Refus de tripatouillages et exception constitutionnelle du Président Ikililou Dhoinine Le Comorien pourra dire tout ce qu’il voudra sur l’...
Refus de tripatouillages et exception constitutionnelle du Président Ikililou Dhoinine
Le Comorien pourra dire tout ce qu’il voudra sur l’inexorable descente aux enfers de l’École aux Comores. Pourtant, il est une chose que même les plus grincheux doivent admettre: l’École sert encore, et les Comoriens n’ont même pas besoin de consulter des Docteurs en Droit pour apprendre le caractère général et impersonnel de la Loi. Et quand on parle de la Loi, il ne s’agit pas seulement de celle votée par le Parlement, mais de toute règle de Droit. Même le jeune Comorien qui fait ses études supérieures en première Année de Droit à la très décriée Université des Comores est capable d’expliquer à la longue suite des Présidents comoriens et aux autres Comoriens que la Loi est générale et impersonnelle, et qu’on ne saurait en faire un instrument d’assouvissement d’appétits personnels de pouvoir et de convenance personnelle. On ne crée pas la Loi pour des intérêts personnels et contre ceux qu’on n’aime pas. La Loi est pour toute la collectivité nationale et non pour ou contre une catégorie donnée de la population. On ne fait pas de la Loi un moyen pour s’accrocher au pouvoir indûment et pour s’enrichir illégalement. Or, depuis 1975, la Constitution est devenue un instrument de personnalisation et de personnification du pouvoir. En son temps, Ali Soilihi avait promis une Constitution, que personne ne verra.
Or, un pays sans Constitution, écrite ou coutumière, rigide ou souple, est tout simplement une dictature, même si on sait que la Constitution n’est pas nécessairement un label de démocratie puisque des régimes politiques contestables en sont pourvus. En 1978, Ahmed Abdallah avait fait adopter une belle Constitution par voie référendaire, Constitution qu’il s’employa par la suite et de manière systématique à vider de sa substance, pour détourner le fédéralisme de ses objectifs, pour faire reculer certaines libertés, pour renforcer le régime de parti unique et pour jeter les bases du régime politique de la Présidence à mort et jusqu’à ce que mort s’ensuive. De fait, chaque révision de la Constitution opérée sous Ahmed Abdallah se traduisait par des reculs de tous les acquis du 13 mai 1978. Sous Saïd Mohamed Djohar, il y eut quelques avancées, parce que «Papadjoe» avait compris qu’il ne pouvait plus continuer à se moquer des Comoriens sur la base d’une Constitution autocratique et de pratiques politiques autocratiques. Mais, du fait de la vigueur de la «gendrocratie», des détournements de la Constitution ont eu lieu, notamment et surtout pour faire du sinistre «gendrocrate» Saïd Abdallah Mchangama le Président de l’Assemblée fédérale en lieu et place d’un Mohélien. Dès lors, en plus des retentissants scandales politico-financiers, le régime politique de Saïd Mohamed Djohar est entré dans l’Histoire dans la rubrique des scandales et des compromissions les plus insoutenables.
Mohamed Taki Abdoulkarim (1996-1998) avait, lui aussi, cédé aux démons nocturnes et diurnes des tripatouillages de la Constitution, en créant une flopée d’institutions publiques aussi inutiles et budgétivores les unes que les autres, au point d’attirer l’attention du journal satirique français Le Canard enchaîné: «C’est qu’on y affectionne la politique. Il y a peu, on y avait recensé jusqu’à vingt-quatre partis, ce qui fait du monde à caser. Sénat, Conseil des îles, Conseils des Ulémas, la RFI [République fédérale islamique] regorge aussi d’instances, plus juteuses, magouilles aidant, que les maigres ressources naturelles»: Patrice Lestrohan:Prises de bec. Comores à crédit, Le Canard enchaîné n°4006, Paris, 6 août 1997, p. 7. Déjà le 26 février 1906, à la Chambre des Députés, à Paris, René Le Herissé avait sentencieusement proclamé: «Ce qui se passe dans ces îles fait injure à la civilisation». Ce n’est pas glorieux. En plus, le régime politique de Mohamed Taki Abdoulkarim avait commis la grande erreur de vouloir réglementer les partis politiques de manière à restreindre leur nombre. Cette attitude est liberticide et n’est pas celle d’une démocratie.
