La Déclaration de Malabo adoptée à l’issue de la 23e Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine en Guinée équatori...
La Déclaration de Malabo adoptée à l’issue de la 23e Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine en Guinée équatoriale prévoit que les États membres de l’Union Africaine devront mettre en œuvre un certain nombre de réformes politiques essentielles, visant à éradiquer la faim et à réduire de moitié la pauvreté en Afrique d'ici 2025. Dans cette optique, ils se sont convenus de multiplier notamment par deux la productivité agricole et de réduire de moitié les pertes post-récolte. Pourtant, moins de 10 sur 53 pays africains ont consacré 10% de leur budget à l'agriculture contrairement aux engagements pris en 2003. Aux Comores, les recoupements statistiques notamment de la Banque Centrale des Comores (Bcc) montrent que 80 % de la production agricole est destinée en grande partie à l’auto-consommation. Les principales importations concernent le riz, la viande, la volaille et la farine de blé. L’agriculture couvre près de 90% des recettes des exportations sachant que les produits de rente demeurent les principaux produits d’exportation agricole. Le vote récent de la loi sur la création d'une chambre d'agriculture constitue une avancée importante dans la prise de conscience de la nécessité de développer et de valoriser la production agricole sachant que le secteur agricole aux Comores représentant un peu plus de 45% du Produit Intérieur Brut (PIB) dans l'économie nationale. Dans ces conditions, quelles pistes faudrait-il explorer pour amorcer le développement du secteur agricole et préserver ainsi la sécurité alimentaire?
Un programme incitatif est nécessaire pour accroître la productivité agricole
Avant tout,
la réduction de la dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur
devrait être intégrée dans la politique économique nationale avec un
plan pluriannuel de substitution aux importations
agricoles par des produits nationaux. Un programme national de
stimulation de nouveaux entrepreneurs et exploitants agricoles devrait voir le jour afin d’inciter massivement les investissements dans les secteurs
agricole et de l'agro-alimentaire. Une campagne nationale de promotion
et d'explication des enjeux agricoles et de sécurité alimentaire devrait
succéder à des assises nationales de l'agriculture. Les opérateurs
économiques et agricoles comme les syndicats des agriculteurs y devraient y jouer un rôle de premier plan. Ainsi,
ces assises déboucheraient sur la mise en œuvre d'une politique
nationale permettant de cartographier, remembrer et désenclaver les
exploitations agricoles régionales en fonction de leurs fertilités
agricoles. Un vaste programme de sécurisation des propriétés arables est tout aussi primordial.
La modernisation de l’appareil de production est indispensable
La
modernisation de l’appareil de production passe nécessairement par la
démocratisation du matériel agricole. Les outils de productions devront
être accessibles à aux paysans. Une politique de de vulgarisation de
techniques culturales devrait accompagner ce processus. De même, la
nouvelle politique agricole comorienne se doit de mettre en place les
moyens de conservation de produits, notamment par la construction des
chambres froides. Et,
pour pallier les délestages endémiques que connaît le pays, notre choix
devrait se porter sur les énergies alternatives. L’énergie
photovoltaïque reste une piste sérieuse à privilégier.Parallèlement, la
nouvelle stratégie agricole devrait faciliter la collectivisation des
micro exploitations agricoles afin de faciliter la collecte des produits
agricoles et sécuriser les revenus des paysans. La nouvelle politique agricole devrait
également encourager les coopératives et le regroupement des
agriculteurs par le vote d'une loi qui accorderait des avantages et
facilités fiscaux pour les produits transformés et taxés. Une solution
de financement spécifique avec la mise en place d'un Crédit agricole à
taux réduits et bonifiés avec un fonds de garantie adaptée devrait être
instaurée en faveur des exploitants agricoles réunis en coopératives
agricoles. Cela permettrait également de mutualiser leurs savoir-faire,
leurs expériences et leurs moyens de production. Enfin, la création
d'une centrale d'achat pour des engrais biologiques permettrait de faire
baisser les coûts marginaux et augmenter la productivité agricole.
Lutter efficacement contre l’appauvrissement des sols et les ennemis des cultures est essentiel
Aujourd’hui,
après le tout chimique, l'enrichissement des sols par des débris de
végétaux décomposés comme les orties, et le traitement contre les
ennemis des cultures (insectes et maladies cryptogamiques) par des
produits naturels constituent des pistes sérieuses pour
disposer des produits sans danger pour la consommation et
l’environnement. Ce qui accroîtrait également la productivité agricole à
l'instar de méthodes
de production traditionnelles. Nos paysans devront être formés aux
nouvelles techniques de transformation de débris des végétaux (le
compostage) pour les utiliser sous forme d’engrais naturels et les
traitements biologiques des plantes.
