Un nouvel incident raciste a marqué dimanche le football espagnol, le milieu sénégalais de Levante Pape Diop dénonçant des cris de singe de la part de supporteurs de l'Atletico Madrid, une semaine après le jet d'une banane sur le Brésilien Dani Alves.


Le milieu sénégalais du Levante, Pape Diop (gauche), opposé à l'attaquant de l'Athletic Club de Bilbao, Iker Muniain, le 7 avril 2014. (Photo Jose Jordan. AFP)

Et alors que le défenseur barcelonais avait réagi avec humour en croquant le fruit avant de reprendre le jeu sur la pelouse de Villarreal, Diop a lui esquissé quelques pas de danse. Mais dans les deux cas, il reste une grande amertume chez les joueurs.
«Cela m'a beaucoup affecté, a réagi Diop après la rencontre. J'allais tirer un corner et une partie des supporteurs de l'Atletico a commencé à pousser des cris de singe. Pour désamorcer l'affaire, je me suis mis à danser, mais je n'ai insulté personne.» «Il me semble que c'est un manque de respect qui se produit sur tous les terrains, c'est une provocation. Je ne sais pas si on peut qualifier ça de racisme mais il faut que les cris de singe s'arrêtent.»
Une semaine plus tôt, Dani Alves avait confié: «Cela fait onze ans que je suis en Espagne et depuis onze ans c'est pareil.» Bien loin de la vague d'indignation mondiale suscitée par l'incident visant le joueur brésilien, l'épisode Diop a peu fait réagir la presse espagnole lundi.
«La petite danse de Diop, destinée aux supporteurs de l'Atletico, était en trop», écrit El Mundo Deportivo, admettant toutefois que «les présumés cris racistes aussi... comme n'importe quelle autre insulte». Les images de l'incident montrent plusieurs supporteurs faisant des gestes de singe face au milieu de terrain.
Selon Marca, après le match, une délégation de joueurs de l'Atletico est venue dans les vestiaires s'excuser auprès du milieu sénégalais. Dans un premier temps, le geste de Diop, alors que l'«Atleti» a perdu 2-0 et brûlé un joker dans la course au titre, a en effet été perçu comme une provocation par certains joueurs madrilènes et le match s'est achevé par un début de bousculade.

«UN VOLCAN ENDORMI» 

La discrétion lundi de la presse fait écho aux déclarations, la semaine dernière, de plusieurs représentants du foot espagnol, qui ont semblé minimiser la gravité de l'épisode Alves. «Je veux croire qu'il s'agit de faits isolés», a affirmé le sélectionneur de l'équipe nationale, Vicente del Bosque.«Dans le football il n'y a pas de racisme, pas du tout».
«On ne peut pas accuser notre public d'être raciste», s'est aussi défendu Fernando Roig, président de Villarreal, car l'épisode avec Alves «est une action isolée et ce n'est pas juste que l'on accuse un public ou un pays de raciste pour un acte de ce type». «Pour la faute de quelques énergumènes, on ne peut pas juger tous les supporteurs, ni ceux de Villarreal, ni ceux de l'Atletico, ni d'aucune autre équipe», commentait lundi El Mundo.
«On ne peut pas dire de façon générale que l'Espagne ou le football espagnol soient racistes, car ce sont des épisodes isolés, anecdotiques», pense Salvador Rodriguez Moya, journaliste et auteur du livre Carton noir au racisme, qui recense 300 exemples d'actes racistes dans l'histoire du football en Espagne.
«Mais il n'en est pas moins vrai que c'est comme un volcan endormi, qui peut entrer en éruption à tout moment», prévient-il, et «nous ne pouvons pas détourner le regard» même si «c'est un thème gênant».
«Je crois que oui, il y a un problème de racisme, que l'on ne veut pas affronter»et il ne s'agit pas seulement de «deux incidents concrets», estime Quique Peinado, journaliste et auteur d'un ouvrage intitulé Footballeurs de gauche. «C'est un problème que l'on voit tous les jours quand on va voir un match et il faut l'éradiquer», ajoute-t-il. Selon Salvador Rodriguez Moya, «nous devrions être un peu plus durs». «Actuellement nous sommes face à une possible poussée (raciste) car cela fait plusieurs faits à la suite».
Cette saison d'autres joueurs, comme le défenseur brésilien du Betis Séville Paulao ou le latéral français de Grenade Allan Nyom, ont déjà subi ce type d'insultes ou de comportements dans les stades espagnols. AFP