Sous la pression de la crise séparatiste qui a éclaté à Anjouan en février 1997, et sous celle de la classe politique mohélienne, le Colonel Azali Assoumani (1999-2006) légua aux Comores la Constitution du 23 décembre 2001, dont la principale matrice est et demeure incontestablement la présidence tournante. Toute la démarche ayant conduit à l’adoption de cette Constitution a été consensuelle, notamment les Accords de Réconciliation nationale de Fomboni du 17 février 2001. En 2009, Ahmed Sambi, qui n’est pas réputé pour ses qualités de juriste et de démocrate, conseillé par des gens qui ne sont ni les meilleurs juristes, ni les meilleurs démocrates du pays, renia une de ses promesses de campagne électorale les plus emblématiques, une promesse restée dans les oreilles des auditeurs de Radio France Internationale (RFI): «Je ne vais pas modifier la Constitution». Pourtant, il l’avait modifiée, prétendument pour harmoniser les élections, mais en réalité pour obtenir une année supplémentaire de mandat, en divisant profondément le pays. Il avait procédé au changement du nom des chefs des exécutifs des îles, qui cessèrent d’être des «Présidents des îles autonomes», pour devenir des «Gouverneurs des îles autonomes». Juriste de qualité, Mohamed Abdouloihabi, alors Président de l’île autonome de la Grande-Comore, avait expliqué les choses de manière remarquable: «J’ai prêté serment avec le titre de Président de l’île autonome de la Grande-Comore. Logiquement, je ne peux pas finir mon mandat avec le titre de Gouverneur, complètement absent de mon serment. C’est le prochain chef de l’exécutif, moi ou un autre, qui portera le titre de Gouverneur et cela, parce que la Loi n’est pas rétroactive». Ce raisonnement est entièrement fondé en Droit. Cependant, Maître Fahmi Saïd Ibrahim, allié politique et principal Conseiller juridique d’Ahmed Sambi depuis, tient un raisonnement inverse, celui qui voulait faire admettre la rétroactivité de la Loi en la matière; ce qui est une manière de tordre le cou au Droit dans son ensemble: la non-rétroactivité est un principe général de Droit.
Aujourd’hui, le Président Ikililou Dhoinine refuse systématiquement de tripatouiller le texte de la Constitution, alors que certains souhaiteraient le voir supprimer purement et simplement la présidence tournante, au prétexte que celle-ci a permis à chaque île de diriger le pays. Or, on ne retrouve aucune mention pareille dans la Constitution. À ce jour, le Président Ikililou Dhoinine est le seul chef d’État comorien qui refuse d’envisager une révision de la Constitution, et ce n’est pas Hamada Madi Boléro, un des rédacteurs de la Constitution du 23 décembre 2001, qui l’aidera à s’atteler à une opération mafieuse de ce style et de cette envergure. D’ailleurs, quand on lui pose la question, Hamada Madi Boléro répond: «Les gens qui disent que la Constitution actuelle est mauvaise et qu’il faut la réviser sont de mauvaise foi. Nous devons commencer par l’appliquer de bonne foi et avec sincérité. Il n’est pas rare d’entendre certains prétendre: “Notre but est de restaurer la République”. Qu’à cela ne tienne, mais pourquoi veulent-ils restaurer quelque chose qui existe déjà? L’article 1er de la Constitution du 23 décembre 2001 commence par les termes “L’Union des Comores est une République” et non par “L’Union des Comores est une monarchie”. Alors quelle est la République que les restaurateurs de la République veulent restaurer aux Comores? En réalité, nous n’avons même pas cherché à mettre en œuvre cette Constitution que tout le monde veut déchirer. Et si pour une fois, nous essayions d’être sérieux? En tout cas, il ne faut pas compter sur moi pour me lancer dans de grandes envolées lyriques sur l’utilité de réviser inutilement la Constitution. Appliquons celle que nous avons».
L’analyste politique Saïd-Omar Allaoui ne dit pas autre chose quand il estime que «tous ces gens qui crient à la rédaction d’une nouvelle Constitution prennent les Comoriens pour des bébés. Comment peut-on contester une Constitution à la rédaction de laquelle on a pris part? Les gens qui ont fait de la révision de la Constitution une obsession sont ceux qui rédigent les Constitutions comoriennes depuis 1978. Ils passent leur temps à défaire ou à vouloir défaire aujourd’hui ce qu’ils ont fait hier. C’est la preuve absolue que le Comorien n’a pas de convictions et ne croit à rien. J’ai été scandalisé et horrifié quand j’ai noté que les tenants de la révision de la Constitution de 2001 en 2009 avaient participé à la rédaction de cette même Constitution. Qu’on pose des questions à Mohamed Bacar Dossar sur le nombre de révisions constitutionnelles auxquelles il a pris part. Donc, quand je vois que le Président Ikililou Dhoinine refuse de réviser la Loi fondamentale, je me dis qu’il a adopté l’attitude la plus sage».
