Comores : Aller-simple à Mayotte ! 1 ère partie Depuis les années 90 que je m'étais rendu chez moi à Mayotte, je n'ai pu avoir...
Comores : Aller-simple à Mayotte !
1ère partie
Depuis les années 90 que je m'étais rendu chez moi à Mayotte, je n'ai pu avoir l'occasion d'y mettre les pieds. Bien que la famille et les amis qui s'y trouvent sont très chers et me manquaient, je n'ai jamais eu le courage de demander l'autorisation à un étranger pour rentrer chez moi. Jusqu'au jour où en prenant mon visa Schengen à l'ambassade de France, j'ai eu à cocher la case de Département et Territoire d'outre-mer et payer une taxe supplémentaire.
Je serai de ceux qui entérinent une situation malencontreuse puisque la vie ne leur laisse pas le choix ; De ceux qui défendent une cause tout en agissant par le contraire ; Je me remets à mon peuple pour cette bassesse et j'en demande sa grâce. Car, pour une situation familiale très pointue, j'ai dû utiliser non sans mal les derniers 7 jours de mon visa DOM-TOM pour être dans la quatrième île de l'archipel des Comores.
J'ai eu à comprendre par rapport aux embûches, pourquoi le comorien a le choix entre la traversée de la mort par les ''Kwasa-kwasa''et le voyage de la honte par les aéroports.
Pour avoir une réservation d'une place d'avion vers Mayotte la première des choses qui est demandée à l'agence de voyage, c'est le visa de sortie du territoire comorien, apposé par le service des Migrations à Moroni, au risque d'être empêché de prendre le vol par la Police de l'Air et des Frontières-PAF des Comores. Ton passeport est exigé pour la vérification des visas, de sortie et celui d'autorisation d'entrer à Mayotte, pour avoir le billet d'avion à l'agence Air Austral.
Trois barrages policiers attendent à l'aéroport Prince Saïd Ibrahim de Moroni-Hahaya.
Le premier tenu par deux jeunes agents féminins donne le papier de migration à remplir à la personne qui totalise les exigences d'un voyageur correctement en règle. J'ai beau exhibé ma carte d'identité comorienne pour prouver que je vais chez moi à Pamandzi et que donc je n'ai rien d'autre à justifier, mais la réaction des jeunes agents m'a pétrifié :'' Mayotte est français et toi tu veux aller en France avec une carte d'identité des Comores, tu es fou ou quoi ?'' Devant ma stupéfaction l'autre agent renchérit : ''C'est leur choix, vous avez voulu rester comoriens et eux veulent être français. Donne le passeport avec les visas de sortie des Comores et celui d'entrée à Mayotte, sinon laisse passer les autres passagers et reste dans tes rêves… !''
Ma consternation venait du fait que ces jeunes agents disaient cela sans détour et très sûres d'elles-mêmes, devant une file de personnes dont des français blancs. N'y a t-il pas un minimum d'éducation civique et citoyenne à avoir avant d'être le gardien de la grande porte des Comores ?
Au deuxième barrage, avant d'entrer pour les vraies formalités policières, il y a l'agent Antoissi, un ancien de la PAF. Avec lui, c'est comme si la carte d'identité comorienne ne lui disait rien du tout. Ce qu'il demande c'est la carte de séjour, le billet de retour et ainsi de suite. Avec lui, pas même de débat. Ou tu es en règle pour partir avec un passeport en cours de validité, un visa de sortie de la PAF des Comores et un visa d'entrée à Mayotte autorisé par la France, ou tu n'es pas en règle par rapport à ceux-là tu ne franchis même pas le portillon d'entrée.
Dernier barrage, celui des frontières, ici les choses sont très sérieuses mais à peu près détendues. Les agents Zaidi et Saifi, comprennent peut être la forfaiture, la démission de l'Etat, la mise en pâture de l'identité et l'intégrité nationales, l'abandon de notre terre sœur par un simple tampon apposé sur un bout de papier. Très polis et très modestes, ils exécutent les ordres de la hiérarchie.
Ils vérifient l'identité, la régularité et la validité des documents exigés à un Comorien des 3 autres îles pour se rendre à l'île de Mayotte. Ils paraphent et tamponnent. Ainsi, ils m'autorisent au nom de mon pays, de quitter mon pays pour une autre partie de mon pays qu'ils sont en train de se détacher progressivement et honteusement.
