«C’est un choix que j’ai fait pour m’engager pour les Comores, un pays qui me tient à cœur»
Maître Saïd Larifou, dans son intimité familiale, et à travers son dessein pour les Comores
Des interviews, Maître Saïd Larifou en accorde à longueur de mois. Très médiatique, il ne passe pas une semaine sans qu’il ne fasse parler de lui, que ça soit dans le cadre de son métier d’avocat, qui est une réussite totale, ou en sa qualité de Président du Parti RIDJA. Seulement, l’interview qu’il vient d’accorder à MmeSabrina Superviele, journaliste très bien informée d’Antenne Réunion lors de son émission «En tête à tête», vaut d’être largement connue pour mieux situer l’être humain d’abord afin de mieux connaître le politicien. Parce que, quand on est politologue ou homme des médias, la première chose qu’on remarque s’agissant de Maître Saïd Larifou, c’est qu’on le connaît tellement qu’on ne le connaît pas. Qui il est? Il est le Président du Parti RIDJA et il est avocat à la Réunion. C’est tout. Ça s’arrête là.
Même ceux qui le côtoient ne savent qu’il a failli devenir acteur de cinéma pour incarner Patrice Emery Lumumba, le grand homme d’État congolais renversé par Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko et tué dans des conditions atroces. Ceux qui suivent sa carrière politique ne savent pas qu’il était photographe amateur (spécialiste en mariages et baptêmes) pour payer ses études, même s’il bénéficiait d’une bourse de l’État français et du Conseil général de la Réunion. Dans cette interview de très bonne facture, il revient sur son parcours professionnel atypique, et dévoile plusieurs facettes de son attachante personnalité. En procédant à une analyse du contenu de cet entretien, on se rend compte que le mot qui y revient le plus souvent est «engagement». Il s’est engagé politiquement pour les Comores, alors qu’il aurait pu faire une belle carrière politique à la Réunion, où il est très bien connu et bénéficie d’importantes relations qui lui auraient permis d’occuper le haut du pavé. Découvrons donc cette interview réalisée d’une main de maître (ou plutôt de maîtresse) par Mme Sabrina Superviele.
Même ceux qui le côtoient ne savent qu’il a failli devenir acteur de cinéma pour incarner Patrice Emery Lumumba, le grand homme d’État congolais renversé par Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko et tué dans des conditions atroces. Ceux qui suivent sa carrière politique ne savent pas qu’il était photographe amateur (spécialiste en mariages et baptêmes) pour payer ses études, même s’il bénéficiait d’une bourse de l’État français et du Conseil général de la Réunion. Dans cette interview de très bonne facture, il revient sur son parcours professionnel atypique, et dévoile plusieurs facettes de son attachante personnalité. En procédant à une analyse du contenu de cet entretien, on se rend compte que le mot qui y revient le plus souvent est «engagement». Il s’est engagé politiquement pour les Comores, alors qu’il aurait pu faire une belle carrière politique à la Réunion, où il est très bien connu et bénéficie d’importantes relations qui lui auraient permis d’occuper le haut du pavé. Découvrons donc cette interview réalisée d’une main de maître (ou plutôt de maîtresse) par Mme Sabrina Superviele.
Sabrina Superviele: 12 heures 45, l’ambition d’un avocat, père de 5 enfants, celle de devenir Président. Né le 1er octobre 1964 à Diego-Suarez, il a quitté Madagascar pour les Comores, il avait 7 ans. Dix ans plus tard, il vient étudier le Droit à la Réunion, et à 36 ans, il se présente pour la première fois à une élection présidentielle. Saïd Larifou, bonjour et bienvenue. Pour vous présenter, nous sommes d’accord, vous êtes un avocat qui rêve de diriger les Comores?
Saïd Larifou: Oui, c’est un avocat qui a une ambition pour les Comores, effectivement. C’est une ambition que je porte depuis 17 ans déjà, 17 ans de vie marqués par des engagements, par des actions, par un idéal que je porte au quotidien pour ce pays, qui me tient à cœur.
Sabrina Superviele: Les Comores, une République fédérale et islamique, est-ce que vous, personnellement, vous êtes un fervent défenseur de la laïcité?
Saïd Larifou: Oui, moi, je suis pour la libre expression à la fois des opinions, et puis, je suis pour la laïcité, effectivement. Je suis quelqu’un de très pondéré et très nuancé, à la fois dans mes analyses, et puis dans mes contacts.
Sabrina Superviele: Avec le RIDJA, votre parti que vous avez créé en 1997, vous vous êtes présenté deux fois à la présidentielle des Comores, et ce combat politique vous a valu d’être arrêté et puis d’être placé en résidence surveillée. Est-ce que vous craignez un jour de perdre définitivement votre liberté?
