Un Français originaire de Grande-Comore, Mohéli ou Anjouan, Préfet à Mayotte? Maître Ibrahim Ali Mzimba a trouvé un nouveau sujet de fie...
Un Français originaire de Grande-Comore, Mohéli ou Anjouan, Préfet à Mayotte?
Maître Ibrahim Ali Mzimba a trouvé un nouveau sujet de fierté nationale et d’espoir pour les Comores. Il en parle et reparle à tous ses visiteurs du soir, avec beaucoup d’enthousiasme, fougue et ferveur: la symbolique que constitue la présence de 5 jeunes Mahorais au sein des Cœlacanthes, l’équipe nationale de football des Comores. Pour exprimer sa joie face à cette symbolique de haute teneur patriotique, il a retrouvé le chemin des stades et terrains de football. Pour autant, le nouvel engouement de l’homme de Dembeni, dans le Hambou, n’est pas que footballistique, tant s’en faut; il est essentiellement patriotique et donc politique. Il exprime un soulagement, à un moment où les relations entre Comoriens selon leurs origines insulaires sont marquées, au mieux, par le mépris et l’indifférence, et au pire par la détestation, la suffisance et la morgue, voire la défiance, l’intolérance et le racisme insulaire. Pour tout dire, l’intolérance communautaire tue les relations entre Comoriens. Par moment et sur certains aspects, ces relations sont cauchemardesques. Ceci est d’autant plus vrai qu’on découvre avec stupéfaction le trait commun existant entre les Mahorais et les Kurdes de Turquie! C’est un étrange trait commun qui se résume par une dénégation énergique, indignée et effarouchée: «Non! Je ne suis pas Turc, mais Kurde!», «Non! Je ne suis pas Comorien, mais Mahorais». Pour leur part, certains Grands-Comoriens se singulariseront en ramenant toutes les Comores à la seule Grande-Comore et tous les Comoriens aux seuls Grands-Comoriens.
Autrement dit, il y a un malaise dans les relations entre Comoriens. Une preuve? La voici. Aujourd’hui, on nous annonce que le Guadeloupéen Robby Judes, d’origine antillaise donc, est nommé Ambassadeur de France aux Comores, en remplacement de Philippe Lacoste. Dès lors, une question relevant de la provocation pourrait se poser: et si au lieu d’un Antillais, la France avait demandé l’agrément d’Ambassadeur à Moroni pour un Mahorais? Est-ce que les Comores refuseraient la demande d’agrément, en prenant le risque de contrarier leur principal partenaire? N’a-t-on pas entendu des autorités comoriennes et les «bons vrais Comoriens» proclamer doctement et magistralement que quand le Président français François Hollande arrivera aux Comores le 26 juillet 2014 pour la conférence de la Commission de l’océan Indien, il pourra inclure dans sa délégation des Français de toutes les origines possibles et imaginables, y compris une Franco-Comorienne élue de La Courneuve, en région parisienne, mais pas de Mahorais? Pourquoi donc? L’élue franco-comorienne de La Courneuve serait-elle donc plus Comorienne que l’élu de Pamandzi ou de Sada? Il faudra qu’on nous l’explique.
En même temps, et si la France décidait de nommer Préfet à Mayotte un Français d’origine grande-comorienne, mohélienne ou anjouanaise? Les Mahorais n’auraient jamais accepté ce qu’ils auraient qualifié de «goujaterie de mauvais goût». Or, les Mahorais avaient élu l’Antillais de Martinique qu’est Henry Jean-Baptiste Député de Mayotte, mais n’auraient jamais accepté un Franco-Comorien originaire de la partie indépendante de l’Archipel pour les représenter à l’Assemblée nationale française, à Paris. Avant Henry Jean-Baptiste, les Mahorais avaient élu Député un autre non-Mahorais, en la personne de Jean-François Hory, né en 1949 à Neufchâteau (Vosges), en France métropolitaine. Lors de la période coloniale, Mohéli et la Grande-Comore élisaient des Députés d’origine métropolitaine, mais aucune île de l’Archipel des Comores n’aurait accepté d’élire un Comorien originaire d’une autre île.
Aujourd’hui, nous devons nous poser une question relative à la marginalisation politique des Comoriens d’origine indienne et pakistanaise. En son temps, et donc sous l’autonomie interne, Saïd Mohamed Cheikh, Président du Conseil de Gouvernement, les associait à la vie politique du pays. Il les consultait très souvent. Mais, depuis la disparition de Saïd Mohamed Cheikh, les Comoriens d’origine pakistanaise et indienne par leurs ancêtres depuis le XIXème siècle se limitent à la sphère industrielle et commerciale, comme pour obéir à des règles non écrites fixant une sorte de division nationale du travail les éloignant de la politique. Or, ces Comoriens sont des Comoriens comme tous les autres Comoriens: ils ont étudié aux Comores avec les autres Comoriens de leur âge, dans les mêmes écoles, ont joué au football avec les garçons de leur âge, ont joué dans les ruelles de la médina de Moroni et Mutsamudu avec les garçons de leur âge. Tout ceci signifie que les Comores ne s’assument pas. Les Comores refusent de se regarder en face, de se parler, de reconnaître qu’elles n’assument pas leur enrichissante diversité, alors que certains d’entre nous avons des origines kényanes, tanzaniennes, arabes, chiraziennes, malgaches et autres, qui ne posent aucun problème d’intégration sur le plan politique. Forcément donc, nous ne nous disons pas la vérité.
Un autre phénomène plus pernicieux a également fait apparition, face à la montée en puissance des «campagnards», qui réalisent une ascension socioprofessionnelle qui agace les cadres citadins. Pour preuve, aujourd’hui, il y a plus de magistrats venus de la «campagne» que de Moroni, Mutsamudu et Fomboni. En matière politique, l’ascension des «campagnards» est également très visible, et en dehors de la percée électorale d’Ahmed Sambi (originaire de Mutsamudu) en 2006, les grandes villes comoriennes sont tombées dans la banalisation politique et socioprofessionnelle: aucun des trois Gouverneurs des îles n’est originaire de la principale ville de son île. Les chefs-lieux des îles n’ont pas su assurer une relève générationnelle pour assurer la relève des anciens barons des principales villes. Qui sont les héritiers politiques d’Ali Mroudjaé, Mouzaoir Abdallah, Abbas Djoussouf, Ahmed Abdou, Boudra Halidi, Ahmed Mattoir ou Haribou Chebane?
En même temps, il sera plus facile de dénoncer les mauvais garçons de la République nés à la «campagne», et impensable de s’attaquer aux baronnies étatiques et «héritiers» de Moroni en charge de la destruction d’entreprises publiques. Ce cadre de Mitsoudjé, Grande-Comore, va plus loin: «Dans le monde judiciaire comorien d’aujourd’hui, la star des stars reste incontestablement le Procureur général Soilihi Mahmoud, que même toi ARM critiques souvent. Mais, en réalité, si toi tu raisonnes sur le plan de l’éthique professionnelle et de la déontologie, les autres Comoriens le font uniquement parce que Soilihi Mahmoud est de Fomboni, à Mohéli, et non de Moroni, alors que la capitale des Comores n’a pas formé de magistrats en nombre correspondant à son importance démographique». À Mohéli, on dirait simplement: «Nous ne sommes pas guéris», et on croirait que tout est fait pour donner tort à feu Alexandre Legrand qui, quand il était Député de Mohéli, avait dit que pour tirer Mohéli de son sous-développement endémique, il fallait gouverner avec le slogan: «Moili, Vona!», «Mohéli, guéris!».
Par ARM