Les plus belles et les plus grandes traditions mahoraises mises en danger par les excès à répétition

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La polémique est lancée à Mayotte qui se bat pour préserver sa culture et ses traditions aujourd'hui mises en danger. Car celles-ci n...

La polémique est lancée à Mayotte qui se bat pour préserver sa culture et ses traditions aujourd'hui mises en danger. Car celles-ci ne font pas l'unanimité en créant bien souvent des troubles à l'ordre public. Mais sont-elles véritablement les causes de ces désagréments ou n'est-ce pas plutôt la manière dont elles sont appliquées qui cause problème ? Moulidi, grands mariages, etc, sont aujourd'hui menacés par la loi et par des maires qui demain devront réagir ou être condamnés. Explications…

Il y a quelques mois de cela maintenant, en mars 2014, la colère s'était faite entendre du côté de la commune de Sada où un moulidi traditionnel avait été organisé au sein même de la localité et avait généré de graves problèmes. En effet, la cérémonie était selon les riverains, beaucoup trop bruyante et beaucoup trop longue puisqu'elle s'était déroulée du samedi au dimanche matin. La polémique était venue du fait que l'épouse d'un gendarme de la brigade locale s'était plainte des nuisances sonores lorsque les associations sadoises organisatrices lançaient que leurs traditions ne devaient pas être rayées de la carte au prétexte que certains ne comprenaient pas ou n'adhéraient pas à la culture mahoraise.


Pour se défendre, les organisateurs dressaient un comparatif avec les cornemuses qui en Bretagne ne gênaient personne et n'étaient pas interdites. Il en découlait ainsi que les Moulidi devaient être entourés du même respect.
Pourtant, un autre Moulidi devant se dérouler une nuit entière pendant le week-end avait été annulé à la dernière minute, pour éviter que les choses ne s'enveniment encore.

Or, aujourd'hui, le problème n'est en rien réglé et il ne sera pas permis de dire que les communes de l'île se soient penchées sur le sujet pour éviter que la grogne ne revienne sur le devant de la scène.

C'est pourtant ce qui est en train de se produire aujourd'hui à Mamoudzou en plein mois des grands mariages. 3 cérémonies se sont déroulées durant le week-end et bien d'autres encore les jours précédents, avec des festivités qui se sont éternisées jusqu'à tard, très tard dans la nuit.

Dernier exemple en date, celui de Mandzarisoa à Cavani M'Tsapéré samedi.

Dès le matin, des colonnes de bus se sont pressés dans les ruelles étroites du quartier, venant des 4 coins de l'île chargés de membres des familles, de proches, ou bien encore de visiteurs venus voir la mariée pour participer aux frais après avoir pris le temps de profiter comme il se doit de l'événement.

Partages, amitiés, le rendez-vous aura été magnifiquement célébré.
Malheureusement, le mariage s'est tenu sur le haut d'une colline, en plein quartier populaire où la concentration humaine compte parmi les plus importantes de Mayotte. Ce sont ainsi plus de 600 personnes qui se sont pressées dans une minuscule cour pour apercevoir la nouvelle épouse et féliciter le mari à l'issue d'un fantastique Manzaraka.

La tradition mahoraise est fabuleuse, haute en couleurs et elle doit perdurer, pour ne pas sombrer comme à La Réunion pour être sur le point de disparaître.

Mais là encore, plusieurs problèmes se sont posés. Tout d'abord, la configuration des lieux qui n'était absolument pas adaptée pour recevoir tant de monde. La circulation était devenue impossible à Mandzarsoi, et dans la petite cour, seuls deux goulets très étroits faisaient office d'entrée et de sortie. En cas de mouvement de foule ou d'incendie, le drame aurait été à la clef.

Mais encore, toute la journée et jusqu'à 2h30 du matin, la musique a rythmé la journée comme si plus rien ne devait exister à Mamoudzou que cette si importante cérémonie. La musique s'entendait à plus de 2 kilomètres aux alentours…

Bien évidemment et comme à Sada en mars dernier, les plaintes ont fusé d'un peu partout et la police municipale a été contactée afin que celle-ci intervienne et fasse baisser le bouton du volume.
Mais le responsable de la police de Mamoudzou a alors répondu : "désolé, appelez la police nationale, je n'ai pas de patrouille le soir et je ne suis pas à Mamoudzou. Merci !"

Comme si souvent, la bonne volonté n'était pas de mise et il faut bien avouer que bien peu étaient enclins à intervenir sur un mariage qui ne faisait de mal à personne si ce n'est qu'il empêchait un quart de la ville à trouver le sommeil.

Le temps des grands mariages n'est pas encore fini et d'autres cas du genre se présenteront dans la plus grande indifférence.
"Indifférence" ? Pas tout à fait car les mécontents sont aujourd'hui de plus en plus nombreux, notamment la maman du petit Toilhal, 3 ans, souffrant d'une insuffisance cardiaque. Très sensible aux bruits et notamment les bruits sourds des tambours ou des basses, l'enfant n'a pas pu trouver le sommeil pendant près de 36 heures, obligeant ses parents à déserter le quartier au risque de voir le petit tomber en syncope comme cela se produit si souvent. Itou pour Jézabel souffrant d'hypertension qui a dû se réfugier chez une amie pour passer le cap devenu insupportable.

Car si le mariage était traditionnel, les moyens pour l'animer eux ne l'étaient pas. La sono était moderne et surtout surpuissante avec des volumes qui dépassaient l'entendement, le tout, lancés du haut d'une colline, en plein quartier populaire. Les cérémonies traditionnelles, que ce soit les Moulidi ou les mariages, trouvaient parfaitement leur place autrefois dans les communes, dans les quartiers. Mais la hi-fi surpuissante n'était pas de mise. Or aujourd'hui, il semble qu'il n'y ait plus de plaisir sans le hurlement des hauts parleurs. Et ceux qui se plaignent, sont considérés tels les pourfendeurs de la tradition.