Saïd Larifou: Bien, écoutez, la liberté, c’est un idéal. On ne l’acquiert pas facilement comme ça, parce qu’on la veut. Il faut la conquérir, et puis, quelquefois, cela peut vous réserver certaines mauvaises surprises. Moi, donc, je n’exclus rien. Je me suis inscrit dans ce combat et rien ne peut m’arrêter effectivement.
Sabrina Superviele: Et un mandat politique à la Réunion, vous y avez déjà pensé?
Saïd Larifou: Bien, écoutez. À la Réunion, non. Malheureusement, ce n’est plus possible dans la mesure où mon engagement politique s’inscrit dans un premier pour les Comores. Bien sûr que j’ai des amis ici, à la Réunion, qu’ils soient de droite ou de gauche. Il m’arrive effectivement d’exprimer mes soutiens aux uns et aux autres, sans forcément m’impliquer dans une conquête pour acquérir un poste quelconque ici à la Réunion. Cela n’est plus possible dans la mesure où je me suis engagé pour les Comores. Les Comores pourquoi? Parce que je pense que c’est une société jeune, qui est en pleines mutations, et que je pense qu’il y a beaucoup, beaucoup de choses à faire, et que je pouvais aussi inscrire ma contribution dans cette dynamique de renouveau de cette société.
Sabrina Superviele: On a évoqué votre parcours politique. Qu’est-ce qui vous plaît dans votre fonction d’avocat?
Saïd Larifou: C’est l’engagement, c’est l’assistance, et puis l’assistance aux personnes qui en font plus demande au soutien de l’autre. Moi-même, j’en ai bénéficié. C’est peut-être pour cette raison que je me sens dans l’obligation d’en apporter à mes prochains.
Sabrina Superviele: L’affaire judiciaire qui vous a le plus marqué?
Saïd Larifou: Deux faits. L’affaire du jeune Ibrahim Ali, et puis, il y a aussi notre affaire, celle des enfants franco-mauriciens, cette affaire des enfants franco-mauriciens qui habitaient à l’île Maurice et qui sont venus ici à la Réunion avec leurs mères. J’étais emmené à partir à Maurice avec leurs mères pour les prendre puis les ramener ici, à la Réunion. Et puis, il y a aussi l’affaire d’Ibrahim Ali, le jeune Comorien, le rappeur comorien qui a été tué d’un bloc par les colleurs d’affiches du Front national. Cette affaire m’a fait découvrir moi-même. Donc, je ne me connaissais pas, je ne me connais peut-être pas encore, mais cette affaire m’a fait découvrir une certaine façade de ma personnalité.
Sabrina Superviele: Laquelle?
Saïd Larifou: Le courage. Le courage. Voilà.
Sabrina Superviele: Vous parliez d’enfance tout à l’heure. On en vient à la vôtre. Né à Diego-Suarez, vous avez quitté la Grande Île pour les Comores. Vous aviez 7 ans, et vous avez voyagé sans vos parents et avec vos frères et sœurs. Est-ce que vous vous souvenez de la traversée? Est-ce que vous vous souvenez de l’accueil qui vous a été réservé à votre arrivée aux Comores?
Saïd Larifou: Pour la traversée, d’abord, puisque j’ai beaucoup vomi, et j’ai dissimulé ma peur et ma crainte puisque j’avais en charge mes petits frères et sœurs. Et puis, arrivé aux Comores, j’étais épaté par l’accueil à la fois de ma famille maternelle et puis des jeunes de mon village, Foumbouni, et c’est un accueil qui était beaucoup plus marquant.
Sabrina Superviele: Est-ce que vous avez toujours compris le choix de votre mère de vous envoyer aux Comores avec vos frères et sœurs?
Saïd Larifou: Oui, parce qu’il fallait absolument que je m’imprègne de la culture comorienne, que je redevienne Comorien, avant de m’imprégner d’une autre culture. Je ne l’ai pas regretté. Je pense que c’est un bon choix, que c’est ce qui m’a permis, et que c’est ce qui me permet aujourd’hui d’avoir un regard beaucoup plus nuancé à la fois des hommes et puis des situations.
Sabrina Superviele: Et, après les Comores, la Réunion à 17 ans. Vous venez étudier le Droit. Alors, d’abord, une Capacité en Droit, parce que vous n’aviez pas le Bac. Et puis, un DEUG, une Licence, et puis vous partez à Paris pour une Maîtrise. Vous avez hésité entre le métier d’avocat et le métier de notaire.
