Les Comores seraient un «pays pauvre très endetté» «à revenu intermédiaire»
Les Comores seraient un «pays pauvre très endetté» «à revenu intermédiaire».
Le Djoiezien Abdullah Ben Saïd Hassane est un cadre intelligent et brillant, et personne de sérieux ne songerait à remettre en cause ses compétences. Docteur en Économie, il se définit lui-même comme «Économiste et financier». Ayant fait ses preuves à l’Université des Comores, il est nommé Conseiller du Président Ikililou Dhoinine, même si on sait que le chef de l’État ne sait pas profiter du savoir-faire de ce jeune cadre discret, mais talentueux.
Le Djoiezien Abdullah Ben Saïd Hassane est un cadre intelligent et brillant, et personne de sérieux ne songerait à remettre en cause ses compétences. Docteur en Économie, il se définit lui-même comme «Économiste et financier». Ayant fait ses preuves à l’Université des Comores, il est nommé Conseiller du Président Ikililou Dhoinine, même si on sait que le chef de l’État ne sait pas profiter du savoir-faire de ce jeune cadre discret, mais talentueux.
Bien évidemment, le Président de la République a tort. Cependant, malgré la compétence et le talent qu’on reconnaît à juste titre à Abdullah Ben Saïd Hassane, personne n’est obligé de partager entièrement l’analyse qu’il développe dans une belle tribune joliment intitulée «Union des Comores: un PMA qui pourrait devenir un pays à revenu intermédiaire». Tout le monde sait que «PMA» signifie «pays moins avancé». Depuis le 1er janvier 2012, sont recensés 49 PMA, dont 34 sont situés en Afrique (dont les Comores), contre 9 en Asie, 1 en Amérique (Haïti) et 5 en Océanie (Kiribati, Salomon, Samoa, Tuvalu et Vanuatu). Les critères d’appartenance à la liste des PMA ne sont pas glorieux: un produit intérieur brut par habitant cumulé pendant 3 ans ne dépassant pas 900 dollars (!), retard en matière de développement humain (surtout dans le domaine de la santé, de la nutrition et de la scolarisation) et la vulnérabilité économique. Les Comores cumulent tous ces malheurs et bien d’autres.
Dès lors, apprendre que les Comores sont un «PMA qui pourrait devenir un pays à revenu intermédiaire» suscite le doute et le scepticisme. Le Docteur Abdullah Ben Saïd Hassane dit de belles choses, notamment quand il nous apprend avec intelligence que «le programme négocié avec le FMI, IPPTE (Initiative pays pauvres très endettés) est d’une complicité [sic, le mot «complexité» aurait été mieux indiqué] telle que rares sont les pays qui arrivent à atteindre le point d’achèvement. Le Docteur Ikililou Dhoinine en est parvenu après deux ans de travail intense, à atteindre ce fameux point d’achèvement». Tout ça est bien dit. Mais, il aurait fallu nous dire ce qu’il a fait exactement et que ses prédécesseurs ne pouvaient faire. Donc, qu’a fait concrètement le Docteur Ikililou Dhoinine pour que deux réalités par trop visibles soient reconnues par le monde entier, puisque même les enfants en couches-culottes savent que les Comores sont à la fois «pauvres et très endettées». Il faudra qu’on nous dise en quoi il est valorisant d’être un pays «pauvre et très endetté». Qu’on nous l’explique.
Et puis, qu’on n’oublie pas que c’est la France qui a demandé au FMI de fermer les yeux et dire que les Comores sont admissibles à l’IPPTE, afin que nos autorités fichent la paix à la France sur une patate chaude appelée Mayotte. Ce qui explique la franche rigolade des diplomates français à Moroni chaque fois que les Comores se vantent d’avoir réussi une prouesse en matière d’IPPTE. Qu’on se le dise, parce qu’il s’agit d’un secret de Polichinelle.
