Le pays n’exploite pas ses nombreuses richesses et n’a pas su tirer les leçons des modèles sociopolitiques expérimentés par nos voisins de ...
Le pays n’exploite pas ses nombreuses richesses et n’a pas su tirer les leçons des modèles sociopolitiques expérimentés par nos voisins de l’océan Indien. C’est une vérité que de dire que les Comores sont un pays riche, tant elles regorgent de ressources naturelles. Même si celles-ci ne sont pas inépuisables. Les Comores sont encore riches de leurs terres, en grande partie cultivables, et de leurs ressources humaines. Et pourtant, elles peinent à se développer – c’est le moins que l’on puisse dire. Au lieu de tirer leçon des succès et des échecs des modèles de développement qui ont été expérimentés par nos frères de l’océan Indien, elles continuent à s’engluer dans des politiques stériles. Plusieurs facteurs essentiels sont la cause de cette situation mais, je ne vais citer que quelques-uns.
La faillite des politiques
Depuis la fin de la colonisation, le 6 juillet 1975, le pays a été dirigé par une élite sans vision politique à court, moyen ou long termes. Cette élite, qui s’est substituée aux anciens colonisateurs, a été incapable d’ambitions et s’est davantage préoccupée d’elle-même que du peuple dont elle prétend défendre les intérêts. Résultat: le système colonial a été purement et simplement perpétué sous une autre forme dans les domaines politique, économique et culturel au fil des années. À cela, il faut ajouter l’insécurité de l’environnement économique qui ne favorise pas les investissements, mais il y a aussi le règne du secteur informel.
L’indépendance est donc devenue une véritable dépendance vis-à-vis de la puissance étrangère, en particulier de l’ancienne puissance coloniale. Faute de réflexions endogènes ou prospectives et de volonté politique en vue d’amorcer un changement par une synergie d’actions, les politiques actuelles sont une navigation à vue. L’État est géré à la petite semaine par les dirigeants, juste le temps d’accomplir les hautes charges qui sont les leurs, mais dans leurs intérêts personnels et familiaux.
Le marché de consommateurs
Les Comores font parmi des pays à meilleur marché de consommation. C’est ce qu’on appelle, avec un certain humour, parmi d’autres pays africains les «receveurs universels». Comment peut-on se développer quand tout ce qu’on consomme qui vient de l’extérieur sans distinction et qu’on ne produit rien, ou pas grand-chose? Le comble, c’est que beaucoup des Comoriens ont le complexe suranné de la préférence étrangère, même quand ce qui est produit localement est de bien meilleure qualité que ce qui est importé. L’extraversion est non seulement un phénomène économique, mais aussi culturel. Et cette tendance doit être inversée par la création et la recherche de qualité, afin que les produits comoriens puissent être concurrentiels à l’échelle régionale. Les Comores ne doivent pas être uniquement un marché de consommateurs; bien au contraire, elles ont tout intérêt à se lancer dans la production tous azimuts. En effet, les Comores doivent encore prouver, comme qui dirait, qu’elles ne savent pas jouer que de la guitare.
La négligence de l’agriculture
L’agriculture a toujours été reléguée au dernier rang des activités humaines au Comores. Le paysan est considéré comme un citoyen de seconde zone. C’est le moins que rien. La plupart des Comoriens veulent être des commis de l’État. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, toute la population des Iles des Comores fait de l’agriculture la base du développement. Mais, ils ne font rien pourtant pour développer cette agriculture. Et ce n’est qu’un euphémisme.
Il faut bien le dire, ces dernières années, les Comores n’ont remplacé leur agriculture que par le béton. Rien de plus. Ce n’est pas avec le grattoir et d’autres instruments archaïques que les Comores peuvent se rendre autosuffisantes sur le plan alimentaire avant de parler de développer leur agriculture à des fins de commercialisation ou de transformation. Comme les résultats d’investissements dans ce secteur ne s’obtiennent qu’à moyen ou long terme, cela intéresse peu les investisseurs étrangers et l’Etat elle-même. Pourtant, cela concerne la presque totalité de la population du pays. Avec une démographie galopante et un dérèglement climatique qui s’accentue d’année en année, les moyens agricoles traditionnels ne pouvant plus nourrir des bouches de plus en plus nombreuses bouches aux Comores.
L’inadéquation du système éducatif
Presque quarante ans après l’indépendance des Comores, le système éducatif ne s’est toujours pas adapté aux réalités du monde actuel et à l’évolution de la société. L’enseignement élémentaire reste encore un luxe pour la majorité, cela étant dû à la monté sans contrôle des établissements fantômes privés. Et l’enseignement supérieur ne forme en grande partie que des diplômés sans emploi, incapables d’entreprendre ou de s’insérer dans la vie active dès qu’ils finissent leur formation. Malheureusement, dans un tel contexte, l’enseignement technique et professionnel, qui devrait être privilégié, demeure le parent pauvre du système éducatif comorien. C’est une des questions essentielles du développement des Comores, une question à laquelle il convient absolument d’apporter une solution adéquate.
L’instabilité sociopolitique
On peut compter sur les doigts d’une seule main les mois où les Comores peuvent se targuer d’avoir connu une longue stabilité sociopolitique. Or, celle-ci est une condition sine qua non du développement. Les Comores souffrent de la faiblesse de leur organisation sociale et politique, tant et si bien que la conjugaison de l’instabilité institutionnelle et des appétits voraces de pouvoir que suscitent les richesses ne sont pas pour les prémunir de crises politiques plus ou moins graves. L’une des raisons de cette instabilité chronique et récurrente est la difficulté à s’approprier les principes de la démocratie. Qu’ils accèdent au pouvoir, par un coup d’État, «succession dynastique» ou au mieux par des élections passablement démocratiques, les chefs d’État comoriens finissent par succomber à la tentation de la dictature, à cause de l’absence d’une Armée républicaine, de la corruption, de l’analphabétisme d’une grande partie du peuple, du clientélisme et du culte de la personnalité. Toutes ces choses engendrent des conflits sociopolitiques. De manière inconsciente ou non, le peuple comorien est lui-même une usine à dictateurs.
La corruption
La corruption est un véritable fléau en Afrique, mais aux Comores, elle touche particulièrement les «élites». En l’absence d’initiatives individuelles ou collectives de production de richesses, l’État reste la seule vache à lait. La politique est ainsi le plus grand pourvoyeur d’emplois et le seul moyen de s’enrichir de façon licite ou illicite, sans travailler. Cet état de fait inhibe toute initiative et transforme certains agents de l’État, mais surtout ceux qui sont au pouvoir ou proches, en de véritables sangsues. Les économies en sont du coup gangrénées. Si l’argent qui part en fumée par la corruption était effectivement investi en faveur des populations, les Comores auraient fait un grand bond en avant sur la voie du développement. Mais, qui refuse de gagner de l’argent sans travailler? Ils ne sont pas légion, ces agents de l’État et hommes politiques vivant de la corruption. Dès lors, les non corrompus constituent une espèce humaine en voie de disparition.
La bonne gouvernance n’est pas le fort des dirigeants des Comores. Bien au contraire, c’est la gabegie qui leur permet de rester au pouvoir, en organisant des élections truquées d’avance, par l’achat de consciences non seulement des électeurs en majorité analphabètes, mais aussi de ceux qui organisent les élections. Quand ils ne sont pas purement et simplement des dignes représentants de groupements économiques et politiques étrangers qui font feu de tout bois à cet effet.
Mohamed Bacar
Bangoma, Mohéli