Saïd Larifou: Oui, le métier de notaire, puisqu’effectivement, j’ai un Diplôme du Troisième Cycle notarial. J’ai commencé un stage dans une Étude notariale dans le 19ème arrondissement. Ça a duré combien? Trois mois. Et puis, d’un simple coup de tête, j’ai décidé de mettre fin à cette expérience puisque ça me paraissait un peu mou, et puis terne. Je voulais quelque chose de beaucoup plus actif et de beaucoup plus engagé. Lorsque j’ai mis les pieds pour la première fois dans un Cabinet d’avocats, tout de suite je me suis dit que c’était mon destin et qu’il fallait que je m’inscrive dans ce métier d’avocat. Et, je ne le regrette pas.
Sabrina Superviele: Est-ce que vous avez dû travailler pour payer vos études?
Saïd Larifou: Oui. J’étais photographe amateur. Je faisais le tour des églises et puis des Mairies de l’île de la Réunion pour faire des photos des gens qui se mariaient, puis de ceux qui faisaient le baptême de leurs enfants, pour faire des photos, puis vendre des photos pour financer mes études. Mais, je suis aussi chanceux puisque j’étais boursier à la fois de l’État français, puis du Conseil général de la Réunion.
Sabrina Superviele: Et si je vous dis «Très près», vous répondez quoi?
Saïd Larifou: C’est un dentifrice, une publicité, lorsque j’avais 20 ans. Et puis, voilà un sourire. Il fallait faire ça pour financer ses études.
Sabrina Superviele: Vous avez eu donc des propositions pour la publicité, mais vous avez eu également des propositions pour le cinéma.
Saïd Larifou: Oui, effectivement, j’étais sollicité pour jouer le rôle de Lumumba. C’est un grand homme d’État d’Afrique. Mais, bon. On m’avait donné le scénario. Je l’ai étudié pendant deux à trois mois. Je voyais que ça allait me prendre beaucoup, beaucoup de temps, voire même me soustraire de mon activité d’avocat. Et comme j’ai débuté dans la profession d’avocat, je n’étais pas certain de faire une carrière dans le cinéma. J’ai laissé tomber.
Sabrina Superviele: Vous regrettez ce choix ou pas?
Saïd Larifou: Bon, je ne regrette pas puisque je pense que je me plais bien dans tout ce que je fais. Mais, j’ai toujours un regard sur les acteurs.
Sabrina Superviele: On l’a dit: vous êtes né à Diego, vous avez grandi entre Madagascar et les Comores, vous avez étudié à la Réunion. Où vous sentez-vous le mieux?
Saïd Larifou: Dans l’océan Indien, franchement. Le jour où je serais emmené à occuper des fonctions politiques aux Comores, j’ose vous dire que ça sera vraiment difficile de ne pas être en permanence ici, à la Réunion. Mais, c’est un choix que j’ai fait pour m’engager pour les Comores. Mais, la Réunion est une île qui m’est très, très, très attachée puisque j’ai tout gagné ici. Mes enfants, je les ai eux ici. Mes études, je les ai faites ici. Mes premières expériences professionnelles, et puis d’homme politique aussi, je les ai faites ici, puisque le RIDJA est né à la Réunion. Au fait, c’est une île qui m’a tout, tout donné.
Sabrina Superviele: Et une île que vous pourriez quitter finalement pour devenir Président des Comores. Quelle différence, selon vous, entre Mayotte et les Comores?
Saïd Larifou: C’est une différence politique. Mais, tout est lié, culturellement, socialement, mais il y a un différend politique qui fait que, bon, aujourd’hui, Mayotte est détachée politiquement des autres îles de l’Archipel. Mais, il faut aussi croire en la force de conviction politique des hommes qui peuvent surmonter des différends pour construire un destin commun. J’y crois.
Sabrina Superviele: Les Mahorais, qui se sont longtemps battus pour rester Français, pour vous, est-il quelque chose de plus important que le droit du peuple?
Saïd Larifou: C’est la liberté.
Sabrina Superviele: Et cette liberté notamment de choisir à quel territoire on peut appartenir?
Saïd Larifou: Vous savez, les réalités politiques ne sont pas des réalités figées. Elles évoluent en fonction des hommes, de la volonté des hommes. Donc, l’Histoire est construite parce qu’il y a des hommes qui mettent aussi leur volonté pour la construire positivement, et je ne désespère pas de pouvoir, demain, construire un dialogue constructif avec les Mahorais. Moi, personnellement, je nourris cette culture de compromis. Donc, je pense que tout est possible.
Pénible transcription mot à mot par ARM
© lemohelien – Vendredi 7 novembre 2014.