La planète Ahmed Sambi en pleine ébullition et en émiettement. Pour saisir la tragicomédie et les contradictions du crypto-sambisme à l...
La planète Ahmed Sambi en pleine ébullition et en émiettement.
Pour saisir la tragicomédie et les contradictions du crypto-sambisme à la Grande-Comore, citons cette anecdote relatée par le Grand Maître Mohamed Tozy, politologue marocain de renommée mondiale: «Sur le vol Casablanca-Paris, une bourgeoise de Casablanca, âgée de 80 ans, impressionnante de classe même si elle ne sait ni lire, ni écrire, était installée à côté d'un chrétien. Le chapelet à la main, elle ne cessait pas, durant le décollage, de prier à haute voix, au point d'incommoder son voisin. Une fois l'avion stabilisé, elle demanda à l'hôtesse de lui apporter un double whisky. Surpris, le voisin ne put s'empêcher de relever la contradiction et d'en faire part à sa voisine. Elle répondit, nullement décontenancée: "Le chapelet est pour lui (Dieu), le whisky est pour moi…"» (Mohamed Tozy: Monarchie et Islam politique au Maroc, Presses de Sciences Po, Paris, 1999, p. 23). Le crypto-sambisme se trouve dans la même contradiction, celle consistant à essayer de concilier les contraires, à refuser la raison et la logique, et même à tenter deux projets inconciliables en même temps, avec des intérêts qui se contredisent définitivement.
Malgré cette contradiction, on se dit que finalement, la vie politique aux Comores a du chien. Et quand elle décide d'avoir du chien, elle conduit au psychodrame, aux coups de sang et aux coups de cœur. La preuve? Le crypto-sambisme vient d'entrer dans une confusion totale qui, si elle n'était pas dramatique, aurait prêté à rire. Mais, voilà, le crypto-sambisme est devenu une sorte de planète qui se fait aspirer par un immense trou noir. Ceci est d'autant plus vrai que le monde entier sait que la «zaouïa» (confrérie) d'Ahmed Sambi avait décidé, dans un premier temps, de constituer l'attelage mené par le Caporal Bourhane Hamidou et comprenant Ahmed Abdallah Salim (Grande-Comore), le Docteur Fouad Mohadji (Mohéli) et Ahmed Sambi lui-même (Anjouan).
Comme les investitures au sein d'un parti politique, en période électorale, font toujours des malheureux, et l'attelage du Caporal Bourhane Hamidou en a fait, on est en pleine guérilla au sein de la «zaouïa».
Dans un premier temps, c'est la personne d'Ahmed Abdallah Salim qui posait problème, car le commerçant et grand notable Ahmed Hassane El Barwane de Moroni, qui a offert au Parti de l'Enfer le local de son siège à Moroni, se croit plus légitime et crédible qu'Ahmed Abdallah Salim, l'ancien Directeur de la Société comorienne des Hydrocarbures, qu'il n'a pas gérée en bon père de famille. Mais, cette fois, le combat de coqs concerne le fidèle Caporal Bourhane Hamidou.
En effet, Ahmed Sambi a fini par comprendre que le Caporal Bourhane Hamidou, son chouchou, ne fera jamais le poids pour la fonction de chef d'État. Et il décida de passer au Plan B. Le Plan B? Oui, et celui-ci a un nom et un visage: Maître Fahmi Saïd Ibrahim. Il n'est un secret pour personne que Fahmi Saïd Ibrahim a été le deuxième et dernier chef de la diplomatie d'Ahmed Sambi (2010-2011), que les deux hommes s'apprécient, échangent des amabilités par presse interposée, chacun louant le savoir-faire et la loyauté de l'autre, faisant réciproquement des protestations d'amitié, de proximité et de parenté.
Le choix portant sur Fahmi Ibrahim a été dicté par une deuxième raison: malgré son assurance, Ahmed Sambi sait que, sur le plan politique, sa prétention à être candidat au poste de Président de la République en 2016 relève plus du suicide politique avec effet immédiat, que de l'intelligence stratégique et tactique en période électorale, dans un pays insulaire à la sociologie compliquée. Il lui faut donc un candidat sur lequel il pourra s'appuyer sans réserve, ni appréhension, et qui ne rééditera pas le coup de Jarnac estampillé Ikililou Dhoinine. Ce candidat-là est Fahmi Saïd Ibrahim.
Des cadres du PEC, le parti dirigé par Fahmi Saïd Ibrahim, négocient pied à pied avec Ahmed Sambi pour que ça soit leur champion qui soit chaperonné par notre verbeux national. Ces négociateurs prêchent un convaincu car Ahmed Sambi soutient l'idée selon laquelle Fahmi Saïd Ibrahim, comparé au Caporal Bourhane Hamidou, a plus de présence politique, plus de «tchatche», et saura mieux s'imposer.
Mais, le Caporal Bourhane Hamidou n'a pas dit son dernier mot, et ceux qui ont vu en lui un petit paysan sans envergure, un péquenot sans manières, se trompent lourdement sur l'homme de Singani, qui a mis les petits plats dans les grands le jour où il a nommé Mohamed Bacar Dossar secrétaire général de l'Assemblée de l'Union des Comores, qu'il dirige lui-même sur ordre d'Ahmed Sambi. Or, Mohamed Bacar Dossar est l'un des barons de la «zaouïa» et a droit à la parole quand il s'agit de prendre les décisions, petites comme grandes. Comme il est un obligé du Caporal Bourhane Hamidou, il tire à boulets rouges sur l'option Fahmi Saïd Ibrahim, défendant avec une énergie prodigieuse le plus prestigieux des Caporaux comoriens.
À l'heure qu'il est, «les feuilles de manioc au coco ne sont cuites pour personne», mais si Ahmed Sambi arrive à s'imposer, le jackpot sera pour Fahmi Saïd Ibrahim, et le Caporal Bourhane Hamidou «dormirapar le ventre». Ça ne sera pas bon pour lui. Mais, rien n'est encore réglé de manière définitive. Mais, même les bambins de 5 ans savent que si Fahmi Saïd Ibrahim n'est pas choisi comme chef de liste par Ahmed Sambi, il conduira sa propre liste, une liste indépendante. Car, avec ou sans Ahmed Sambi, il sera candidat pour le poste de Président de la République. Si, par extraordinaire, il accepte d'être le colistier du Caporal Bourhane Hamidou, il ne le fera qu'en se bouchant le nez. Et encore…
Si Fahmi Saïd Ibrahim conduit la liste concoctée par Ahmed Sambi, le Caporal Bourhane Hamidou boudera et ronchonnera, mais il n'est pas homme à causer de la peine à Ahmed Sambi, qui trouvera les mots qu'il faut pour panser les plaies de l'orgueil et de la déception. Mais, si chacun affiche un orgueil de coq de basse-cour dressant la crête dans le poulailler, le crypto-sambisme sera synonyme de champ de ruines. Ahmed Sambi sait caresser certains Comoriens dans le sens du poil, mais il n'est pas sûr qu'il saura le faire avec des garçons dont chacun veut devenir le premier de la classe. Des jours, semaines et mois difficiles l'attendent, et s'il demande conseil au Vice-président Fouad Mohadji, celui-ci lui répétera sans malice, ni perfidie, le proverbe cher aux Mohéliens: «La nuit du menteur est toujours courte».
Par ARM
© www.lemohelien.com – Mercredi 4 décembre 2013.