«Le gouvernement fraude les élections, et nous allons le faire chuter comme en 1999» Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed est un homme très calme e...
«Le gouvernement fraude les élections, et nous allons le faire chuter comme en 1999»
Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed est un homme très calme et pondéré. Bon, il est volubile parce qu’il a beaucoup de choses à dire pour sensibiliser les Comoriens et les partenaires étrangers des Comores sur la nécessité de tout réformer aux Comores. Cependant, quand on lui marche sur les pieds, il ne se laisse pas faire. Et cette fois, suite à la fraude électorale éhontée que le gouvernement vient de réaliser, il a l’impression qu’on ne lui a pas seulement marché sur les pieds, mais sur tout le corps. Quand il parle des vilénies électorales du gouvernement à la suite de la grande mascarade du 25 janvier 2015, il devient une chaudière russe qui a mis du temps à s’allumer et qui ne veut plus s’éteindre: «Le gouvernement vient d’envoyer le pire des signaux au peuple comorien. La communauté internationale voulait des élections, elle les a eues et s’en lave les mains. Ce qui tient lieu de partis politique s’est tellement complu dans la lâcheté qu’il ne tient même pas à aller poser de manière systémique le problème de la fraude qui a complètement vicié le processus électoral. Ces gens du gouvernement font tout ça parce que je ne suis pas encore aux Comores. Mais, quand j’y serai, et ça sera dans très peu de temps, le gouvernement va rire jaune.
Le gouvernement fraude les élections, et nous allons le faire chuter comme en 1999. En 1999, nous avions demandé à l’Anjouanais Tadjidine Ben Saïd Massounde, alors Président des Comores par intérim, de ramener d’abord Anjouan, son île natale, aux Comores, son giron naturel avant de vouloir continuer à diriger les Comores. Lui et son Premier ministre Abbas Djoussouf se sont retrouvés éjectés du pouvoir du jour au lendemain. Dès que je suis aux Comores, je vais mobiliser mes troupes parce qu’il n’est pas question de laisser ces gens du gouvernement tuer les quelques acquis de la démocratisation comme s’il s’agissait de leur bien personnel. Je vais citer un seul exemple de fraude: Nkourani Ya Sima, dans le Mbadjini-Ouest, est la ville d’origine de mon père. C’est une ville dont je suis toute l’actualité et dont je me revendique. Et, Nkourani Ya Sima compte toujours 9 bureaux de vote. Or, qu’est-ce que nous avons vu le 25 janvier 2015 si ce n’est que cette grande ville est passée de 9 bureaux de vote à 3? Comment ces gens du gouvernement peuvent-ils imaginer que les Comoriens vont avaler ça? Devant Dieu et les Comoriens, je jure dès à présent que quand j’irai prendre mon billet pour rentrer aux Comores dans les jours à venir, ça sera un aller simple parce que je n’ai plus envie de quitter mon pays, et ma décision comporte une forte dose de défi quant à ma volonté de diriger les Comores de 2016 à 2021. Et si jamais quelqu’un me vole une seule voix au cours de l’élection présidentielle de 2016, ça finira très mal parce que je ne suis pas homme à me laisser voler en toute impunité».
On l’aura compris: Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed, emblématique Président du Parti Comores Alternatives (PCA) et candidat à l’élection présidentielle de 2016, en a gros sur le cœur. Il vit la grosse fraude électorale préparée en amont et en aval du dimanche 25 janvier 2015 comme une horrible injustice, et ne comprend pas la pusillanimité de la classe politique: «Le pays est devenu un bateau qui prend eau de toutes parts, et pendant ce temps, le RDC, le parti créé et dirigé par le Gouverneur Mouigni Baraka de la Grande-Comore et l’ancien Député Djaé Ahamada Chanfi, deux hommes sans scrupules, ne pensent qu’à conclure une alliance avec Ahmed Sambi pour profiter de l’argent volé au peuple comorien, pour l’ajouter à celui qu’eux-mêmes ont volé au peuple. C’est la seule chose qui les intéresse. La démocratie et l’État de Droit ne sont pas leur tasse de thé. J’ai pris acte de l’idée d’Ahmed Wadaane Mahamoud pour dissoudre l’Assemblée parlementaire qui est en train de se faire élire dans la honte actuellement. Seulement, Ahmed Wadaane Mahamoud parle de ce qui se passera s’il est élu Président de la République en 2016. Mais, moi, je n’ai aucune envie d’attendre 2016 pour faire dissoudre une Assemblée élue dans l’opprobre totale, dans la honte généralisée, dans le mépris envers le peuple comorien. Je n’attendrai jamais 2016 pour dire que cette Assemblée ne saurait être considérée comme la représentation nationale des Comoriens».
