Une campagne bananière pour des élections bananières dans une atmosphère bananière Les Comoriens ont honte et sont surtout furieux. Il ...
Une campagne bananière pour des élections bananières dans une atmosphère bananière
Les Comoriens ont honte et sont surtout furieux. Il n’est pas rare de les entendre dire, en ville comme dans les douars: «Tout ça pour ça?». Il faut fournir l’effort de les comprendre et d’admettre qu’ils ont raison. Depuis février 2014, on ne parle aux Comores que de ces élections. Pendant des mois, tout un pays s’est livré à des exégèses ampoulées sur la fin du mandat ou des pouvoirs des Députés. Hamada Madi Boléro a failli se faire tuer pour avoir voulu y apporter son expertise de juriste pour expliquer aux uns et aux autres ce qu’il en était vraiment. Quelques partis politiques qui se réclament de feue «l’opposition» ont fait de la gesticulation dramatique, en se livrant à des contorsions dignes d’un singe pour réclamer, du bout des lèvres, la tenue de scrutins, alors qu’ils n’ont ni argent pour financer une vraie campagne électorale (sauf s’ils ont été ou sont au pouvoir), ni de candidats sérieux, mais juste la bouche pour se livrer à quelques protestations rituelles, histoire de se signaler à l’opinion publique, pour dire: «Cher peuple, nous sommes là. Nous ne sommes pas encore morts». Or, alors que depuis le 22 décembre 2014, les Comores sont, enfin, en campagne électorale, les Comoriens n’ont rien à se mettre sous la dent.
Il y a même des situations qui relèvent de la pure bouffonnerie, la plus «brillante» étant celle du Grand Docteur El-Anrif Saïd Hassane, ministre en réserve de la République, actuellement engagé dans la campagne électorale pour un siège de Député et de Président de l’Assemblée de l’Union des Comores, attendant stoïquement son échec annoncé à la députation, avant de reprendre semble-t-il ses fonctions de ministre des Relations extérieures et de la Coopération chargé de la Diaspora, de la Francophonie et du Monde arabe (Enfin! ouf!), fonctions gouvernementales héritées de son généreux et glorieux oncle maternel. C’est d’un pathétique et d’un ridicule… On croyait qu’après avoir détourné l’aide humanitaire saoudienne en faveur des sinistrés des intempéries de la Grande-Comore, sa morne et mélancolique campagne électorale allait prendre de l’envol. Or, malgré ses efforts et ceux de son Directeur administratif et financier (DAF) pour faire de la fameuse aide humanitaire détournée un bon instrument de campagne électorale, aujourd’hui, force est de constater que ses chances de se faire élire Député sont aussi élevées que celles qu’il a pour succéder à la Reine d’Angleterre au trône des Windsor.
La preuve la plus éclatante de la voie savonneuse sur laquelle il s’est engagé, le Grand Docteur El-Anrif Saïd Hassan l’a eue ce lundi 29 décembre 2014, quand il se rendit à Ntsaouéni, la capitale du Mboudé, pour aller pavoiser en pleine campagne électorale. En effet, alors que notre ministre en réserve de la République croyait dur comme fer qu’il lui suffisait de pointer à Ntsaouéni pour se faire acclamer comme un rock-star, il y a eu la déception de sa vie. En effet, sur l’arène où il devait tenir son meeting, on y a vu juste deux chats plongés dans le sommeil du juste, sûrs et certains que personne n’allait les déranger. Et les deux chats n’ont même pas été dérangés parce qu’il n’y avait personne à Ntsaouéni pour écouter la prose et la poésie de notre Grand Docteur. Un membre de sa délégation dira après: «Ce spectacle honteux et désolant de boycott de notre meeting est la honte de ma vie. Je n’ai jamais assisté à une telle honte. C’est un désaveu dont nous ne nous relèverons jamais, parce que la chose finira par se savoir, et ça ne sera pas bon pour la crédibilité de notre candidat. Quel scandale humiliant! Si nous n’étions pas des mendiants devant raconter des mensonges à notre frère El-Anrif Saïd Hassane, nous devrions lui dire d’arrêter cette comédie tout de suite. C’est triste, et le grand malheur réside dans le fait que je ne peux même pas quitter ce navire en train de couler en plein océan. Pire que le naufrage du Titanic, nous assistons à celui du Joola, qui avait fait plus de morts au Sénégal en 2002. Abandonner un frère après une telle humiliation serait très mal vu. C’est pourquoi je suis obligé de rester dans cette galère».
