Rien n’est nouveau dans les transformations globales. Mais, avec la mondialisation et les progrès technologiques, le rythme et l'ampleu...
Rien n’est nouveau dans les transformations globales. Mais, avec la mondialisation et les progrès technologiques, le rythme et l'ampleur de ces transformations ont considérablement accéléré. Dans les prochaines décennies, cette tendance ne fera que s’intensifier - apportant avec elle un important potentiel d'instabilité.
Il y a plus de 20 ans depuis que l'Irak de Saddam Hussein a envahi le Koweït, incitant l'adoption quasi unanime de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies exigeant le retrait des forces irakiennes. Lorsque Saddam défia les résolutions, une coalition de 34 pays, soutenant l'offensive aérienne des États-Unis connu sous le nom d’«Opération Tempête du Désert » a conduit les troupes de Saddam hors du Koweït.
C’était en 1991, lorsque l'effondrement de l'Union soviétique avait laissé les Etats-Unis comme la seule superpuissance mondiale. Mais ce n’est plus le cas de nos jours, une réalité qui se reflète dans les réponses confuses de la communauté internationale aux violations territoriales similaires aujourd'hui. Bien que la démarche ait clairement violé l'intégrité territoriale de l'Ukraine, 11 pays ont voté contre la résolution de l'ONU condamnant l'action, et 58 pays - y compris tous les puissances non-occidentales - se sont abstenus. De toute évidence, l'équilibre mondial du pouvoir venait de changer. En politique internationale, les perceptions comptent beaucoup - parfois même plus que la réalité. La perception aujourd'hui est que la période unipolaire de l'Amérique vient de prendre fin. L'Europe est sur le déclin; et un nouvel ensemble de puissance est en ascension, apportant leurs propres et uniques visions du monde pour les affaires mondiales. Dans un sens, cela peut sembler une bonne chose. Plus de perspectives variées pourraient enrichir les processus multilatéraux et générer des solutions plus globales aux problèmes mondiaux.
Mais cette dynamique multipolaire génère également l'instabilité. Bien que le monde devienne de plus en plus interconnecté, que les défis ne se limitent plus aux frontières nationales ou même régionales, les grandes puissances sont de plus en plus réticentes à assumer des responsabilités mondiales. Pire encore, compte tenu de leur fréquent refus à considérer les intérêts des uns et des autres, des impasses, voir même des affrontements deviennent probables.
Les Institutions multilatérales fortes, efficaces et inclusives peuvent jouer un rôle vital dans la lutte contre cette instabilité et encourager la coopération. Mais même les structures les mieux conçues peuvent atteindre peu sans la volonté politique de résoudre les conflits par le dialogue. Afin de réaliser des progrès, les pays doivent apprendre à défendre leurs principes tout en respectant celles des autres, et ne jamais perdre de vue leurs intérêts et objectifs communs.
Sans une telle approche unifiée, la stabilité géopolitique est réduite. A titre d’exemple, l'Ukraine est un pays indépendant depuis 1991 et est entièrement intégré dans le système international, après avoir cédé ses armes nucléaires en 1994 et présidé trois sessions de l'Assemblée générale des Nations Unies. Cependant, en excluant de concevoir une réponse adéquate à l'invasion russe, la communauté internationale a poussé l'Ukraine vers un passé sombre. Espérons que le protocole de Minsk récemment conclu - qui comprend 12 dispositions, y compris un cessez-le-feu et un programme de reprise économique - réussit à résoudre le conflit pour de bon.
Dans tous les cas, la stabilité internationale a été compromise, et plusieurs développements plus potentiellement déstabilisateurs sont à l'horizon. Le mandat du président américain Barack Obama va bientôt prendre fin. Les politiques européennes subissent aussi une transition potentiellement importante, avec la nouvelle Commission européenne qui s’apprête à commencer ses opérations, contre le contexte inquiétant de la montée du nationalisme dans les Etats membres de l'Union européenne.
Deux dirigeants resteront au pouvoir pour un avenir prévisible, le président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre chinois Xi Jinping - dont les deux pays ont généré une instabilité dans leurs régions respectives. Bien avant que la Russie n’envahisse l'Ukraine, la Chine a été engagée dans des conflits territoriaux avec plusieurs de ses voisins, notamment à l'Est et au Sud des eaux chinoises.
En outre, la Russie et la Chine agissent contre la domination occidentale traditionnelle dans les institutions multilatérales. Ils - avec le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud (BRICS) - ont établi leur propre banque de développement, motivée en partie par le fait que le Fonds monétaire international a failli à tenir sa promesse de 2010 d’adapter le droit de vote pour refléter l'équilibre mondial du pouvoir économique. (Jusqu'au sommet du G20 de 2010 où cette promesse a été faite, la Chine avait les mêmes droits de vote que la Belgique.)
Toute cette incertitude entourant les superpuissances émergentes et traditionnelles du monde a entravé les efforts visant à relever les défis de sécurité au Moyen-Orient, du persistant conflit israélo-palestinien et les conséquences du printemps arabe à la nouvelle et puissante menace posée par l'État islamique. Contrairement à Al-Qaïda, l'Etat islamique n’est pas un réseau fragmenté de cellules relativement petites; c’est une entité territoriale fonctionnant comme un pseudo-État sur le territoire syrien et irakien. Et le reste du monde ne semble pas savoir comment arrêter son implacable progression. Les États-Unis se sont précipités pour former une coalition de la confusion avec près de 30 pays, dont dix pays arabes. Comment sera organisée la coalition et quels résultats tangibles atteindra-t-elle ?
Ici, l'Union européenne pourrait être utile. En fait, lorsque les États-Unis avaient d'abord employé sa soi-disant stratégie "leading from behind" en 2011 lors de l'intervention en Libye, les pays européens ont été contraints d'assumer une plus grande responsabilité. Au lieu de considérer cette intervention comme une anomalie, l'UE devrait reconnaître la nécessité de renforcer son rôle dans la défense de la sécurité mondiale - pas moins de défendre son propre intérêt dans un environnement de voisinage prospère et stable. En ce sens, la décision de l'UE de retarder la mise en œuvre de son accord d'association avec l'Ukraine en vue de créer un espace de recherche de consensus avec la Russie est un indicateur positif.
Dans un monde multipolaire, les acteurs avec les mêmes visions du monde doivent travailler ensemble pour faire avancer leur intérêt commun pour la sécurité, la stabilité et la prospérité. Il est temps pour toutes les puissances du monde de reconnaître leur responsabilité pour rendre la coopération constructive une réalité.
Adinani Toahert Ahamada