Il conviendrait alors de créer d'une grande ferme d'exploitation et de
démonstration agricole abritant également un centre de formation
agricole. Les objectifs principaux de ce dernier seraient notamment la
formation pour la production des produits vivrières et légumes, la
transformation des débris végétaux en engrais et des plantes (aloe vera,
orties etc.), l'élevage d'insectes auxiliaires (coccinelle) et
l’élevage pédagogique de caprins. L'apprentissage de la maîtrise des
intra-agricoles naturels et la formation dans la maîtrise des techniques
d'irrigation et du système d’arrosage contribueraient à améliorer la
productivité agricole nationale.
Encourager la valorisation et la transformation des produits agricoles restent primordiaux
Il est
souhaitable d'aider à organiser le processus de production et la récolte
de fruits tropicaux (mangue, papaye, corossol, fruits de la passion,
litchis etc) potentiellement transformables en fruits séchés ou en
confiture et pouvant également servir pour donner de la valeur ajoutée
aux produits laitiers comme les yaourts et le lait caillé. Faciliter le
financement des activités du secteur agricole et agro-alimentaire en
créant un fonds de développement agricole serait très utile. Ce dernier
permettrait d'accorder des prêts à taux bonifiés pour les entrepreneurs
du secteur à condition de créer des emplois durables et de valoriser les
produits nationaux tout en contribuant à leur transformation.
A l'exemple
de l'oignon souvent importé de Madagascar, il est recommandé
d'accroître la production en grande quantité de produits vivrières comme
le manioc transformable en produits secs et conditionnés, les bananes
en chips, les tarots congelés, les feuilles de manioc conditionnées et
mises sous vide et les mangues vertes servant de base pour des anchars.
Bien sûr, dans l’immédiat, l'objectif visé serait dans une première
étape d'assurer la sécurité alimentaire et d'envisager d'exporter des
surplus de production dans une seconde étape. Les produits agricoles
nationaux transformés pourraient trouver plusieurs débouchés notamment le
marché de la diaspora comorienne, le marché commun de l'Afrique
orientale et australe (COMESA) et celui de l'Afrique de l'Ouest. De
même, la création de produits comoriens sous le label bio resterait à
promouvoir.
Organiser le marché pour assurer des débouchés stables est essentiel
Bien
entendu, il ne suffit pas de produire. Les agriculteurs doivent être
assurés de pouvoir écouler leurs produits au niveau national et à
l'exportation en cas de surplus. Une garantie de revenus stables pour
les exploitants agricoles peut constituer une piste à explorer. Il
est plus que pertinent de mettre en place un grand central de
distribution sous forme de grand marché national regroupant tous les
producteurs des toutes les îles et des différentes régions. Au niveau de
chaque île, un grand marché similaire permettant la vente de produits
agricoles de gros et demi-gros devrait être mis en place. Et pour que ces marchés soient approvisionnés à temps, des
chambres froides permettant le stockage et la conservation des produits
agricoles conditionnés et mis sous-vide devraient être construites à
proximité de ces marchés.
La hausse de la productivité et celle de la production nationale attendues sont dépendantes de la mise en pratique des mesures préconisées. Elles constitueraient le point catalyseur
de la mise en place d'une politique de sécurité alimentaire soutenable
et créatrice d'emplois durables. Le surplus de production qui en
résulterait, conduirait à la création d'une agence nationale de
promotion des exportations et d'appui à la prospection de nouveaux
marchés, à l'exemple du Sénégal qui a créé une agence de promotion des
exportations (ASEPEX) pour ses produits agricoles. Une Direction
nationale dotée d'un programme de valorisation des produits nationaux,
d'appui aux conditionnements et à la mise aux normes internationales en
matière phytosanitaire devrait appuyer cette nouvelle stratégie
agricole.
Darchari
MIKIDACHE est économiste fiscaliste de formation, inspecteur des
finances publiques et le principal animateur du club de réflexion
« Cercle des Économistes et des Experts Comoriens (CEEC) » en tant que
président.
http://ceec-comores.over-blog.com
KARI Abdou Toihir est technicien supérieur en agriculture, auteur d’un roman intitulé « l’étoile de Halima ».