Par ARM
© www.lemohelien.com – Samedi 28 février 2015.
Le Comorien pourra dire tout ce qu’il voudra sur l’inexorable descente aux enfers de l’École aux Comores. Pourtant, il est une chose que même les plus grincheux doivent admettre: l’École sert encore, et les Comoriens n’ont même pas besoin de consulter des Docteurs en Droit pour apprendre le caractère général et impersonnel de la Loi. Et quand on parle de la Loi, il ne s’agit pas seulement de celle votée par le Parlement, mais de toute règle de Droit. Même le jeune Comorien qui fait ses études supérieures en première Année de Droit à la très décriée Université des Comores est capable d’expliquer à la longue suite des Présidents comoriens et aux autres Comoriens que la Loi est générale et impersonnelle, et qu’on ne saurait en faire un instrument d’assouvissement d’appétits personnels de pouvoir et de convenance personnelle. On ne crée pas la Loi pour des intérêts personnels et contre ceux qu’on n’aime pas. La Loi est pour toute la collectivité nationale et non pour ou contre une catégorie donnée de la population. On ne fait pas de la Loi un moyen pour s’accrocher au pouvoir indûment et pour s’enrichir illégalement. Or, depuis 1975, la Constitution est devenue un instrument de personnalisation et de personnification du pouvoir. En son temps, Ali Soilihi avait promis une Constitution, que personne ne verra.
Or, un pays sans Constitution, écrite ou coutumière, rigide ou souple, est tout simplement une dictature, même si on sait que la Constitution n’est pas nécessairement un label de démocratie puisque des régimes politiques contestables en sont pourvus. En 1978, Ahmed Abdallah avait fait adopter une belle Constitution par voie référendaire, Constitution qu’il s’employa par la suite et de manière systématique à vider de sa substance, pour détourner le fédéralisme de ses objectifs, pour faire reculer certaines libertés, pour renforcer le régime de parti unique et pour jeter les bases du régime politique de la Présidence à mort et jusqu’à ce que mort s’ensuive. De fait, chaque révision de la Constitution opérée sous Ahmed Abdallah se traduisait par des reculs de tous les acquis du 13 mai 1978. Sous Saïd Mohamed Djohar, il y eut quelques avancées, parce que «Papadjoe» avait compris qu’il ne pouvait plus continuer à se moquer des Comoriens sur la base d’une Constitution autocratique et de pratiques politiques autocratiques. Mais, du fait de la vigueur de la «gendrocratie», des détournements de la Constitution ont eu lieu, notamment et surtout pour faire du sinistre «gendrocrate» Saïd Abdallah Mchangama le Président de l’Assemblée fédérale en lieu et place d’un Mohélien. Dès lors, en plus des retentissants scandales politico-financiers, le régime politique de Saïd Mohamed Djohar est entré dans l’Histoire dans la rubrique des scandales et des compromissions les plus insoutenables.
Mohamed Taki Abdoulkarim (1996-1998) avait, lui aussi, cédé aux démons nocturnes et diurnes des tripatouillages de la Constitution, en créant une flopée d’institutions publiques aussi inutiles et budgétivores les unes que les autres, au point d’attirer l’attention du journal satirique français Le Canard enchaîné: «C’est qu’on y affectionne la politique. Il y a peu, on y avait recensé jusqu’à vingt-quatre partis, ce qui fait du monde à caser. Sénat, Conseil des îles, Conseils des Ulémas, la RFI [République fédérale islamique] regorge aussi d’instances, plus juteuses, magouilles aidant, que les maigres ressources naturelles»: Patrice Lestrohan:Prises de bec. Comores à crédit, Le Canard enchaîné n°4006, Paris, 6 août 1997, p. 7. Déjà le 26 février 1906, à la Chambre des Députés, à Paris, René Le Herissé avait sentencieusement proclamé: «Ce qui se passe dans ces îles fait injure à la civilisation». Ce n’est pas glorieux. En plus, le régime politique de Mohamed Taki Abdoulkarim avait commis la grande erreur de vouloir réglementer les partis politiques de manière à restreindre leur nombre. Cette attitude est liberticide et n’est pas celle d’une démocratie.
