au Liberia à Michelle Bachelet au Chili, pour ne citer qu’elles, ne leur parlent jamais d’achats d’armes, mais de financement de projets de construction d’écoles, dispensaires et hôpitaux, de projets d’adduction d’eau en zone rurale et en zone urbaine, de promotion de l’enseignement de la jeune fille, de projets d’électrification notamment et surtout en zones rurales, de projets de construction de routes et d’autres infrastructures sociales et économiques. Cela change les chancelleries des demandes de gros projets coûteux, meurtriers et inutiles. La femme en politique apporte une valeur ajoutée qu’on a eu tort d’ignorer pendant des siècles».
Par ARM
© lemohelien – Dimanche 22 mars 2015.