Que faire après trente-neuf ans d’indépendance aux Comores?

PARTAGER:

« Le souci de la liberté et de l’indépendance ne se conçoit que chez un être qui vit encore d’espoir », a écrit Albert Camus dans   La Mort...

«Le souci de la liberté et de l’indépendance ne se conçoit que chez un être qui vit encore d’espoir», a écrit Albert Camus dans La Mort heureuse (1971). Cette pensée lumineuse d’Albert Camus nous interpelle aujourd’hui, nous autres Comoriens, surtout les acteurs politiques, après trente-neuf ans d’indépendance. L’heure n’est plus au bilan annuel, quand chaque 6-Juillet, nos dirigeants  défilent et pavoisent, le tout pour une indépendance à minima, une indépendance qu’on fête en grande pompe, en oubliant qu’une partie de notre territoire est toujours sous occupation française. Cette dernière a ajouté une partie de notre territoire aux siens au su et vu de tous nos dirigeants, qui s’apprêtent demain à accueillir le chef de l’occupation avec un tapis rouge et un cortège des notables, des femmes et surtout des cadres comoriens. Certes, si Mayotte est devenue un département français, ce n’est pas la faute de François Hollande, ni celle du peuple français mais, d’abord, celle des hommes et des femmes politiques des Comores. Une remarque a été faite par un homme de lettres français en parlant de son pays et de son peuple, et les Comoriens doivent y méditer: «L’honneur de la nation française, à travers ses distractions  et ses faiblesses, est d’avoir toujours gardé irréductibles l’idée de son indépendance et les sentiments de ses devoirs». Cet homme de lettres est Jacques Bainville (1879-1936), qui était également journaliste et historien.
    
Il est inacceptable de célébrer une indépendance à minima, une indépendance inachevée, à un moment où tous nos efforts quotidiens enrichissent notre ancien colonisateur, car nous utilisons sa monnaie, le franc CFA, ancien franc des colonies. Les efforts consentis par les Comoriens aux Comores sont associés aux efforts de notre diaspora, soit 57 milliards de francs comoriens en 2013, selon certaines sources. Or, ces apports n’arrivent guère à favoriser le développement de notre pays à cause de l’absence de volonté de certains hommes politiques d’assurer la pleine et entière souveraineté des Comores, en battant une monnaie qui serait propre aux Comores. Ce refus d’indépendance monétaire et financière vis-à-vis de l’ancien colonisateur peut s’expliquer par l’habitude à la facilité et la peur de lendemain.
    
Après trente-neuf ans d’indépendance  et le constat de la misère, de la décadence et de la pauvreté qui frappent notre pays, il est temps d’opter pour une alternative aux politiques actuelles. Nous pouvons opter pour une autre voie, celle de la responsabilité, celle du refus de tendre la main, de courber l’échine et de l’humiliation du peuple comorien. C’est une voie salutaire que tous nos voisins ont choisie. Or, aujourd’hui, ils connaissent un développement économique que chacun d’entre nous contemple. Cette alternative consiste à dire la vérité aux Comoriens, qu’ils ne peuvent pas attendre des miracles de l’étranger. L’unique miracle qu’ils doivent espérer viendra d’eux-mêmes. Aucune aide ne peut faire sortir les Comores de la pauvreté. Il n’y a que le travail encore le travail qui peut nous faire sortir de la mendicité et de la misère.
       