Sous la pression de la crise séparatiste qui a éclaté à Anjouan en février 1997, et sous celle de la classe politique mohélienne, le Colonel Azali Assoumani (1999-2006) légua aux Comores la Constitution du 23 décembre 2001, dont la principale matrice est et demeure incontestablement la présidence tournante. Toute la démarche ayant conduit à l’adoption de cette Constitution a été consensuelle, notamment les Accords de Réconciliation nationale de Fomboni du 17 février 2001. En 2009, Ahmed Sambi, qui n’est pas réputé pour ses qualités de juriste et de démocrate, conseillé par des gens qui ne sont ni les meilleurs juristes, ni les meilleurs démocrates du pays, renia une de ses promesses de campagne électorale les plus emblématiques, une promesse restée dans les oreilles des auditeurs de Radio France Internationale (RFI): «Je ne vais pas modifier la Constitution». Pourtant, il l’avait modifiée, prétendument pour harmoniser les élections, mais en réalité pour obtenir une année supplémentaire de mandat, en divisant profondément le pays. Il avait procédé au changement du nom des chefs des exécutifs des îles, qui cessèrent d’être des «Présidents des îles autonomes», pour devenir des «Gouverneurs des îles autonomes». Juriste de qualité, Mohamed Abdouloihabi, alors Président de l’île autonome de la Grande-Comore, avait expliqué les choses de manière remarquable: «J’ai prêté serment avec le titre de Président de l’île autonome de la Grande-Comore. Logiquement, je ne peux pas finir mon mandat avec le titre de Gouverneur, complètement absent de mon serment. C’est le prochain chef de l’exécutif, moi ou un autre, qui portera le titre de Gouverneur et cela, parce que la Loi n’est pas rétroactive». Ce raisonnement est entièrement fondé en Droit. Cependant, Maître Fahmi Saïd Ibrahim, allié politique et principal Conseiller juridique d’Ahmed Sambi depuis, tient un raisonnement inverse, celui qui voulait faire admettre la rétroactivité de la Loi en la matière; ce qui est une manière de tordre le cou au Droit dans son ensemble: la non-rétroactivité est un principe général de Droit.
Aujourd’hui, le Président Ikililou Dhoinine refuse systématiquement de tripatouiller le texte de la Constitution, alors que certains souhaiteraient le voir supprimer purement et simplement la présidence tournante, au prétexte que celle-ci a permis à chaque île de diriger le pays. Or, on ne retrouve aucune mention pareille dans la Constitution. À ce jour, le Président Ikililou Dhoinine est le seul chef d’État comorien qui refuse d’envisager une révision de la Constitution, et ce n’est pas Hamada Madi Boléro, un des rédacteurs de la Constitution du 23 décembre 2001, qui l’aidera à s’atteler à une opération mafieuse de ce style et de cette envergure. D’ailleurs, quand on lui pose la question, Hamada Madi Boléro répond: «Les gens qui disent que la Constitution actuelle est mauvaise et qu’il faut la réviser sont de mauvaise foi. Nous devons commencer par l’appliquer de bonne foi et avec sincérité. Il n’est pas rare d’entendre certains prétendre: “Notre but est de restaurer la République”. Qu’à cela ne tienne, mais pourquoi veulent-ils restaurer quelque chose qui existe déjà? L’article 1er de la Constitution du 23 décembre 2001 commence par les termes “L’Union des Comores est une République” et non par “L’Union des Comores est une monarchie”. Alors quelle est la République que les restaurateurs de la République veulent restaurer aux Comores? En réalité, nous n’avons même pas cherché à mettre en œuvre cette Constitution que tout le monde veut déchirer. Et si pour une fois, nous essayions d’être sérieux? En tout cas, il ne faut pas compter sur moi pour me lancer dans de grandes envolées lyriques sur l’utilité de réviser inutilement la Constitution. Appliquons celle que nous avons».
L’analyste politique Saïd-Omar Allaoui ne dit pas autre chose quand il estime que «tous ces gens qui crient à la rédaction d’une nouvelle Constitution prennent les Comoriens pour des bébés. Comment peut-on contester une Constitution à la rédaction de laquelle on a pris part? Les gens qui ont fait de la révision de la Constitution une obsession sont ceux qui rédigent les Constitutions comoriennes depuis 1978. Ils passent leur temps à défaire ou à vouloir défaire aujourd’hui ce qu’ils ont fait hier. C’est la preuve absolue que le Comorien n’a pas de convictions et ne croit à rien. J’ai été scandalisé et horrifié quand j’ai noté que les tenants de la révision de la Constitution de 2001 en 2009 avaient participé à la rédaction de cette même Constitution. Qu’on pose des questions à Mohamed Bacar Dossar sur le nombre de révisions constitutionnelles auxquelles il a pris part. Donc, quand je vois que le Président Ikililou Dhoinine refuse de réviser la Loi fondamentale, je me dis qu’il a adopté l’attitude la plus sage».
Par ARM
© www.lemohelien.com – Samedi 28 février 2015.