Le 20 décembre se déroule à Madagascar le second tour de l’élection présidentielle. Après plusieurs années d’un contexte politique compliqué...
Le 20 décembre se déroule à Madagascar le second tour de l’élection présidentielle. Après plusieurs années d’un contexte politique compliqué où « la grande île » s’est retrouvée sanctionnée par la communauté internationale, cette échéance électorale est importante car elle annonce probablement une nouvelle dynamique démocratique. Deux candidats s’affrontent. Le premier est un médecin franco-malgache, le Docteur Jean Louis Robinson, qui a été Ministre de la santé il y a quelques années du gouvernement du président Ravalomanana. Le second, Hery Rajaonarimampianina est un expert comptable formé en Amérique du Nord, ancien Ministre des finances et ancien Administrateur Général de la Banque Africaine de Développement. Il livre en exclusivité au JDE ses réflexions sur l’avenir de Madagascar.
Vous êtes candidat au second tour de l’élection présidentielle à Madagascar, autour d’un programme de « rassemblement » et de « combativité nationale ». En quoi cette ligne de conduite est-elle nouvelle, ou différente de celle de vos adversaires ?
Après la crise politique de 2009, vous avez été appelé en renfort par l’autorité de transition afin de redresser la situation économique. Pourquoi vous être engagé à l’époque ?
Quel bilan tirez-vous de votre action ?
Votre expertise particulière des questions économiques et financières fait donc de vous un candidat sur lequel repose beaucoup d’espoir ?
Vous avez été directeur d’études, expert-comptable, gouverneur de la BAD, ministre… Faut-il y voir une construction logique de votre parcours jusqu’à cette candidature ?
Vous dites vouloir renforcer le cadre institutionnel de Madagascar pour redonner aux Malgaches confiance dans leur pays. Expliquez-nous.
En matière de diplomatie, comment entendez-vous piloter des relations internationales distendues par les crises politiques successives qui ont frappé Madagascar au cours des dernières décennies ?
Défendez-vous l’idée d’une nouvelle constitution pour endiguer les fléaux institutionnels qui déstabilisent le pays ? Si oui, comment entendez-vous garantir son respect ?
Si vous êtes élu, sur quel point vous engagez-vous à être jugé, au terme de votre mandat ?
Vous définissez-vous plutôt comme un candidat libéral ou interventionniste ?
Vous êtes candidat au second tour de l’élection présidentielle à Madagascar, autour d’un programme de « rassemblement » et de « combativité nationale ». En quoi cette ligne de conduite est-elle nouvelle, ou différente de celle de vos adversaires ?
Ma ligne de conduite, dès le début de mon engagement pour cette
élection présidentielle, a été celle du large rassemblement de toutes
les composantes de la nation Malgache. Je veux œuvrer à bâtir un avenir
de prospérité et de paix dans toutes les régions de Madagascar. Je suis
profondément convaincu que les malgaches souhaitent vivement en finir
avec la crise. Lors de mes déplacements, ils m’interpellent sur la
nécessité de ne plus revenir en arrière. Je pense que ce qui me
différencie, c’est cette volonté de me situer au dessus des différends,
de rassembler et de convaincre. Je veux réhabiliter le Fihavanana, vertu
cardinale de notre civilisation Malagasy (Ndlr : forme de lien social reposant sur des valeurs d’entraide et de solidarité).
Après la crise politique de 2009, vous avez été appelé en renfort par l’autorité de transition afin de redresser la situation économique. Pourquoi vous être engagé à l’époque ?
La situation économique de l’époque ne me laissait guère d’autre
choix que d’accepter d’apporter mon aide à l’autorité de transition.
Celle-ci m’avait sollicité non pas en raison de mes convictions
politiques, mais en vertu de mon expertise des questions économiques.
Souvenez-vous : les vannes de l’aide publique au développement avaient
été fermées et le pays était alors entré en récession. Il fallait
impérativement inverser cette spirale infernale en regagnant la
confiance des acteurs économiques, et les dirigeants de l’époque m’ont
demandé de les accompagner en ce sens. Quand on aime son pays, accepter
les responsabilités qu’on vous impartit, en dépit des difficultés
quelles qu’elles soient, est un devoir moral. Il est dicté par l’intérêt
supérieur de la Nation.
Quel bilan tirez-vous de votre action ?
Aujourd’hui, le consensus politique dicté par la nécessité et par
l’urgence a porté ses fruits : nous sommes parvenus à préserver les
contribuables d’une pression fiscale trop forte. En outre, malgré cette
crise inouïe, l'inflation et le cours de l’Ariary (La monnaie Malgache)
sont demeurés stables, et les traitements des fonctionnaires ont
toujours été payés à bonne date. Si l’on compare la situation de
Madagascar à celle d’autres pays occidentaux comme la Grèce ou le
Portugal, où les fonctionnaires, les pensions et les retraites en font
les frais, je pense pouvoir affirmer que nous nous sommes montrés à la
hauteur du défi.
Votre expertise particulière des questions économiques et financières fait donc de vous un candidat sur lequel repose beaucoup d’espoir ?
Il n’est pas superflu d’avoir l’ambition d’offrir à tous les
Malgaches, sans exception, un accès large aux services sociaux de base
tels l’éducation et la santé. Il faut pour autant disposer d’instruments
financiers garants de la performance économique du pays, car
l’éducation et la santé ont un coût pour l’Etat. L’économie doit être au
service de l’humain, et non l’inverse. Je pense donc en effet que la
maîtrise des sujets économiques et une expérience préalable de l’action
étatique constituent une condition essentielle de l’exercice du pouvoir.