Le problème de notre développement économique se pose. La politique économique d’hier et d’aujourd’hui ne peut jamais favoriser le développement. C’est une politique économique amputé de moyens d’actions, que j’appelle «l’accélérateur et le frein». Or, on ne peut conduire une voiture, en tenant uniquement le volant et laisser le frein et l’accélérateur à une tierce personne. Quand on parle de politique économique, on se réfère à la politique budgétaire et à la politique monétaire. La France nous a amputés de la politique monétaire, la base fondamentale pour mener la lutte contre le chômage et pour favoriser le plein-emploi et la croissance. Or, nous savons tous que la politique budgétaire est liée à la politique monétaire, l’une ne peut aller sans l’autre. Il nous faut un État qui investisse dans le tourisme, en construisant des infrastructures hôtelières, un État qui crée des emplois en favorisant la création des petites et moyennes entreprises. L’option de l’indépendance monétaire nous permet de maîtriser notre politique monétaire afin de relancer la production locale (développer la riziculture déjà embryonnaire à Mohéli), qui constitue 10% des importations des Comores. L’indépendance financière et monétaire nous permettra de maîtriser les flux de devises qui entrent aux Comores. Elle nous permettra aussi de valoriser la manne financière de la diaspora, qui ne profite aujourd’hui qu’à la France et aux États étrangers.
    
C’est à cause de la dépendance monétaire que depuis trente-neuf ans d’indépendance, les Comores n’ont ni banque commerciale, ni banque de développement, ni Banque centrale au sens classique du terme. À Moroni, il y a une Banque qui se nomme pompeusement «Banque centrale», mais au fond, c’est une agence de la Banque de France et du Trésor public français. Elle n’a de comorienne que de nom et des statuts en papiers remplis aux archives. Or, il nous faut une Banque centrale proprement comorienne, une Banque centrale qui mènera notre politique monétaire et dont les objectifs ne se limiteront pas uniquement à la lutte contre l’inflation ou à la maîtrise des prix. Cette Banque centrale réellement comorienne doit aussi et surtout relancer la croissance.
    
Comment peut-on continuer à rêver au développement sans s’en donner les moyens? Si les dirigeants français demandent une autre politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) pour favoriser le plein-emploi et la croissance, nous, nous en avons plus besoin qu’eux. Aucun pays au monde n’a connu un développement sans la maîtrise de la politique monétaire. On ne fera jamais l’exception. Il nous faut des banques qui vont emprunter à des taux raisonnables à nos entrepreneurs, à nos artisans, à nos pêcheurs et à nos agriculteurs. Ce sont des actions qui ne peuvent être réalisés par la mendicité ou par des aides à la petite semaine. L’indépendance s’assume avec beaucoup de courage et de visibilité, en affrontant les épreuves. Comme disait le Général De Gaulle, «surmonter les épreuves nous donne les meilleures raisons d’être confiants en nous-mêmes» (Extrait de l’allocution du Général De Gaulle en date du 31 décembre 1968).
      
Nous devons relever de nouveaux défis: changer le rôle de l’État et diminuer la dépense publique. Le peuple comorien mérite qu’on s’occupe de lui. Depuis l’indépendance des Comores, le 6 juillet 1975, il est l’oublié de l’État .On ne peut pas continuer à avoir un État aux services des fonctionnaires et de se dirigeants politiques. On ne peut pas continuer à consacrer 76% de nos recettes pour payer des fonctionnaires. Le Parti Comores Alternatives (PCA) veut changer l’orientation de l’administration publique comorienne dès la prochaine élection législative, qui doit avoir lieu le 1er et 16 novembre 2014 sauf si, par un coup de tête, les autorités n’en décident pas autrement.
       
Nous devons changer les institutions de l’Union des Comores. Pour le développement économique et social des Comores, nous devons réduire les conflits de compétences entre les institutions et augmenter la rentabilité de chaque institution de l’Union des Comores. Le Parti Comores Alternatives (PCA) prône la suppression des postes de trois Vice-présidents afin de les remplacer par un Premier ministre issu de la majorité parlementaire. Nous prônons également la suppression des fonctions des Commissaires au sein des îles, car ils créent souvent des conflits de compétences et du gaspillage des ressources humaines et financières.
       
