Des mouvements politiques s'oublient au profit de l'État et de la République. Selon une rumeur persistante, mais qu'il faudra...
Des mouvements politiques s'oublient au profit de l'État et de la République.
Selon une rumeur persistante, mais qu'il faudra vérifier quand même un jour, Kamal Abdallah serait né avec la mention «Militant» écrite en gros caractères sur le front. Vérité ou exagération? Comment le savoir? En tout cas, un fin connaisseur des mœurs politiques des Comores, Alain Deschamps, qui a été Ambassadeur de France aux Comores de 1983 à 1987, écrit, sans exagération que «dans le microcosme comorien, prétend-on, tout se sait, ce qui ne se sait pas s'invente et ce qui s'invente à force d'être répété devient vrai» (Alain Deschamps: Les Comores d'Ahmed Abdallah. Mercenaires, révolutionnaires etcœlacanthe, Karthala, Collection «Tropiques», Paris, 2005, p. 87). En tout cas, ce samedi 14 décembre 2013, Kamal Abdallah avait sa mine réjouie, celle du devoir accompli. Et de quel côté faut-il chercher cette satisfaction? On n'a même pas besoin d'être grand clerc ou devin pour savoir que ce samedi 14 décembre 2013, le Parti RIDJA et le Collectif pour la Défense de la Démocratie aux Comores ont réussi la gageure de réunir dans la salle de conférence d'un grand palace parisien de nombreux militants associatifs et politiques, mais aussi des blogueurs et des journalistes comoriens de toutes les îles, sans oublier ceux représentant des médias franco-français, pour parler de la corruption aux Comores, des ravages et malheurs de la «citoyenneté économique» et de la fraude électorale en 2010.
Quelle que soit l'appartenance partisane des uns et des autres, quelles que soient les affinités politiques des uns et des autres, force est de constater que les deux mouvements politiques ont réussi à remplir la salle de conférence et à tenir en haleine la salle de conférence pendant 3 heures, sans ennuyer une assistance largement composée de convaincus qu'il fallait quand même prêcher, car il n'est pas interdit de sucrer les fraises.
D'entrée de jeu, Kamal Abdallah, après avoir demandé et obtenu une minute de silence à la mémoire du Président Nelson Mandela, se lança dans une charge très sévère contre le régime politique comorien: «Voilà un certain nombre d'années que nous nous enfonçons aveuglement dans les ornières du sous-développement, le pays allant de crise en crise: crise politique, crise institutionnelle, crise économique et financière, crise morale, et on peut même citer une crise idéologique, une crise de valeurs, entraînant une crise et une perte de repères. En tout cas, il n'y a là aucune exagération. Chaque fois que nous pensons pouvoir nous tirer d'affaire en quelque sorte, sortir de l'œil du cyclone, eh bien, malheureusement, la rechute n'est jamais loin. De nouveau, nous sombrons dans une autre crise encore plus grave et encore plus profonde et c'est depuis 1975 que ce cycle infernal se perpétue tel un rituel immuable».
Levant les yeux sur l'assistance et constatant que celle-ci en redemandait, il lança une nouvelle salve contre le gouvernement: «Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, l'essoufflement du pays n'a pas tardé à se faire sentir, se traduisant par l'affection des cordes sensibles, et des organes les plus exposés donc fragiles engendrant le ravage de l'économie nationale, le délitement des institutions, la dégradation des mœurs, la perte des repères ancestraux et des valeurs intrinsèques, tant les actes délictueux, nocifs et diffus posent des problèmes aux régimes successifs qui ont fini par avoir raison sur un pays transformé en un champ de ruines, ou la désolation s'est établie à chaque coin de rue. Il y a un spectacle mortifère, dont la conséquence logique a contribué au brouillage total aussi bien de l'action politique que de la parole politique elle-même, devenue inaudible, ne véhicule aucun message d'espoir susceptible d'enfanter le rêve comorien: cela peut être considéré comme un euphémisme, là ou le cri du cœur et la préoccupation première de tout un chacun sont de survivre coûte que coûte, jusqu'au péril de la vie, et c'est un oxymore».
Il s'attaqua tour à tour à la corruption aux Comores, à la «citoyenneté économique», le dada de «la bande de 4: Ahmed Sambi, Ikililou Dhoinine, Mohamed Ali Soilihi dit Mamadou et Abou Achirafi Ali Bacar, ces 4 cavaliers de l'apocalypse», rappelant les dangers véhiculés par le trabendo des passeports sur les Comores et sur les autres États et entités politiques.
