Le 31 décembre dernier, une tête de porc était lancée sur une mosquée à Mayotte par des militaires français. Une délégation mahoraise a ét...
Le 31 décembre dernier, une tête de porc était lancée sur une mosquée à Mayotte par des militaires français. Une délégation mahoraise a été reçue à Paris.
Ce jeudi 30 janvier, non loin du boulevard des Invalides, les cadis ont froid. Dans leurs robes traditionnelles surmontées d'un fez jaune, six juges de paix musulmans venus de Mayotte patientent devant un grand immeuble en pierre de taille. Ils arrivent directement de l'océan Indien et leur première journée parisienne est bien chargée : après une rencontre avec des responsables de l'Église catholique, ils doivent être reçus au ministère de l'Intérieur.
Pour leur faire accomplir un tel trajet - le premier du genre pour la majorité d'entre eux -, il fallait bien l'émotion suscitée par la profanation d'une de leurs mosquées à Mayotte. C'était le 31 décembre dernier, à quatre heures du matin : les fidèles arrivant à la prière ont eu la mauvaise surprise de découvrir une tête de porc à l'entrée du lieu de culte. Elle avait été lancée là quelques minutes auparavant.
L'émoi dans la population, à 95 % musulmane sur ce département français d'outre-mer, est considérable. Peu nombreux sur la petite île, les consommateurs de cochon sont d'emblée visés par l'enquête qui très vite se concentre sur des militaires français. Lesquels avouent rapidement les faits, expliquant avoir agi à la suite d'un pari lors d'une soirée trop arrosée entre militaires et fonctionnaires de la police aux frontières (PAF).
Pour leur faire accomplir un tel trajet - le premier du genre pour la majorité d'entre eux -, il fallait bien l'émotion suscitée par la profanation d'une de leurs mosquées à Mayotte. C'était le 31 décembre dernier, à quatre heures du matin : les fidèles arrivant à la prière ont eu la mauvaise surprise de découvrir une tête de porc à l'entrée du lieu de culte. Elle avait été lancée là quelques minutes auparavant.
L'émoi dans la population, à 95 % musulmane sur ce département français d'outre-mer, est considérable. Peu nombreux sur la petite île, les consommateurs de cochon sont d'emblée visés par l'enquête qui très vite se concentre sur des militaires français. Lesquels avouent rapidement les faits, expliquant avoir agi à la suite d'un pari lors d'une soirée trop arrosée entre militaires et fonctionnaires de la police aux frontières (PAF).
Blâmes administratifs
"C'est très grave, ce qui s'est passé, surtout à cause du statut des protagonistes. Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls nous a expliqué que cela se produit plusieurs fois par jour en métropole. Mais c'est la première fois pour nous et il est hors de question que ce genre d'actes se banalise sur notre île", s'indigne Elmamouni Mohamed Nassur, porte-parole des cadis de Mayotte.
Si les cadis se sont donné la peine de se perdre plusieurs fois dans un Paris qu'ils découvrent avec de grands yeux, ce n'est pas uniquement pour être réconfortés par Manuel Valls. Ils ont aussi une exigence de fermeté. Le ministre leur a précisé en personne que des blâmes administratifs très sévères ont été prononcés envers les militaires mis en cause dans cette affaire.
"Cela n'est pas suffisant !" assène Saïd Larifou, avocat des cadis et accompagnateur de la délégation. "Nous avons porté plainte et le procès doit avoir lieu à Mayotte le 26 février." Quelques jours après les faits, les militaires soupçonnés de la profanation ont été exfiltrés de l'île aux Parfums. Une manière de les soustraire à une possible vindicte publique. Mais les Mahorais ne l'entendent pas de cette oreille. "Nous avons aussi demandé à ce que les personnes qui ont fait cela soient présentes à l'audience", explique Saïd Larifou. Pour l'opinion publique locale, un procès sans prévenu serait vidé de son sens. La délégation n'a toutefois pu obtenir aucune garantie sur le sujet, indépendance de la justice oblige.
Indignation et vivre-ensemble
Pour les cadis, l'enjeu de la visite d'une semaine dans l'Hexagone est aussi de rencontrer des représentants des autres religions. "Nous nous sommes rendu compte que l'islam n'était pas la seule attaquée : toutes les croyances ont été insultées. Il fallait venir le dire ici, porter l'indignation des Mahorais, mais aussi notre message de vivre-ensemble, de tolérance."
Dans cet état d'esprit, les cadis ont été reçus par la Conférence des évêques de France. "Nous sommes de tout coeur avec la délégation et nous trouvons très grave l'agression qu'ils ont subie à la mosquée de Mayotte", assure Christophe Roucou, responsable des relations avec l'islam pour l'Église de France. Des rendez-vous ont aussi eu lieu avec le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et les responsables orthodoxes. "Le dialogue inter-religieux est crucial pour éviter que ces agressions ne se reproduisent", conclut Elmamouni Mohamed Nassur.
Avec ses collègues, ce lundi 3 février, il est encore et toujours sur le départ, entouré de valises. Avant de repartir pour leur île, les juges de paix musulmans vont à Strasbourg pour être auditionnés par des parlementaires. Il s'agira de raconter une nouvelle fois leur histoire. L'île de Mayotte, officiellement département français depuis mars 2011, a intégré la liste des régions ultra-périphériques de l'Union européenne le 1er janvier 2014, le lendemain même du jet de la tête de cochon.
Par Julien Sartre | lepoint.fr