En clair, la tradition a évolué, mais dans un sens, celui de son maintien sans songer qu'elle pouvait créer de graves désagréments.
Pour reprendre le cas de la Bretagne et de ses musiques ancestrales, le même dilemme s'était présenté et des solutions avaient été trouvées, là-bas et partout ailleurs en France. Le législateur avait ainsi été saisi et toute manifestation accueillant du public devait répondre à un cahier des charges strictes, tant en matière de sécurité que de nuisances.

Dans cet esprit, les mairies de France et de Navarre ont construit des salles des fêtes, se trouvant en sortie ou aux abords des localités afin de déranger le moins possible les riverains. Qui plus est, un halo de conditions est posé en terme de volumes sonores, du nombre de personnes invitées, etc…C'est désormais dans ces endroits que sont organisés les bals, les mariages, les communions, les baptêmes, etc, etc. Tout le monde s'est plié à la règle sans que les traditions, les religions ou la culture ne soient menacées.
C'est normal, l'impact sur la population doit être le plus minime possible.

A Mayotte, il n'est pas interdit d'organiser un grand mariage ou un Moulidi en plein centre ville, mais il faut alors que les riverains n'aient pas leur vie gâchée.

Et c'est bien ce paramètre qui n'a pas encore été compris sur le département, tant par les organisateurs de cérémonies, que les mairies qui à l'instar de Mamoudzou, n'ont pas créé de lieux susceptibles d'accueillir dignement de telles festivités. Chacun se targue ainsi de faire vivre la tradition lorsque celle-ci à bien regarder, fondée sur le respect et le partage, ne se résume plus qu'à un énorme brouhaha aux antipodes de ce qui se faisait auparavant, sans sono sur vitaminée et sans marées de véhicules qui n'ont pas de places pour se garer empêchant l'arrivée des secours pour les habitants des villages lorsqu'ils sont appelés.
Il s'agit d'une gabegie qui mériterait qu'un dépoussiérage soit assuré par les hôtels de ville dont les premiers magistrats se retrouveront à la barre des tribunaux en cas d'accident, mais aussi pour répondre des nuisances sonores occasionnées.
Il s'agit de la judiciarisation de la société, ou de l'application du droit commun qui ne veut en aucune manière tuer la tradition, mais bel et bien l'encadrer pour lui éviter de disparaître. Car lorsque les maires auront été condamnés à de lourdes peines ou amendes, ils interdiront ces événements sans avoir au préalable proposé de solutions bis. Ainsi, ce n'est pas la loi qui pourrait tuer la culture, mais bel et bien les excès relevés un peu partout et la cécité des élus, ainsi que leur surdité.

Pour mémoire, tapages nocturnes, diurnes, constituent des troubles du voisinage, qu'ils soient réguliers ou non. En ce qui concerne le premier, c'est l'article r. 623-2 du code pénal qui le réprime. Il stipule : les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d'autrui sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 3ème classe. Les personnes coupables des contraventions prévues au présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction. Le fait de faciliter sciemment, par aide ou assistance, la préparation ou la consommation des contraventions prévues au présent article est puni des mêmes peines."

Autre disposition, l'article r.1334-31 du code de la santé publique qui précise : "aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité". La sanction encourue est une peine d'amende de troisième classe.

Mais encore et pour terminer, une étude financée par la région Île-de-France a porté sur trente communes de cette région, exposées à des niveaux variés de bruits. Selon les conclusions d'une études réalisée sur l'impact du bruit l'exposition au bruit est associée à un risque plus élevé d'hypertension artérielle chez les hommes, d'hospitalisation et d'arrêt de travail chez les femmes, à des états anxieux et à une consommation augmentée de médicaments chez les deux sexes. La différence est forte chez les hommes de 40 à 69 ans, concernant la tension artérielle. Au même âge, les femmes prennent environ dix fois plus d'anxiolytiques et d'antidépresseurs lorsque leur logement est proche d'un « point noir ». Des corrélations fortes entre l'exposition au bruit et les troubles de l'appétit et du sommeil apparaissent également.

La problématique est donc épineuse car elle oppose deux camps bien précis : ceux qui accusent les plaignants de ne pas accepter la tradition et les plaignants qui pointent du doigt ceux qui ne respectent pas la loi ou ne la connaisse pas.

Des tensions apparaissent donc dans l'île de plus en plus bruyante, générant ainsi une nouvelle forme de pollution, et à ce petit jeu, l'issue est certaine. La loi sera la plus forte, Mayotte est française et nul ne peut se soustraire aux règles de la République.

Il faudra donc communiquer pour gommer les excès, expliquer, mais aussi créer des lieux de vie où la culture et les traditions pourront s'épanouir ailleurs qu'en plein cœur des quartiers surpeuplés.

Marchés de l'Aïd, de la rentrée scolaire, marchés forains sont eux aussi dans le collimateur de la loi, tout comme les soirées arrosées ou les événements de tous poils qui ne respectent pas les textes et les normes en vigueur. La responsabilité des policiers municipaux est là, tout comme celle des élus et ils apprendront vite désormais à en mesurer les conséquences.

Car les textes sont là pour apporter l'harmonie entre manières de vivre et non pour engendrer un déséquilibre au profit d'une seule tranche de la population. Ce principe est fondateur, il devra donc être assimilé au plus vite. Et les Comité Locaux de prévention de la Sécurité et de la délinquance pourraient alors avoir leur rôle à jouer avec des rappels à la loi assurés par le procureur de la République…

FRANCE MAYOTTE Matin / Samuel Boscher
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