Par ailleurs, il ne se fit pas prier pour partir en guerre contre «l'élection frauduleuse d'Ikililou Dhoinine à la tête de l'Union des Comores en 2010. Il s'agit, dans ce cas précis, ni plus ni moins, que d'une escroquerie électorale, même si personne ne se faisait des illusions sur le tournant surprenant de la suite des événements, même si personne n'était dupe dans la manœuvre électorale frauduleuse, car à aucun moment, les électeurs comoriens n'ont été aveugles sur la mascarade électorale qui a porté au pouvoir le candidat du pouvoir sortant. Des preuves matérielles ont été escamotées. Il y a eu fraude électorale car les procès-verbaux de vote ont été falsifiés, et contredisent les résultats proclamés. Même le ministre d'État chargé des Élections l'a dit le 26 décembre 2010 et les jours qui ont suivi. À 51,8%, le candidat Mohamed Saïd Fazul et ses colistiers étaient élus, et des observateurs internationaux, l'ambassade de France aux Comores, l'Union européenne et bien d'autres ont parlé de bourrage des urnes, surtout à Anjouan, où il n'y a pratiquement pas eu de vote, les militaires au service du régime s'étant chargés de la sale besogne, au lieu de contribuer à la sécurisation de l'élection. Ils ont été les complices d'un régime politique aux abois».
Intervenant sur le même thème de la fraude électorale, Mohamed Chanfioun parla de «démocratie d'une volonté militaire», rappelant qu'en 1990, 2002 et 2010, les Comores ont assisté à une mascarade électorale, que l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) fit valider des élections truquées en 2002 par 4 de ses juristes, s'attaquant à l'Union africaine et à l'Union européenne, qui firent valider une élection bidon en 2010. Pour lui, il est utile de sécuriser les élections à venir, en rappelant le fiasco de nombreux pays africains en matière électorale, fiasco dont les conséquences peuvent être celles d'une Centrafrique en pleine guerre civile et secourue par la France. Pour Mohamed Chanfioun, la fraude électorale correspond à une «usurpation de l'expression citoyenne».
Évoquant la personnalité du Président Nelson Mandela, il rappela qu'en 1998, lors d'une conférence des Pays Non-alignés, notre icône mondiale avait pris à part la délégation comorienne pour lui dire que l'affaire de Mayotte concernait les Comores certes, mais était avant tout un dossier africain.
Pour sa part, Maître Saïd Larifou, qui oublia son appartenance au Parti RIDJA, ne parla, à l'image de ses prédécesseurs, que de l'État et de la République. Il apprit à une assistance avide de nouvelles pour alimenter les entretiens téléphoniques entre les Comores et la France et ceux du métro parisien et des salons cossus que fin décembre 2013, deux avocats seront à Moroni pour porter plainte à la Cour constitutionnelle au sujet de la fraude électorale de 2010. Comme la fraude électorale est devenue «un sport politique», il est nécessaire d'abandonner la posture de victimes pour agir en «Justice» contre les abus. Il rappela le «trésor de guerre» qu'Ahmed Sambi constitua sur le dos des Comoriens en vue des élections de 2014 et 2016. Une plainte signée par des centaines de Comoriens est déposée à Moroni depuis le 5 septembre 2013, mais la «Justice» comorienne traîne les pieds, les magistrats comoriens avouant publiquement que «l'institution judiciaire comorienne est atteinte d'un cancer appelé "corruption"». Les Députés ont fait leur propre aveu sur la corruption qui les gangrène. Il rappela également le crêpage de chignons entre Vice-présidents ayant signé des documents officiels contradictoires sur un pétrole comorien dont on n'est sûr de rien. Que dire des 20 millions de dollars du Projet Habitat qu'Ahmed Sambi a fait disparaître après les avoir reçus de l'Arabie Saoudite? Que dire du 269, le code indicatif des Comores, faisant l'objet d'une opération mafieuse internationale à partir des Comores? Que dire de Comores Télécom, qu'on veut brader pour rembourser des dettes, mais de quelles dettes? Que dire de ce dirigeant comorien dont le compte en banque à l'étranger affiche les 45 millions d'euros? Pourtant, les dirigeants comoriens ne font jamais le bilan de leur activité politique et ne présentent jamais des excuses au peuple.
Pour Maître Saïd Larifou, la «citoyenneté économique» est «le crime du siècle», et un magot de 200 millions de francs sorti de ses entrailles a été détourné par les autorités. Le RIDJA a demandé au Président Ikililou Dhoinine de faire du détournement de fonds un crime, avec effet rétroactif.
S'agissant de Mayotte, Maître Saïd Larifou préconise une culture de dialogue, compromis et modération, insistant le fait que lui-même avait déjà un dialogue politique continu avec des acteurs politiques de Mayotte, un dialogue basé sur la confiance et le respect.
Enfin, l'ancien ministre Nourdine Ahmed Abdou Elaniou insista sur la nécessité de se mobiliser au delà des appartenances politiques et partisanes, et surtout des origines familiales, deux membres de la même famille pouvant appartenir des sensibilités bien différentes, voire antagonistes.
Cette conférence de presse transformée en Assises de la République fut un bel exercice médiatique et politique, et sa beauté réside dans le fait qu'elle n'a pas été transformée en meeting électoral pour 2016.
Par ARM
© www.lemohelien.com – samedi 14 décembre 2013.