Alger, hier. Abdelaziz Bouteflika pourrait bien briguer un quatrième mandat à la tête du pays après déjà quinze ans de règne mais certains m...
Une pluie fine tombe par intermittence sur les immenses eucalyptus qui bordent le palais El-Mouradia, situé dans un quartier cossu d'Alger. Un policier en uniforme, col de l'imperméable remonté jusqu'à sa casquette blanche, fait signe aux automobilistes de circuler prestement dans une autre direction. On n'approche pas du bâtiment de la présidence algérienne, protégé par des barrières métalliques et des caméras de surveillance, à moins de disposer d'une autorisation spéciale. « Vous cherchez Bouteflika ? s'amuse un marchand d'oranges, cigarette aux lèvres. De toute façon, il n'est plus là depuis des mois. C'est le fantôme d'Alger. »
Fatigué, malade, le vieux leader (76 ans) se repose à la résidence d'Etat de Sidi-Ferruch, à 30 km à l'ouest de la capitale. Une vaste propriété au bord de la mer, loin des regards. Victime d'un AVC qui avait nécessité une longue et pénible hospitalisation à Paris de quatre-vingts jours, le chef de l'Etat ne communique plus guère sur sa santé. Mais, à Alger, les rares personnes qui l'ont approché décrivent un homme usé, à bout de souffle, dépassé par les événements.
Dernier vrai discours public en mai 2012
Un familier du régime résume : « Il ne parle plus ou très difficilement. Il a perdu l'usage d'un bras, ne se déplace quasiment pas et marche à grand-peine. Il a aussi des trous de mémoire. Disons que sa lucidité n'excède pas quelques heures dans la journée, au mieux. Bref, ce n'est pas brillant. » Le dernier vrai discours public de Bouteflika remonte à mai 2012, à Sétif. Il y a presque deux ans... Le président avait alors paru prendre ses distances avec le pouvoir et préparer son retrait en douceur. Depuis, le vieux chef ne s'exprime plus que par communiqués, parfois très longs, sans que l'on sache exactement qui les rédige. Malgré son état de santé dégradé, son entourage laisse entendre qu'il briguera bien un quatrième mandat à la tête du pays, après déjà quinze ans de règne. « Ce serait une pure folie. Cela nuirait fortement à l'image de l'Algérie à l'étranger », s'alarme un homme d'affaires qui a pris ses quartiers à l'hôtel Safir, à deux pas de l'Assemblée. Le compte à rebours s'achève bientôt puisque la date limite du dépôt des candidatures est fixée au 4 mars à minuit. Le scrutin présidentiel proprement dit aura lieu le 17 avril. « Il peut annoncer sa candidature dès ce week-end ou en début de semaine prochaine, c'est imminent », croit savoir un journaliste du quotidien « El Watan ». En attendant la fumée blanche (ou noire), les Algériens assistent, sidérés, aux règlements de comptes au sein du pouvoir et de l'armée, l'institution qui dirige le pays depuis l'indépendance en 1962. Si certains militaires se sont prononcés logiquement en faveur d'un quatrième mandat, d'autres, comme le mystérieux et puissant patron des services secrets, Toufik Médiène, sont contre. Tribunes dans les journaux, interviews accordées à des sites Internet, confidences distillées dans les journaux : les deux clans se déchirent sans retenue. Accusé de corruption, l'entourage du chef de l'Etat -- dont Saïd Bouteflika, son frère et principal conseiller -- est soupçonné de vouloir forcer la main au président pour continuer à gouverner par procuration et échapper ainsi à la justice.
Les partisans d'un quatrième mandat plaident, eux, pour la stabilité du pays, autour d'une personnalité certes affaiblie mais respectée par une partie de la population, notamment pour avoir lutté contre le péril islamiste à la fin de la guerre civile (1991-2002). Alors, Bouteflika, stop ou encore ? Le pays tout entier attend sa réponse.
Toufik, l'homme fort du pays
Il n'existe qu'une seule photo de lui. Elle a été publiée dans la presse algérienne il y a quelques années. « Au départ, on ne savait pas trop qui c'était », assure un photographe algérien. A 73 ans, le général Toufik Médiène, patron des services secrets (DRS), souvent présenté comme l'homme le plus puissant du pays, suscite crainte et admiration parmi la population. « Tout le monde connaît son nom mais rares sont ceux qui l'ont vu ou ont échangé quelques mots avec lui », raconte Fayçal, chauffeur de taxi. Depuis 1962, le président algérien est issu de l'armée. Son nom est choisi après une réunion secrète de généraux, surnommée le Conclave et présidée par le fameux Toufik, formé à l'école soviétique. Une cooptation qui assure au candidat une victoire écrasante. Jusqu'ici, le groupe parvenait toujours à un consensus. Mais la maladie de Bouteflika a changé la donne. « Toufik Médiène estime que le président n'est pas en état de se représenter, décrypte un ancien ministre algérien. Les services secrets ont diligenté des enquêtes pour corruption contre l'entourage du chef de l'Etat. La guerre est déclarée. » Pro-Bouteflika, Amar Saïdani, chef du FLN (Front de libération nationale), a contre-attaqué en accordant un entretien retentissant au site Internet TSA (Tout sur l'Algérie). A la stupéfaction générale, il a demandé la démission du général Médiène, l'accusant d'avoir noyauté le pays : « La présence de la sécurité intérieure dans toutes les institutions laisse une impression que le pouvoir n'est pas civil. Les agents de ce département sont partout. [...] Je ne comprends pas pourquoi les téléphones des responsables sont mis sur écoute. » Des propos désavoués par la présidence depuis. Si Bouteflika se représente, les observateurs algériens estiment qu'il sera réélu, grâce à la mobilisation de l'appareil d'Etat. Mais Toufik n'a peut-être pas dit son dernier mot.
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