À Mayotte, des militaires qui tentaient de contenir les manifestations de 2011 contre la "vie chère" avaient été poursuivis pour v...
À Mayotte, des militaires qui tentaient de contenir les manifestations de 2011 contre la "vie chère" avaient été poursuivis pour violences sur mineur.
Dispensé de peine. Boris Robert, jugé devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou pour avoir giflé un enfant de 8 ans et lui avoir attaché les poignets avec du serflex, n'ira finalement pas en prison. Au terme de trois ans d'une "instruction complètement à charge", selon son avocat Laurent-Franck Lienard, le tribunal a condamné le gendarme à verser 500 euros de dommages et intérêts à sa jeune victime. Deux autres gendarmes, L.T. et S.B., poursuivis pour "abstention volontaire d'empêcher un crime ou un délit contre l'intégrité d'une personne", ont, eux, été entièrement relaxés.
Durant quarante-cinq jours à l'automne 2011, Mayotte est secouée par de violentes manifestations. Les habitants, qui n'arrivent plus à vivre, entament un rapport de force avec les grandes enseignes commerciales pour obtenir une baisse de prix des produits de première nécessité. Partout sur l'île, des violences éclatent, des barrages sont montés à même les routes, des feux de poubelle s'allument ici et là (voir photos). Des policiers et des gendarmes sont envoyés, parfois pour libérer un axe routier, tantôt pour protéger un site dit sensible.
C'est dans ce contexte que le peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) arrive au port de Longoni le 7 octobre 2011, avec pour mission d'assurer l'acheminement des ravitaillements sur l'île, et pour empêcher la progression de plusieurs bandes de jeunes vers la zone portuaire. L'ambiance est extrêmement tendue. Les forces de l'ordre interviennent sous les jets de pierres et de projectiles. Et lorgnent sur des enfants d'une dizaine d'années qui, juchés en haut d'une falaise, agitent des bouteilles qui ressemblent fortement à des cocktails Molotov.
Des gendarmes lancent alors des bombes lacrymogènes en direction d'un barrage et se mettent en position de tirs. Les enfants détalent. Les gendarmes Boris Robert,S.B. et L.T. mettent la main sur Zaki, un enfant de 8 ans. Boris Robert le gifle, lui attache les poignets avec du serflex, et l'installe à l'arrière du véhicule. Les raisons divergent : les militaires disent avoir voulu le calmer, l'intimider ou lui faire peur pour qu'il donne des noms. Puis Boris Robert affirme ensuite devant le tribunal l'avoir entravé pour qu'il ne touche pas aux grenades stockées dans la voiture. Lorsqu'il relâchera l'enfant, le gendarme lui laissera d'ailleurs un lien au poignet pour qu'il s'en souvienne et ne recommence pas. Drôle de leçon.
Un feu est provoqué au milieu de la chaussée en octobre 2011, en marge des manifestations contre la vie chère © Le Point.fr
En octobre 2013, le juge d'instruction Marc Boehrer décide finalement de renvoyer les gendarmes devant le tribunal correctionnel. L'un a giflé un enfant "sans justification admissible", explique-t-il. Les autres ont "nécessairement vu que l'enfant était attaché" et ont pourtant "laissé perdurer la situation" alors qu'ils pouvaient y mettre fin. "Un délit ubuesque", peste Me Nougier. "Ça n'aurait jamais dû venir à l'audience", s'emporte Me Liénard. Et les avocats de dépeindre, depuis l'affaire Roukia (évoquée ici par Le Point.fr), l'extrême défiance qui existe entre les juges d'instruction et les gendarmes de Mayotte.
"C'était une décision nécessaire. Mes clients n'ont jamais voulu que les gendarmes aient des problèmes avec leur carrière, assure pour sa part Yanis Souhaili, conseil des parents du petit Zaki. Les violences des policiers sont pour moi incontestables. Mais quand on regarde le contexte dans lequel est intervenue cette gifle, j'ai trouvé la décision juste."
Au regard de "la situation d'émeute au cours de laquelle les membres des forces de l'ordre ont été l'objet d'actes caractérisés de violence", le tribunal de Mamoudzou a finalement dispensé de peine l'auteur de la gifle et relaxé les autres gendarmes. Pour Me Nougier, c'est déjà trop tard : "Après cette affaire, mon client se sentait honteux. Il a demandé sa mutation en métropole, a divorcé de sa femme et perdu sa famille. On a sacrifié des gendarmes sur l'autel de la paix sociale."
Au final, ne subsiste de cette instruction que le procès de Boris Roumiantseff. Accusé de "violence aggravée", le gendarme avait tiré au flashball sur un enfant et lui avait - involontairement - crevé l'oeil, entraînant une infirmité permanente. Le gendarme avait commis ce geste, après sommation, affirmant que l'enfant s'apprêtait à lancer une pierre dans le dos d'un gendarme. Très gravement blessé, Nassuir, 9 ans, perdra son oeil droit et ne recouvrera jamais la vue.
Le procès du gendarme aura lieu aux assises en novembre. Déjà, son avocat prévient : "Mon client a agi dans le cadre légal, avec une arme non létale (le flashball, NDLR) dont l'impact équivaut à un coup de poing donné par un boxeur." Il plaidera l'acquittement.
Par Marc Leplongeon / lepoint.fr
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