La classe politique masculine s'obstine dans le grand boycott des candidatures féminines Quelle pitié! Nous sommes en 2014, pratique...
La classe politique masculine s'obstine dans le grand boycott des candidatures féminines
Quelle pitié! Nous sommes en 2014, pratiquement dans la deuxième moitié de la seconde décennie du XXIème siècle, et le discours de haine envers la femme comorienne et venant de certains cercles du pouvoir politique est désolant et désopilant. Il y a un discours misogyne qui n'honore pas ceux qui le prononcent, et il est temps pour les démocrates et les républicains comoriens de sortir de leur silence de complaisance pour condamner le complot de l'étranglement de la femme comorienne par voie des urnes. Avant-hier, par manque de galanterie, d'imagination et d'intelligence politique, c'est l'UPDC, le «parti cocotte-minute» du Président Ikililou Dhoinine, qui a refusé l'investiture de Mme Soilha Saïd Mdahoma dans la région de Mitsamiouli. Hier, dans la même région de Mitsamiouli, MmeChamsia Sagaf, elle aussi, a été refusée d'investiture, mais par le Parti des Consanguins et de la Consanguinité politique d'Ahmed Sambi. Aujourd'hui, c'est au tour de Mme Bahia Massounde (Photo) d'affronter la hargne misogyne de certains de ces Messieurs les hommes, ou plutôt celle d'un homme. Depuis le samedi 13 juillet 2013, elle est ministre des Postes et Télécommunications, de la Promotion des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communications chargé des Transports et du Tourisme (trop long. Trop, trop long!). Elle veut devenir Députée à Mutsamudu sous la bannière de l'UPDC.
Comme pour faire des œufs, il faut commencer par casser les œufs, Mme Bahia Massounde est allée tâter le terrain chez elle, à Mutsamudu, le samedi 15 novembre 2014. Et là, agréable surprise, elle a été accueillie en grande pompe, avec beaucoup de chaleur et de ferveur, surtout par les femmes. Même les hommes sont de la partie pour reconnaître en elle une bonne candidate. Elle est ministre. On la dit volontariste et désireuse de faire les choses correctement, malgré les pesanteurs bureaucratiques créées par certains. Elle ne traîne pas de casseroles. Elle gère son ministère avec beaucoup de prudence pour ne pas tomber dans les pièges mortels qui ont détruit la réputation de bien d'autres. Elle se bat dans un univers d'hommes plutôt machistes et fait tout pour s'imposer en douceur. Pourquoi donc ne pas l'aider à s'affirmer, dans un pays qui ne compte aucune Députée, malgré les évolutions significatives enregistrées par la société comorienne depuis 1975? La réponse à cette question va au-delà des clivages politiques car, pour éviter un scandale qui n'a que trop duré, il faut féminiser le Parlement comorien, comme il faudra féminiser le Palais de Beït-Salam. Que Mme Bahia Massounde soit de l'UPDC ou pas n'a pas de sens; ce qui doit compter le plus doit être la promotion de la politique au féminin aux Comores. C'est tout.
Récapitulons. En refusant la candidature à la députation de MmeChamsia Sagaf, le Parti d'Ahmed Sambi a refusé la compétence d'une femme comorienne qui s'est imposée par son talent dans la chanson et avant tout par de longues années de militantisme dans les rangs de l'ASEC à Paris et aux Comores. Ce n'est donc pas une novice, mais une femme engagée en politique depuis les années 1980 et qui connaît bien l'étrange univers politique comorien. Ne pas lui donner sa chance pour faire de la politique au sein de l'Assemblée de l'Union des Comores est un énorme gâchis qui aurait pu être évité. Dans le cas de Mme Soilha Saïd Mdahoma, on est en présence d'une femme d'affaires d'une influence inouïe, qui a ses entrées même dans certains milieux politiques français, où elle aurait pu faire avancer certains dossiers de développement socioéconomique, et ces gens de l'UPDC lui ont préféré le cadavre politique aux apparences de carcasse d'hyène qu'est le Docteur El-Anrif Saïd Hassane, que personne ne connaît dans le Mitsamiouli, et qui ne pourra pas s'imposer par les seuls votes des habitants de son village Fassi. Ce n'est pas intelligent.