Avoir un découpage électoral équitable est également une nécessité. Le gouvernement comorien se prépare à organiser des élections législatives au mois de novembre prochain. Nous demandons, au chef de l’État, le Docteur Ikililou Dhoinine, de revoir le découpage électoral car l’élection des députés de l’Union des Comores pose problème. Le découpage actuel est inique et a été fait pour dépouiller la Grande-Comore, plus peuplée que les autres îles réunies, de ses droits légitimes. On ne peut pas concevoir que le Bambao-Centre, avec 51.000 électeurs, se limite à un seul Député, tout comme la région Dimani-Oichili et la région Boudé-Mitsamiouli avec 48.000 électeurs, alors que l’île de Mohéli, avec 21.000 électeurs, dispose de 7 députés. La Grande Comore ne peut pas être le cabri du village, que chacun peut s’approprier et vendre à bon marché. Ce sont des exemples que j’ai pris au hasard. Mais, il y a des députés à 4.000 électeurs à Anjouan, et pourquoi pas à la Grande-Comore? Nous demandons vivement au chef de l’État, le Docteur Ikililou Dhoinine, de mettre fin à cette injustice avant les élections législatives prochaines.
       
La nécessité de sauver notre Justice et construire s’impose. En effet,le pilier d’un État de Droit est la Justice. La situation de notre Justice est déplorable et déshonore notre jeune nation. Le gouvernement actuel doit prendre le problème de notre justice au sérieux avant que cela ne soit pas trop tard. On ne met pas des gens en prison pendant plusieurs mois, voire des années, sous prétexte de coup d’État ou pour d’autres raisons non valables sans jugement. Ce ne sont pas des zébus qu’on engraisse pour égorger un jour. On ne peut pas arrêter quelqu’un pour des actes avérés et le libérer sans jugement. Ce sont des comportements qui favorisent le mépris de l’État et dégradent son image ainsi que celle de ceux qui le dirigent. Nous préconisons la décentralisation des tribunaux et des maisons d’arrêt. On ne peut concevoir qu’on garde le même tribunal et la même maison d’arrêt depuis notre indépendance jusqu’aujourd’hui. Vouloir diriger un pays ne consiste pas uniquement à gérer les affaires courantes mais et surtout à améliorer le bien-être de la population y compris la population carcérale.
    
Nous souhaitons une bonne fête de l’indépendance à toute la population comorienne et que Dieu bénisse nos aînés en politique. Que Dieu bénisse les Comores et les Comoriens.

Par Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed
Président du Parti Comores Alternatives
Candidat aux élections présidentielles de 2016
© www.lemohelien.com – Mardi 8 juillet 2014.
Nom