Bien évidemment, la décence interdit tout acte destiné à dauber sur un frère et à se moquer de ses malheurs électoraux, surtout quand on sait que ce qui se dit à Beït-Salam, sur le dos dudit frère ministre en réserve de la République est plus grave que la grande humiliation qu’il a subie à Ntsaouéni, la capitale du Mboudé. En effet, ce cadre très critique de l’Union pour le Développement des Comores (UPDC), le «parti cocotte-minute» créé semble-t-il pour faire plaisir au Président Ikililou Dhoinine, qui s’en passerait bien, dit des choses pas du tout belles sur la candidature d’El-Anrif Saïd Hassane, et sait ce qu’il dit puisqu’il a ses entrées au Grand Palais de Beït-Salam: «Tout dans la démarche électorale du ministre ou ancien ministre – puisqu’on ne comprend plus rien à ses histoires – El-Anrif Saïd Hassane relève du grotesque. Il a tellement confiance en ses capacités de se faire élire Député qu’il se croit obligé de dire que sa candidature procède d’un choix personnel du Président Ikililou Dhoinine. Cette onction du chef de l’État n’est réelle que dans son imagination, très fertile. D’une part, le Président de la République a de choses plus sérieuses qui encombrent son agenda que l’élection individuelle de tel ou tel. D’autre part, il faut bien connaître le Président Ikililou Dhoinine pour comprendre qu’il n’aime pas se mêler de petites combines politiciennes. La réalité est que le ministre El-Anrif Saïd Hassane voit la vie en rose et dans une grandeur démesurée, et fait tout pour dire que sa candidature relève d’un choix personnel du Président. Ce qui est faux. Par la suite, quand il sera battu aux élections, il est certain que le chef de l’État sera obligé de le remplacer parce qu’on n’encourage pas les gens que le peuple n’aime pas. Il y a toujours une leçon à tirer d’un désamour envers un politicien désavoué».
À Anjouan, on s’ennuie ferme aussi, mais sur cette île, l’ennui est compensé par le théâtre électoral sur lequel se produit un comédien appelé Ahmed Sambi. En effet, l’ancien satrape de la satrapie qu’il avait instaurée aux Comores de 2006 à 2011 a étalé partout à Anjouan des banderoles appelant les Anjouanais à voter pour les candidats du Parti des Consanguins et de la Consanguinité politique car, une fois ce Parti politique devenu majoritaire à l’Assemblée de l’Union des Comores, ses Députés changeront la Constitution et les lois de la République pour que le même Ahmed Sambi puisse présenter sa candidature à toutes les élections présidentielles afin d’offrir à l’île d’Anjouan la possibilité de diriger les Comores tant qu’il sera en vie et en bonne santé. En d’autres termes, Ahmed Sambi nous pique une petite crise mystique et d’insularité par laquelle il profère de nouveaux mensonges grossiers et honteux, qui se résument par sa capacité à devenir Président à mort et jusqu’à ce que mort s’ensuive, donc un Président ad vitam æternam, mais à condition que les Anjouanais lui donnent la possibilité de contrôler le Parlement qui sortira des urnes «en janvier et février 2015». Il faudra tout de même que le bon Albert Karaziwan, PDG de la société SEMLEX et propriétaire des Comores, daigne mettre à la disposition des Comores les cartes d’électeurs sans lesquelles il n’est pas possible d’organiser un scrutin. Mais, ça, c’est une autre histoire. Aujourd’hui, ce qui énerve le plus les Comoriens, champions du monde toutes catégories des joutes politiques, c’est la tristesse de la campagne électorale.
Tel augure politique ergote et pérore, en prétendant mensongèrement que c’est parce qu’on est au début de la campagne électorale que celle-ci est si morne. Ce n’est pas vrai. La vérité est beaucoup plus prosaïque: en fait, les Comoriens ont en face d’eux des candidats dont la plupart n’ont jamais brillé par la pertinence de leurs idées politiques et par leur capacité de faire des propositions politiques intéressantes. Les partis politiques eux-mêmes sont demeurés des carcans et des carcasses d’hyènes ayant rendu l’âme dans la savane du Ferlo, au Sénégal. On ne voit pas comment des partis politiques dirigés pour la plupart par des nains intellectuels et politiques peuvent émerveiller les Comoriens et les étrangers qui ont le regard posé sur la vie politique comorienne. À Mohéli, l’atmosphère électorale est encore plus lugubre, suite aux mauvaises manières de l’irascible Gouverneur Mohamed Ali Saïd. Le peuple doit sans doute se poser la question de savoir s’il vole les malheurs qui lui arrivent du fait de mauvais dirigeants qu’il désigne lui-même.
Par ARM