Pour Mme Bahia Massounde, on est abasourdi en apprenant que c'est le Vice-président Nourdine Bourhane qui crée de problèmes en voulant imposer à sa place, un homme, son Mohamed Youssouf Combo. C'est ahurissant. Le grand problème du Vice-président Nourdine Bourhane, c'est qu'il ne sait pas quand il doit se taire. En plus, selon la vox populi, il a beaucoup fait pour convaincre le Président Ikililou Dhoinine de nommer Mme Bahia Massounde ministre le samedi 13 juillet 2013. Pourquoi donc lui faire des problèmes pour sa candidature à la députation? Des fois, le Vice-président Nourdine Bourhane ferait mieux de mâcher des cailloux au lieu de parler pour dire des incongruités. Seuls les initiés connaissent l'histoire de son refus systématique et obstiné d'organiser un accueil grandiose au Président Ikililou Dhoinine, de retour de Malabo (Guinée Équatoriale), à l'Aéroport de Hahaya à un moment où les «notables» demandaient le boycott de sa réception et allaient tirer un grand bénéfice politique d'une cérémonie falote et vénielle! En tout état de cause, la parole du Président Ikililou Dhoinine est attendue pour débloquer cette situation avant qu'on ne nage dans une misogynie qui ne va pas honorer sa présidence.
Dans certains pays, on impose des quotas pour assurer une parité hommes-femmes. Aux Comores, rien de tel n'a été envisagé, et l'Assemblée est restée désespérément masculin, mais sans que cette masculinité ne soit un label d'efficacité, d'efficience et de sérieux. Or, au-delà de l'appartenance politique des uns et des autres, le problème qui se pose est celui d'une classe politique qui a assuré son renouvellement du point de vue générationnel, mais reste hermétiquement fermée à toute forme de renouvellement au profit de la femme comorienne. Or, une touche féminine ne ferait pas de mal à cette Assemblée de l'Union des Comores dévoyée par de mauvais garçons qu'on ne se fatiguera pas de citer et de dénoncer: le Caporal Bourhane Hamidou, l'ancien putschiste en herbe Djaé Ahamada Chanfi et les autres Députés Abdoulfattah Saïd Mohamed, Hassane et Ali Tabibou, aidés par Antoisse Mohamed Ibrahime, Latuf Abdou et Attoumane Allaoui.
Si on devait choisir la rationalité ne serait-ce que pendant quelques secondes, on devrait commencer par se dire que Mme Bahia Massounde, du fait de son expérience ministérielle non entachée de scandales et de fracas, pourrait beaucoup apporter à l'Assemblée de l'Union des Comores. Une fois de plus, il est indispensable de reconnaître la nécessité de dépasser les clivages politiques pour voir la cause de la femme en politique aux Comores. Celle-ci devrait être élevée au rang de cause nationale. Ceci est d'autant plus vrai que la femme comorienne continue à incarner le rôle malheureux de parent pauvre, malgré son investissement sincère et désintéressé en politique. Sur l'île de Mohéli, quand, sous la présidence d'Ahmed Abdallah, il n'y avait aucune forme d'opposition légale, ce sont les femmes de la ville de Fomboni qui donnaient de la voix, même face aux mercenaires. À Mayotte, tous les événements politiques majeurs depuis le début des années 1960 ont été conjugués au féminin, même si on peut déplorer la marginalisation de ces femmes de combat après. La question qui se pose alors est celle de savoir si l'on va continuer de cette manière où si on va faire évoluer des mœurs politiques sclérosées, dans un pays qui a singulièrement besoin de changement ou si on va maintenir un statu quo avilissant. Comme disent certains, «après la présidence tournante entre les îles, il faut une autre tournante entre les hommes et les femmes». Il serait sans doute temps pour les Comores de s'y mettre.
Par ARM
© www.lemohelien.com – Vendredi 21 novembre 2014.