A la Une,307,Abdillah Saandi Kemba,92,Abdou Ada Musbahou,90,Abdou Elwahab Msa Bacar,66,Abdoul Anziz Said Attoumane,15,Abdoulatuf Bacar,117,Abdourahamane Cheikh Ali,114,Aboubacar Ben SAID SALIM,43,Actualité Sportive,2223,Adinani Toahert Ahamada,42,Afrique,1642,Ahmadou Mze,90,Akram Said Mohamed,67,Ali Mmadi,204,Ali Moindjié,81,Anli Yachourtu,123,Assaf Mohamed Sahali,32,Ben Ali Combo,418,Biographie,1,Chacha Mohamed,47,COMMUNIQUE (APO),57,Comores - diaspora,1270,Comores Développement,88,ComoresDroit,425,COMORESplus,56,Comoropreneuriat,18,Cookies,1,Culture et Société,9122,Daoud Halifa,233,Darchari MIKIDACHE,197,Dhoul-karnayne Abdouroihamane,12,Dhoulkarnaine Youssouf,192,Dini NASSUR,151,Djounaid Djoubeir,85,Economie et Finance,1697,Élections 2016,370,Élections 2019,158,Elections 2020,33,Est africain - Océan Indien,3316,EVENEMENTS,52,Farid Mnebhi,341,France,1640,Hadji Anouar,23,Hamadi Abdou,450,High Tech,831,Ibrahim Abdou Said,11,Idriss Mohamed Chanfi,483,IMAM Abdillah,18,Infos légales,1,Irchad Abdallah,25,Journal Officiel,292,Kamal Abdallah,150,Législatives 2025,7,Lettre de Motivation,158,M. Soidrouddyne Hassane,108,Mahafidh Eddine,13,Mayotte,2663,MBAE Ahmed Chabdine,11,Mohamed Abdou Hassani,460,Mohamed IBRAHIM MIHIDJAY,104,Mohamed Inoussa,34,Mohamed Soighir,28,Monde,1634,Moudjahidi Abdoulbastoi,32,Nakib Ali Mhoumadi,16,Nakidine Hassane,501,Nassuf Ahmed Abdou,24,Nassurdine Ali Mhoumadi,67,Offres d'emploi,212,Omar Ibn Abdillah,16,Pages,8,Paul-Charles DELAPEYRE,29,People,424,PERSONNALITÉS COMORIENNES,141,PHILIPPE DIVAY,82,Politique Nationale,6252,Publication Article,1,Rafik Adili,52,SAID HALIFA,22,Said HILALI,101,Said Yassine S.A,177,Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed,48,Salwa Mag,132,Santé et bien-être,818,SOILIHI Ahamada Mlatamou,53,Toufé Maecha,448,Toyb Ahmed,239,Transport Aérien,1203,Tribune libre,4848,TV DIRECT,3,Youssouf Ben,68,
ltr
item
HabarizaComores.com | Toute l'actualité des Comores: Que faire après trente-neuf ans d’indépendance aux Comores?
Que faire après trente-neuf ans d’indépendance aux Comores?
https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiG4QtNkGlcZNQIy71Lx_n_NJTXE2pDv094SGOUpt-wbq6_HFlDRa0oD7TTCkNo19L0ApWCYCqLHzzHxjljH34iGGM2qx7zF_W-N7SsYa0QSNbbEKRaBCC_PvzzE4B6TadZuRd4JfrZuKBn/s1600/4d889cb3d2f6efee1f264e951fd91278.jpeg
https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiG4QtNkGlcZNQIy71Lx_n_NJTXE2pDv094SGOUpt-wbq6_HFlDRa0oD7TTCkNo19L0ApWCYCqLHzzHxjljH34iGGM2qx7zF_W-N7SsYa0QSNbbEKRaBCC_PvzzE4B6TadZuRd4JfrZuKBn/s72-c/4d889cb3d2f6efee1f264e951fd91278.jpeg
HabarizaComores.com | Toute l'actualité des Comores
https://www.habarizacomores.com/2014/07/que-faire-apres-trente-neuf-ans.html
https://www.habarizacomores.com/
https://www.habarizacomores.com/
https://www.habarizacomores.com/2014/07/que-faire-apres-trente-neuf-ans.html
true
8268768984551920237
UTF-8
Chargé tous les articles Aucun article trouvé VOIR TOUT Lire la suite Répondre Annuler la réponse Supprimer Par Accueil PAGES ARTICLES Voir tout RECOMMANDÉ POUR VOUS CATÉGORIE ARCHIVE RECHERCHER TOUS LES ARTICLES Aucun article trouvé avec votre recherche Retour à l'Accueil Dimanche Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dim Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre Jan Fév Mar Avr Mai Jun Jul Aoû Sep Oct Nov Déc juste maintenant il y a 1 minute $$1$$ minutes ago Il ya 1 heure $$1$$ hours ago Hier $$1$$ days ago $$1$$ weeks ago il y a plus de 5 semaines Followers Follow CE CONTENU PREMIUM EST VERROUILLÉ ÉTAPE 1: Partager sur un réseau social ÉTAPE 2: Cliquez sur le lien sur votre réseau social Copier tout le code Sélectionner tout le code Tous les codes ont été copiés dans votre presse-papiers Impossible de copier les codes / textes, appuyez sur les touches [CTRL] + [C] (ou CMD + C avec Mac) pour les copier. Table des matières