Bahia Bakari, unique survivante, devrait être présente aujourd'hui au procès À force de malheurs conjugués, ils avaient fini par en...
Bahia Bakari, unique survivante, devrait être présente aujourd'hui au procès
À force de malheurs conjugués, ils avaient fini par entrevoir le pire. Des proches perdus à jamais, une compagnie, la Yemenia, qui choisit le rapport de forces permanent pour mode de communication avec les victimes, des expertises qui traînent et un procès qu'elles désespéraient de ne plus voir venir : voilà le douloureux casting qui pourrait pourtant tirer à sa fin.
Aujourd'hui, à partir de 9 h, le tribunal de grande instance d'Aix se penchera enfin sur les indemnisations civiles des familles des 152 victimes de la catastrophe aérienne du 30 juin 2009, au large des Comores. Après cinq ans d'attente, ce devrait être un moment d'intense justice et le souvenir de ceux qui sont partis trop tôt, parents ou grands-parents, oncles ou tantes, filles ou fils, devrait résonner dans le prétoire. Bahia Bakari, l'adolescente de 13 ans, seule rescapée du drame, qui a survécu neuf heures dans l'eau, devrait être présente. Son témoignage a, selon nos sources, été versé au dossier d'instruction pénal.
"Plutôt que la fin d'un processus, je dirais que c'est le début d'un nouveau", aime à dire Me Yann Prévost, qui défend plus de 100 victimes sur les quelque 800 qui seront représentées. "Bien sûr, il y aura des appels, mais ce sera sans doute un premier pas vers la reconnaissance de la responsabilité de la compagnie Yemenia qui essaie de minorer son rôle", insiste-t-il. Longtemps, la Yemenia, a en effet refusé de communiquer les documents qui lui étaient réclamés par le juge de Bobigny en charge de l'enquête. Et puis, pour obtenir la levée de certaines astreintes devenues pharaoniques, elle a consenti à accepter le déplafonnement des indemnisations.
Des montants plus importants vont être sollicités pour la perte de l'être cher
Pour l'heure, la plupart des proches n'ont obtenu que des sommes symboliques, qui varient entre 10 000 et 25 000 €. À terme, ce sont des montants bien plus importants qui vont être sollicités pour la perte de l'être cher : 154 000 € par demandeur en moyenne, mais tout dépend du lien de parenté avec le défunt. Le total pourrait friser les 25 millions d'€ : préjudice économique, préjudice moral, préjudice de solitude, perte de chance et le dernier, préjudice d'angoisse. Car les investigations menées ont permis d'apprendre que certains de ceux qui avaient survécu ont été dévorés par les requins... Triste destin pour ces 152 passagers ou membres d'équipage.
L'Association des familles des victimes de la catastrophe aérienne de la Yemenia (AFVCA) et son président Saïd Assoumani ont maintes fois pointé les manquements à la sécurité aérienne de la compagnie. Ils ont sollicité une audience auprès du président de la République française pour s'étonner de la défaillance de la coopération internationale en la matière.
La dernière rumeur du dossier est-elle fondée ? Yemenia aurait communiqué des documents qui n'auraient pas encore été traduits mais seraient un nouveau pas de sa part. Pour le procès pénal, il va falloir encore attendre "un certain temps", selon la formule chère à Fernand Raynaud.
La compagnie de retour à Marseille le 8 décembre
Dans notre édition du 27 juillet dernier, nous annoncions le retour de la compagnie Yemenia à l'aéroport Marseille-Provence, à compter du 8 décembre, avec un vol Paris-Marseille-Sanaa-Moroni. La société yéménite aura donc attendu près de quatre ans pour renouer avec une cité phocéenne dont la communauté comorienne porte encore les stigmates de la terrible catastrophe. Le 11 juillet, une délégation de la Yemenia était présente à Marseille à la mosquée Guichard (3e) pour informer les représentants des Comoriens de Marseille de leurs intentions de retour. Un retour validé par la Direction générale de l'aviation civile, mais accueilli avec circonspection du côté de l'aéroport.
"Nous ne pouvons nous y opposer, mais nous leur avons suggéré de s'assurer de la réaction positive des Marseillais", soulignait alors Julien Boulay, directeur marketing de l'aéroport provençal, dissimulant à peine sa crainte. À raison, puisque les Comoriens de Marseille demeurent fermement opposés à ce retour de la Yemenia, qui pour l'occasion a renforcé sa flotte en commandant dix avions de type A350-800. "Nous allons mener des actions très fortes jusqu'à l'ouverture de la ligne en décembre, contre la Yemenia et ceux qui collaborent avec elle", clame Mohamed Itrisso, président de l'association Ushababi, qui s'étonne de "l'absence de réaction des élus locaux".
Les représentants de la communauté comorienne, comme le consul honoraire ou le grand mufti, demeurent, eux, très prudents au sujet de ce retour polémique. Car du côté des Comores, les enjeux économiques liés à ce come-back sont énormes. Surtout que cet été, c'est Air Madagascar, compagnie rivale, qui a assuré les vols depuis Marseille. Avec toutes les peines du monde : annulation du vol inaugural, retards à répétition... Preuve qu'encore aujourd'hui, les Comoriens marseillais ne peuvent toujours pas voyager dans des conditions dignes de ce nom. Le pourront-ils en décembre ?