On ne peut prétendre à la fonction suprême que si l’on est sûr de
disposer des compétences pour assurer la prospérité à son pays.
Vous avez été directeur d’études, expert-comptable, gouverneur de la BAD, ministre… Faut-il y voir une construction logique de votre parcours jusqu’à cette candidature ?
Mon engagement en faveur de Madagascar ne date pas d’hier. Mais ma
candidature, elle, est dictée par la volonté de la nation malgache de
rompre avec des traditions politiques qui lui ont porté préjudice
jusqu’alors. Je veux simplement mettre mon expérience au service de mon
pays, et me faire le porte-voix des forces vives assoiffées de
changement. Comme je le laissais entendre précédemment, dans la vie d’un
homme politique, « l’envie » de servir son pays se mue progressivement
en sens du « devoir » que l’on s’impose à soi-même en qualité de
citoyen. Dans une certaine mesure, ma candidature s’inscrit donc dans la
continuité logique de mon engagement citoyen, à ceci près qu’un homme
d’état n’est pas un citoyen comme les autres : il a davantage de devoirs
que de droits, et un candidat doit y être préparé.
Vous dites vouloir renforcer le cadre institutionnel de Madagascar pour redonner aux Malgaches confiance dans leur pays. Expliquez-nous.
La nation malgache doit trouver dans ses institutions un facteur
de stabilité économique, sociale et juridique, quelle que soit la
couleur politique de ses représentants élus. C’est le premier pilier de
la lutte contre les inégalités et de la restauration d'un climat sain
pour rassurer les investisseurs étrangers et le secteur privé. Un cadre
institutionnel solide et stable est également la condition à remplir
pour que Madagascar rejoigne le concert des grandes nations
économiquement développées, et puisse dialoguer avec la communauté
internationale dans une relation équilibrée. Madagascar doit, et peut
aujourd’hui regagner son rôle de poumon économique et diplomatique dans
l’Océan Indien. En outre, nous devons devenir, à court terme, le
"grenier à riz" de l'océan Indien.
En matière de diplomatie, comment entendez-vous piloter des relations internationales distendues par les crises politiques successives qui ont frappé Madagascar au cours des dernières décennies ?
Je veux « ré-enchanter » notre diplomatie. Pour ce faire, je veux
redonner une crédibilité durable à notre Pays vis-à-vis de ses
partenaires extérieurs à savoir les institutions internationales, et les
pays amis. Je veux aussi mobiliser nos représentations diplomatiques à
l'extérieur au service du développement de notre pays. J'aurai également
une attention toute particulière pour que la culture de notre pays
rayonne au plan international. Nous avons d'immenses artistes. Il faut
les mobiliser pour montrer la richesse culturelle de notre Nation.
Défendez-vous l’idée d’une nouvelle constitution pour endiguer les fléaux institutionnels qui déstabilisent le pays ? Si oui, comment entendez-vous garantir son respect ?
La Constitution de la Quatrième République a été élaborée après de
très nombreuses consultations populaires dans toute l'île. Sa rédaction
a fait l'objet de nombreuses consultations de spécialistes nationaux et
internationaux. Cette Loi fondamentale, je le rappelle, a été adoptée
par 74% de nos compatriotes avec une participation de 53%. En tant que
Président de la Quatrième République, je serai le gardien de cette
Constitution. Je veux la stabilité institutionnelle de mon pays.
Si vous êtes élu, sur quel point vous engagez-vous à être jugé, au terme de votre mandat ?
Je suis déterminé à faire du potentiel de mon pays la source de
bien être des Malgaches. A mon sens, l’IDH (Indicateur de Développement
Humain, NDLR) constitue un indicateur fiable de la santé et du bonheur
d’une nation, et lui seul témoigne de la capacité d’un pays à combattre
durablement la pauvreté. Mais c’est un chantier qui exige de mettre en
œuvre une vision stratégique, et dont les effets se mesurent sur le long
terme. Cela se traduit par des ambitions concrètes de modernisation. Je
veux d’abord mettre en place de grands chantiers pour changer le
quotidien des malgaches : des routes, des barrages, des infrastructures,
des réseaux d’irrigation pour conférer au pays les moyens de son
développement. Beaucoup de choses en découlent : du travail, notamment
pour les jeunes, des transports pour désenclaver nos régions centrales
et côtières, un meilleur accès à la santé, à l'eau ou encore à
l'électricité. L'éducation est également une de mes priorités, de telle
sorte à ce que notre jeunesse puisse profiter grandement du
développement et en devenir, par la suite, le moteur. J’ai la volonté
de développer notre agriculture pour aller rapidement vers
l'autosuffisance alimentaire. Enfin, parce que c'est la clef du
développement, je veux que chacun, s'il le désire, puisse créer son
entreprise. Ce ne sont là que quelques pistes. Le chantier est donc
vaste, mais je sais que notre peuple est prêt pour relever ce défi de
faire de Madagascar enfin un pays prospère.
Vous définissez-vous plutôt comme un candidat libéral ou interventionniste ?
Je veux le retour d'un Etat fort, d’un Etat stratège et d’un Etat
garant des libertés et du bien-être de chaque Malagasy. J’entends par là
« un Etat fort par le peuple et pour le peuple », enfin capable de
restaurer la sécurité. Il n'y a pas de développement sans sécurité.
Lu sur journaldeleconomie.fr