Il faudra sans doute signaler qu’Ahmed Sambi a fabriqué en politique l’ancien putschiste en herbe Djaé Ahamada Chanfi dans le but de le corrompre, suite au crash, en juin 2009, de l’avion de la Yemenia, crash qui lui a coûté sa famille. Naturellement, avec sa rapacité et ses ambitions politiciennes débridées, Djaé Ahamada Chanfi ne s’est pas fait prier pour fermer sa bouche, en acceptant quelques nominations de complaisance de la part de son Pygmalion Ahmed Sambi, à qui il avait tourné le dos, le temps d’aller enfumer le Président Ikililou Dhoinine. En homme sans morale politique, le même Djaé Ahamada Chanfi s’est comporté en prédateur de 2009 à 2014, le temps d’une législature qu’il a contribué à polluer de bout en bout. Il se retrouve sur le terrain de l’immoralité politique avec son maître Mouigni Baraka, qui a fraudé les élections de la manière la plus vile pour placer son homme de main et de bouche au second tour d’une élection qui n’est pas la sienne. Le même Mouigni Baraka, qui a été l’un des acteurs majeurs de la fraude électorale au cours du processus actuel, lui aussi, doit beaucoup à Ahmed Sambi, qui, en 2010, avait décidé de soutenir plus d’un candidat par île, lors des élections des Gouverneurs. Mouigni Baraka, qui s’était rempli les poches alors qu’il était gabelou, avait également bénéficié des largesses électorales d’Ahmed Sambi et doit beaucoup à Mohamed Daoudou dit «Kiki», qu’il trahira par la suite. Escroquerie politique!
Ces gens-là sont tellement emportés par leurs petits intérêts de voleurs qu’ils sont prêts à toutes les alliances, pour continuer à voler les Comoriens. Dès lors, on comprend la colère de Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed, qui devient, par la force des choses, le porte-parole officieux de milliers de Comoriens écœurés par l’immoralité des Ahmed Sambi, Mouigni Baraka, Djaé Ahamada Chanfi et de tous les gens qui ont fait d’un exercice républicain et démocratique un facteur de régression, ayant provoqué la «renaissance» d’Ahmed Sambi en Grande-Comore.
Aujourd’hui, les Comores sont au pied du mur. Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed est un homme d’État et a les moyens de pouvoir faire connaître son opinion sur un certain nombre de sujets d’intérêt national. Seulement, il y a dans les villes et villages des Comores, des milliers de Comoriens qui n’ont pas voix au chapitre et qui, le jour où ils vont faire éclater leur colère, ils le feront de la plus violente des manières. Aujourd’hui, les Comoriens se taisent parce qu’ils n’ont pas de vrais leaders pour déclencher les vrais combats politiques. Mais, qu’est-ce qui se passera si Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed arrive à structurer un mouvement de protestation et à prendre d’assaut les rues de Moroni?
Aujourd’hui, cet assaut n’est pas possible parce que les leaders des partis politiques comoriens ne valent ni le respect, ni la confiance des Comoriens. Leurs compromissions au cours du processus électoral actuel nous renseignent sur leur manque de sérieux. Ces gens-là n’ont même pas de troupes fidélisées. En revanche, même si Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed vit en France, il a su mettre en place un vaste réseau politique qui lui donne une assise politique et territoriale que n’ont pas des chefs de partis politiques qui vivent en permanence aux Comores. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir s’il faut une guerre civile pour que le gouvernement arrête de se moquer des Comoriens.
En tout état de cause, le gouvernement vient de lancer un ballon d’essai et a compris que s’il fraude les élections en 2015 et que la classe politique dénonce des fraudes au cas par cas et non tout le processus électoral, cela signifie qu’il peut récidiver en 2016, et placer qui il veut à Beït-Salam, en déployant l’épitaphe sur les élections les plus truquées en Afrique: «Quelques irrégularités ont été constatées, mais elles ne sont pas de nature à remettre en cause la sincérité des élections». Il faudra donc que les partis politiques expliquent au peuple pourquoi, après avoir constaté toutes ces fraudes, ils continuent à accepter des élections qui, de l’avis général, ont été ce qu’on fait de pire en la matière. Le bouillant et bouillonnant Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed dit qu’il a les moyens de faire changer tout ça par la révolte populaire. Mais, ira-t-il jusqu’au bout de sa pensée? Les politiciens comoriens ont beaucoup promis, mais n’ont jamais été soucieux de tenir leurs promesses, et cela commence à se savoir.
Par ARM