Les agents de la Police Nationale Comorienne auraient su à l'avance l'intensité de l'humiliation que j'allais subir à l'aéroport de Pamandzi par l'autre Police de l'île de Mayotte, ils auraient été peut être beaucoup plus compréhensifs et beaucoup plus coopératifs à mes requêtes.
…/…
Saïd MZE DAFINE
2ème Partie
C'est encore un de ces malins clandestins !
A peine décollé de Hahaya, un mouchoir et un verre d'eau de rafraichissement servis par les hôtesses, les hauts parleurs du Boeing 707 de l'air Austral annoncent : « Mesdames et messieurs nous commençons notre descente à Dzaoudzi… ». Les femmes mettent leur dernière touche de beauté et l'atterrissage se déroule sur un tarmac de Pamandzi inondé de pluie persistante.
Un bus bien entretenu nous ramène vers le couloir de l'arrivée. Des ''Mbiwu '' cadençaient notre accueil, comme parmi nous se trouvaient des personnes venues pour des cérémonies de mariage.
Le barrage de la PAF Mayotte tenu par deux policiers de couleurs différentes s'interpose entre l'accueil bagages, la douane et l'arrivée. Sans me presser j'ai suivi la file et choisi celle de l'agent de police qui me ressemble. J'ai remis à travers la petite fente sous la baie vitrée, mon passeport et mon billet d'avion. Quelques instants après, une série de questions me parvenait de l'autre côté.« Attestation d'hébergement, assurance, réservation d'hôtel, chèque de voyage, argent de poche… ?» Stupéfait et amusé en même temps, je lui répondais : ''En vrai, je n'ai pas demandé de visa pour Mayotte, j'ai juste coché une case d'un formulaire et ces documents je les ai remis une seule fois pour la demande du visa Schengen il y a longtemps de cela. Je n'ai rien d'autres que ce qu'il y a sur ce passeport''. L'agent consulte son collègue d'uniforme et me demande de me ranger sur le bas-côté, attendre et laisser évoluer la file de passagers.
Intercalé au milieu entre les agents de l'aéroport et les passagers, ces derniers se posent les questions d'usitées : « c'est encore un de ces malins clandestins. On va sûrement le renvoyer par le prochain vol. Ils sont toujours audacieux ces Comoriens. Ils sont forts en tout cas en falsification de papiers. Mais celui-ci ne ressemble pas à un clando quand même…»
Comme un piquet pour une longue attente, j'ai pu constater avec humeur que nous sommes sérieusement envahis. De mon gardez-vous de fortune, j'aperçois impuissant et amer, des étrangers de couleur et de langue différentes des nôtres, avec des documents de voyage étrangers, entrer chez nous facilement comme dans un moulin à vent; alors que les gens comme moi passent de longues minutes de questionnement et d'observations avant d'être refusés ou autorisés à rentrer chez eux.
Le contrôle des passagers ayant pris fin, l'agent de police m'invite à le suivre. En attendant de récupérer mon bagage pour ensuite m'amener au CILEC où sont enfermés les clandestins en attente de reconduite, je relance une discussion. Ils essaient de me faire accepter que je devrais avoir une liasse de paperasse pour entrer à Mayotte et à moi de leur intimer le fait que même avec le visa Schengen, j'ai visité l'Europe et la France plusieurs fois l'année et jamais on ne m'a rien demandé de plus que ce qu'il y a dans mon passeport comorien.
Je constate que lassés par l'attente ils peinent à vouloir trouver une raison pour finir cette histoire, comme je commence à les embarrasser et que ma valise comme celles de tous les passagers d'ailleurs n'arrive toujours pas. La liasse de papier va jusqu'à se réduire à une seule : l'assurance. ''Je n'ai pas besoin d'assurance puisque je vais chez la famille et des amis et j'ai ma mutuelle de santé que voici''. Et sur cette réponse, l'Agent Djoumoi fondait son autorisation pour me permettre de rentrer chez nous à Mayotte. Mon passeport et mon billet de retour me sont remis avec un geste de bienvenu. « Vous avez commis une forfaiture leur disais-je ; j'imagine les supplices que subissent les autres passagers vulnérables, quand je vois ce que vous m'avez fait endurer. C'est pourquoi à mon tour je vous demande vos noms et vos grades car cette affaire ne sera ni pierre ni arbre mais sera racontée partout où besoin sera ».Aux Comores, rien ni personne ne facilite l'entrée à Mayotte.
Saïd MZE DAFINE