En 1919, Max Weber écrivait: « L'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité ne sont pas contradictoires mais elles se c...
En 1919, Max Weber écrivait: «L'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité ne sont pas contradictoires mais elles se complètent l'une l'autre et constituent ensemble l'homme authentique, c'est-à-dire l'homme qui peut prétendre à la vocation politique», inLe Savant et le politique.
Cette distinction établie entre les deux éthiques peut-être comprise comme une confrontation absolue entre ce qui relève de la conviction (l'idéalisme), d'un côté, et de l'autre, de la responsabilité de l'homme politique (la pratique et l'expérience). Tout n'est pas si simple. En réalité, ce n'est qu'une fois cette dialectique résolue par la fusion des deux conduites que l'homme peut enfin prétendre à la vocation politique et à un véritable accomplissement en tant que responsable publique.
Bientôt, notre pays sera appelé à se prononcer sur le modèle de société qu'il veut voir émerger pour les prochaines décennies. Il va faire un choix. Un choix qui l'engagera pour son futur. Et, au regard des enjeux fondamentaux qui interrogent notre présent et détermineront notre avenir aussi bien sur le plan national, régional qu'international, les responsables politiques comoriens seraient mieux avisés de se référer à cette dialectique de Max Weber sur l'éthique de responsabilité et l'éthique de conviction, et ne pas chercher à créer au sein même de la société des divisions qui n'ont pas lieu d'être.
Le 14 décembre 2013, le Président de RIDJA, Maître Saïd Larifou, accorde un entretien au site www.lemohelien.com.
Il y est question de «changement» des mentalités, de lutte contre les «crimes économiques» qui gangrènent le pays, mais également de rejet total des membres de la classe politique comorienne actuelle, accusée, dans son entier, d'inanité, «d'amateurisme, d'insouciance et d'irresponsabilité». Il n'a pas totalement tort pour certains d'entre eux.
Pour nous, ADD ZAM ZAM, le concept même de «changement» n'est pas un vain mot. Cependant, il n'implique pas forcément l'asymétrie des conceptions diverses qui épousent l'idée de la nécessaire refondation institutionnelle du pays, mais plutôt l'élaboration d'un nouveau paradigme socioéconomique. Les divergences méthodologiques entre les uns et les autres, mais aussi les antagonismes susceptibles d'en découler, enrichissent les échanges d'idées toujours novatrices, à condition que les acteurs politiques eux-mêmes s'abstiennent de procéder par ostracisme, de raisonner par l'exclusif à partir d'a priori susceptibles d'être perçus comme des préalables.
Voilà ce qui est regrettable dans cet entretien, qui, bien qu'il soulève des questions essentielles, brille par son arrogance, assénant, ici et là, tel un couperet, des certitudes définitives sur les hommes. L'idéalisme en politique, «l'éthique de conviction», n'est pas forcément un gage de réussite. La continuité dans l'action affermit le parcours et l'expérience de chacun, accordant ainsi à notre engagement, à notre parole un crédit supplémentaire important et non négligeable.
Faisons attention, alors!
Nous sommes conscients d'une chose. Ce n'est ni le lieu ici, ni le moment de dérouler dans son ensemble le curriculum vitae d'Idi Nadhoim, de détailler tous les services qu'il a rendus au pays et qu'il compte encore lui rendre demain si le peuple comorien lui accorde sa confiance à l'issue des élections présidentielles de 2016 auxquelles, évidemment, il se porte candidat.
Rappelons cependant quelques faits majeurs.
N'est-ce pas lui, entre autres actes patriotiques de haute importance, qui, avec Abou Bacar Boina en 1972, a inscrit les Comores aux Nations Unies sur la liste des pays à décoloniser, alors qu'il était encore étudiant?
Lorsqu'il rentre aux Comores en 1981, il créa la société Socotra International, une société d'import et de distribution de matériaux de construction pour briser les monopoles sur le ciment, la vanille et le riz, monopoles détenus alors par trois familles.
