La liberté à un prix; nous l’avons déjà payé! Depuis le 6 juillet 1975, les Comores sont indépendantes. Je ne vais pas me demander pourq...
La liberté à un prix; nous l’avons déjà payé!
Depuis
le 6 juillet 1975, les Comores sont indépendantes. Je ne vais pas me
demander pourquoi nous avons pris si tôt cette souveraineté, je me
questionne plutôt sur le pourquoi nous n’avions pas pris les mesures
nécessaires pour pouvoir voler par nos ailes avec l’appui des autres
mentors internationaux. Il fallait être libres. C’est une aspiration
innée; tel un oiseau dans une cage ou un tigre dans un zoo et cela
malgré le bon
traitement du maître. Nous avons voulu l’autonomie interne, puis
accéder à l’indépendance pour être libres et s’autogérer.
Nous
ne pouvions pas continuer à vivre éternellement sous le joug d’un autre
pays, qui plus n’a de ressources si ce n’est celles des autres pays et
celle de l’homme proprement. « Il vaut mieux du manioc amer dans la liberté qu’un pain beurré dans la servitude » martelaient les indépendantistes de l’époque. Ce fut un argument qui ragaillardissait le peuple pour arriver à se libérer du
colonialisme. Tout le monde a voulu cesser la dépendance avec une grande ferveur vers la liberté.
Mais, passé 40 ans sans réelles bases de
décollage du pays, des pensées négatives envahissent les esprits.
D’accord, pas de pain beurré ; mais où est donc passé le manioc amer?
Occupez-vous de vous
d’abord et cherchez Mayotte ensuite !
Nous
l’entendons très couramment dans les places publiques du pays et dans
les réseaux sociaux internet, des personnes jadis intègres, sans gêne
aucune, demander à revenir colonisés si être libre signifie la crève ;
et cela rien que pour pouvoir assouvir aux besoins les plus basiques de
l’homme. Des nationaux plutôt aisés et la plupart vivant à l’extérieur,
déforment le débat politique quand il s’agit de la revendication de
Mayotte île comorienne. Ils prennent comme argument en défaveur, le fait
que Mayotte est bien développée par rapport au reste des îles Comores,
pour dire tout simplement : « Ngazidja,
Mwali et Anjouan doivent laisser Mayotte tranquille dans
sa situation de colonisée et chercher à s’occuper d’eux-mêmes d’abord
jusqu’à arriver au même niveau que Mayotte ; c’est là qu’ils peuvent
demander à Mayotte de réintégrer les Comores ».
Beau raccourci, certes dicté par la situation politico-économique des 3
îles. Dans pareil cas, ils oublient l’histoire, la géographie, la
religion, les aspects sociétaux communs… Des questions qui n’ont aucune
importance aux yeux de ces indignés. Ils imputent à raison toute responsabilité de ces déboires à ceux qui ont eu à gérer le pays depuis son indépendance. Ces derniers
sont certes coupables mais pas seuls dans cet exercice. L’incapacité pour
une grande partie du peuple à accepter d’endurer, de souffrir, de se
battre, de continuer à proposer et d’agir, à faire le bon choix pour que
les choses changent et évoluent, fait partager cette grosse
responsabilité entre les autorités et le peuple comoriens, émigrés
compris.
Nous avons voulu être libres et sommes
fiers de l’être !
Nous
ne sommes pas dans un pays transitoire, en attendant qu’un autre se
construise pour nous. Nous sommes chez nous aux Comores ; condamnés à y
rester et à y revenir pour ceux qui sont partis.
Pourquoi
n’avoir pas pu poser les bases d’un développement durable ? Pourquoi
continuer à colmater, à bricoler, à rapiécer alors que nous savons que
c’est dérisoire et obsolète?
Quand
le pays n’a même pas de réseau d’égout pour les eaux usées ; ne
maitrise pas son réseau d’eau courante qui n’existe seulement que dans
la région du centre de chaque île ; quand le réseau électrique est en
état de désuétude; quand le réseau de téléphone filaire n’est même plus
entretenu, puisque le cellulaire qui est très onéreux pour le peuple
suppose le remplacer avec ses multiples imperfections ; quand le réseau
internet se limite aux villes capitales de chaque île ; quand pour moins
de 700km de chaussée nationale, il n’ y a point de route
carrossable au
pays ; quand il n’ y a même pas de plan d’urbanisme qui réparerait le
désordre dans la construction pour se projeter vers l’avenir… Rien que
ceux-là, les comoriens ont le droit de
se demander à quoi serve d’être indépendants; si être indépendants
c’est juste favoriser une élite dirigeante; si c’est se gargariser
d’avoir des gros diplômes sans pouvoir en exercer faute de travail; si
être indépendants c’est vivre éternellement dans le noir sans eau ni
nourriture; si être indépendants c’est n’avoir ni route, ni hôpital, ni
école dignes de ces noms.
Oui nous avons voulu être indépendants pour être libres.
Feu le président Mohamed Taki Abdoulkarim disait un jour à une délégation sportive devant se rendre difficilement aux Jeux des îles de 1998: « ces
colons ne connaissent pas les valeurs premières des comoriens. Le
Comorien peut avoir une faim de trois jours et se sangler d’une ceinture
« Mbango » autour de la taille, mettre son habit d’apparat « Djoho »
pour aller danser avec beaucoup de vigueur sur la place publique du
village ». Oui nous avons voulu être libres et nous sommes fiers de l’être. Et puisque la liberté à un
prix, nous considérons l’avoir déjà payé. Toutes dettes acquittées, les comoriens ont le droit désormais de vivre leur vraie liberté avec quiétude !
Saïd MZE DAFINE