Le Docteur Abdullah Ben Saïd Hassane nous apprend doctement que «le deuxième grand succès que le chef de l’État a pu enregistrer est d’avoir pu maintenir depuis bientôt deux ans et demi le versement régulier des salaires des fonctionnaires. C’est une performance macroéconomique qu’il convient de saluer». Nous saluons donc cette performance. En même temps, nous avons le droit de demander au Docteur Abdullah Ben Saïd Hassane de nous expliquer objectivement comment, dans un pays ruiné par la corruption la plus barbare parce qu’encouragée et couverte par le chef de l’État, le versement régulier des salaires est assuré. La réponse, il faudra la rechercher du côté du «Pablo Escobar comorien», Son Excellence Monsieur Abou Achirafi Ali Bacar. Car, si les Comores versent les salaires, c’est parce qu’elles comptent sur une partie et une partie seulement de l’argent généré par le trabendo des passeports au Moyen-Orient. Donc, notre Président bien-aimé n’a rien fait de positif, lui qui a perpétué un trabendo immonde qui met tous les Comoriens en danger. «Annulation de la dette», «Annulation de la dette»… Voilà qui est vite dit et qui tourne à la tarte à la crème. Dans le monde actuel, quel est le pays qui serait fou au point de demander aux Comores de rembourser leurs dettes, alors que notre pays est dans le trou de l’univers en matière de performances sociales et économiques, en microéconomie et en macroéconomie? La Planète entière est lassée par les salades des autorités comoriennes, et on annule la dette comorienne pour ne pas perdre du temps en relances inutiles. Enlevez le trabendo des passeports et, le lendemain, la crise sociale et économique serait d’un tel niveau et d’une telle acuité qu’Ikililou Dhoinine ne tiendrait pas un seul jour à Beït-Salam.
Personnellement, malgré tout le talent et toute la compétence que je reconnais au brillant Docteur Abdullah Ben Saïd Hassane, je ne comprends pas ce qu’il veut dire en affirmant que «c’est la raison pour laquelle le chef de l’État, le Docteur Ikililou Dhoinine, privilégie dans ses projets de développement la construction et la rénovation des routes afin de faciliter la mobilité de la population, source d’accélération du commerce intérieur et donc de création supplémentaire de richesses et d’amélioration du bien-être». Analysons cette phrase morceau par morceau car ce qui est écrit est très important. Où le Docteur Abdullah Ben Saïd Hassane a-t-il vu que le Président à des «projets de développement»? Où? Et puis, «la construction et la rénovation des routes» relèvent désormais du cauchemar car des projets de cette envergure, au lieu d’être confiés à une entreprise ayant le matériel et la technicité, à la suite d’un appel d’offres international, se négocient de gré à gré, au profit de coquilles vides. Résultats? Les routes sont des montagnes russes empoussiérées, provoquant des fausses couches chez les femmes et faisant augmenter le taux de tuberculose aux Comores, à cause de la poussière.
Où le Docteur Abdullah Ben Saïd Hassane a-t-il vu une «accélération du commerce intérieur», une «création supplémentaire de richesses» et une «amélioration du bien-être»? C’est extraordinaire! Ne prenons pas nos désirs pour de la réalité.
On a envie de rire quand on sait que le Président Ahmed Abdallah, qui ne se prévalait d’aucun diplôme, faisait tout pour que l’électricité soit distribuée de manière régulière dans les villes et villages y ayant accès. Or, aujourd’hui, avec 5 Docteurs dans un gouvernement de 11 membres (il faudra mener une enquête pour savoir s’il y a déjà eu un gouvernement au monde qui a pu réunir autant de Docteurs), l’électricité est devenue un luxe inaccessible. Même la présidence de la République peut être privée d’électricité. C’est démentiel! Or, le Docteur Abdullah Ben Saïd Hassane nous parle d’un accord avec l’Inde dont on n’a pas encore vu les effets, car les malheurs des Comoriens restent les malheurs des Comoriens.
Le Docteur Abdullah Ben Saïd Hassane affirme aussi que «la distribution continue du courant électrique va également améliorer la santé via la chaîne du froid des aliments périssables. Il y a là également un début d’amélioration du capital humain surtout grâce à l’absence de grèves dans l’enseignement public. Un peuple bien formé et en bonne santé ne peut qu’être productif et ainsi contribuer au développement de la nation». En attendant, il n’y a pas de «distribution continue du courant électrique», et rien n’est fait pour «améliorer la santé» et le «capital humain» des Comoriens. Rien! Ah bon, aux Comores, on a constaté une «absence de grèves dans l’enseignement public»? Voilà qui est nouveau. En tout cas, à Mohéli, quand il y a grève dans l’enseignement public, le Gouverneur Mohamed Ali Saïd, usant de ses méthodes de soudard, licencie tout le monde et se moque des conséquences de son acte malheureux. Oui, «un peuple bien formé et en bonne santé ne peut qu’être productif et ainsi contribuer au développement de la nation». Mais, qu’est-ce qui est fait pour assurer la santé et la formation aux Comoriens? Quelle est l’autorité qui s’en soucie?
En tout état de cause, défendre le régime politique en place aux Comores n’est pas en soi une mauvaise chose, mais il est impossible de défendre l’indéfendable. De toute manière, les Comores ne passeront jamais du statut de «pays moins avancé» et «pays pauvre très endetté» à celui de «pays à revenu intermédiaire». Ce passage ne se fera pas avant au moins un siècle et demi, et encore… Nous devons cette vérité aux Comoriens, par respect pour eux.
Par ARM
© lemohelien – Lundi 9 décembre 2013.