Au gouvernement, le Vice-président Idi Nadhoim a été loin d'être un ministre passif, genre «béni oui-oui». On lui reconnait un rôle majeur dans le dossier pétrole et gaz aux Comores. Il a porté à lui tout seul le projet de la centrale au fioul lourd de 18 MW, avec un financement à des conditions très favorables par l'Inde, mais également le projet de pêche industriel qui a eu un financement de plus 35 millions de dollars.
Or, le Président de RIDJA avance qu'Idi Nadhoim incarnerait «les pesanteurs et les maux qui font reculer notre pays», en conséquence de quoi, il déclare n'avoir «strictement rien de commun» avec lui.
«Rien de commun»? Soit! Dont acte.
Soyons clairs. Pour la santé de nos institutions, il est tout à fait légitime que des hommes se démarquent les uns des autres. Quant à Maître Saïd Larifou, c'est de son droit de proclamer sa différence par rapport à Monsieur Idi Nadhoim. Mais au lieu de brasser des lieux communs; de lancer des anathèmesad hominien, et à la cantonade des poncifs assez éculés, il eût été plus éloquent de sa part de mener l'acte d'accusation à partir d'une argumentation recevable, de nous démontrer sincèrement en quoi Idi Nadhoim représente le «mal» faisant «reculer notre pays». Lui qui s'est tant démené pour le sortir de l'ornière.
Au passage, d'où lui est alors parvenue cette mystification navrante consistant à décréter que des acteurs majeurs d'un pays, le nôtre, ne sont plus utiles à rien, alors qu'ils œuvrent encore et toujours à son développement?
RIDJA prétend vouloir rassembler. Sa méthodologie, cependant, procède de l'exclusion, sa stratégie, du rejet. Avouons: la dialectique est assez audacieuse pour ne pas dire incongrue. Le poujadisme et sa déclinaison idéologique du «tous pourris», qui fait florès dans certaines démocraties occidentales avec les dégâts que nous connaissons, semble désormais, telle une mise en abyme, trouver son pendant dans nos contrées: le «tous incompétents». Sauf moi.
Évidemment!
Personne ne trouve donc grâce aux yeux de RIDJA et de son patron, à cause des insuffisances réelles ou supposées des uns et des autres. Inquiétant tout de même cette insupportable manie, somme toute assumée par ailleurs, de toujours s'aliéner une grande partie des forces vives de la Nation.
Cette propension comporte un qualificatif: la suffisance, signature politique peut-être même comportementale de ceux qui se croient investis d'une mission quasi déïque extraordinaire, satisfaits, gonflés qu'ils sont de leur importance. Le théâtre grec avait sondeus ex machina, et nous des individus réellement persuadés que leur seule présence sur la scène publique suffirait à résorber les insuffisances de toutes sortes, cumulées depuis tant de décennies de déliquescence.
Travaillons ensemble. Le défi est immense. Nous le croyons très sincèrement.
De nos prédécesseurs nous avons appris qu'en politique, l'on ne se positionne pas forcément contre les autres, mais par rapport aux autres, et en final de compte avec les autres.
Et si Maître Saïd Larifou, du haut de son immense mansuétude, dit pouvoir (peut-être!) octroyer un strapontin politique à Monsieur Idi Nadhoim au sein de son équipe de campagne, à la condition que celui-ci «s'identifie par rapport à [ses]valeurs», nous, de notre côté, sans morgue aucune, accordons à chaque acteur – jeune, moins jeune, âgé – la place qui lui revient, sans préalable, et ce, avec la détermination, forte; l'humilité, réelle, de ceux qui ont foi en leur engagement.
Nous n'insultons jamais l'avenir. Notre pays est riche de ses talents, fort de sa diversité. Nous ne sous-estimons aucun problème. Nous agissons, avançons avec maîtrise et sans emportement. Car le politique agit avec réflexion. Aussi, la solidité, le sérieux et l'audace qui caractérisent notre projet nous permettent-ils de prétendre au rassemblement, aujourd'hui et demain, de toutes «les forces vives» de notre jeune nation.
Nous sommes Comoriens. Et nous savons une chose: les rivières se jettent toujours à la mer: «Le fuha, lo tso henda ha m'gnalo».
Le Bureau politique d'ADD ZAM ZAM
Moroni-Nantes-Paris
© www.lemohelien.com – Jeudi 26 décembre 2013.