Une Constitution cauchemardesque pour un cauchemar juridique permanent. Les Comores n’ont vraiment pas de chance. Alors que leur Co...
Une Constitution cauchemardesque pour un cauchemar juridique permanent.
Les Comores n’ont vraiment pas de chance. Alors que leur Constitution devait être leur «Magna Carte», leur Grande Charte, leur Loi fondamentale régissant les institutions et devant faciliter la vie en commun, elle est devenue la principale source des crises politiques permanentes et à répétition, la principale source de conflits de personnes et d’intérêts très occultes, bref, l’origine et le catalyseur de toutes les confusions institutionnelles et politiques. Cette Constitution n’est pas seulement mal rédigée sur le plan formel, mais également vide et incomplète sur le fond, renvoyant à d’inutiles et introuvables lois organiques censées la compléter, mais l’alourdissant et la rendant davantage inapplicable. Elle est tout juste un arrangement entre acteurs politiques cherchant à définir les intérêts immédiats des uns et des autres, au détriment de ceux de la communauté nationale. De fait, pour la lire, on doit constamment passer du texte constitutionnel à une multitude de lois...
organiques inexistantes, illisibles et inaccessibles, quand elles veulent bien exister. Élaborée par des néophytes en Droit constitutionnel, la Constitution du 23 décembre 2001, porte toutes les contradictions du régime politique du Président Azali Assoumani et est une somme de mauvais compromis et de compromissions handicapantes.
La classe politique comorienne refuse d’admettre que l’élaboration de toute Constitution est une affaire de spécialistes, et ramène la Constitution comorienne à des considérations de personnes, alors qu’il s’agit d’affaires très importantes, des affaires engageant la vie et l’harmonie au sein de la communauté nationale. On ne connaît aucun constitutionnaliste comorien ayant participé à la rédaction de la Constitution du 23 décembre 2001 et à la très problématique et très controversée révision constitutionnelle de 2009. Les experts étrangers associés à l’opération ne connaissent pas le contexte institutionnel, sociologique et politique du pays, même s’ils ont une idée bien précise des crises politiques à répétition qui traversent le pays. Cela étant, les opérations constitutionnelles de 2001 et 2009 sont complètement ratées, et cela, parce qu’entreprises par d’acteurs politiques animés d’une mauvaise foi évidente et manifeste, et n’ayant prouvé aucune volonté à défendre l’intérêt de l’État et du peuple comoriens.
«Pacta Sunt Servanda», «Les Pactes doivent être respectés de bonne foi», disaient déjà les Latins dans l’Antiquité. Une Constitution est un pacte. Mais, aujourd’hui, on ne voit pas comment faire appliquer les règles constitutionnelles de bonne foi, surtout quand on sait que la Constitution comorienne est devenue un facteur de légitimation d’intérêts illégaux et immoraux. En somme, c’est la Constitution des convenances personnelles et des arrangements dont la matérialité est dangereuse pour la République. D’ailleurs, certains Comoriens disent ouvertement que cette Constitution abolit la République aux Comores. Selon eux, il n’y aurait plus de République aux Comores.
Cette Constitution est élaborée sous la pression des séparatistes anjouanais, qui mettaient à mal l’unité du pays depuis février 1997 et dont la reddition n’a pu être obtenue qu’à la suite du débarquement militaire à Anjouan, baptisé «Démocratie aux Comores», débarquement qui a eu lieu le 25 mars 2008. Dans cette Constitution, on a fait inscrire tout et n’importe quoi. Les autorités fédérales l’ont négociée en position de faiblesse, alors qu’elles avaient le droit et la possibilité de faire plier les séparatistes et de faire voler en éclats leurs élucubrations, excès et revendications. Pour ce faire, il suffisait de leur dire que leurs exigences étaient pour le moins inadmissibles et qu’ils étaient libres de créer leur «État indépendant et rattachiste» à Anjouan, à condition qu’ils rapatrient sur «leur» île, les Anjouanais installés sur ces îles de Mohéli et de Grande-Comore, dont ils ne voulaient pas entendre parler. Cela aurait rendu les séparatistes plus réalistes, et ils auraient compris que leur projet était irréalisable. Mais, cela n’a pas été fait, et les Comores se retrouvèrent avec la pire des Constitutions, un texte aux allures de cauchemar.
En lisant la Constitution comorienne, on est scandalisé par l’extrême longueur de ses articles et de ses paragraphes. Une bonne Constitution est avant tout une Constitution lisible, donc une Constitution ayant des dispositions rédigées dans un style limpide et accessible à tous les citoyens, sans qu’il ne soit besoin d’en faire l’exégèse à tout moment. Et pour obtenir cette lisibilité, il est nécessaire de la présenter sous forme d’articles très courts, concis et précis. Ça n’a pas été le cas. L’usage des alinéas en facilite la lecture et la compréhension, et permet d’éviter les interprétations tendancieuses et intéressées.
Le constituant comorien ne l’a pas compris et a rédigé un texte dont certains articles comportent plus de 10 phrases et 10 lignes. Comment lire donc un texte galimatias, un tel charabia, un tel fatras?
Certaines Constitutions étrangères comportent plus de 200 articles. La Constitution brésilienne du 5 octobre 1988 – la plus longue au monde – comporte 246 articles, détaillés et comportant de nombreux paragraphes et alinéas. Plus intéressant encore, la Constitution de la Confédération helvétique (Suisse) est tellement précise que son article 32 interdit l’absinthe, une plante à partir de laquelle on peut fabriquer du vin. Lire la Constitution allemande est un plaisir et un bonheur. Par contre, aux Comores, lire la Constitution relève de la malédiction cauchemardesque. C’est pour ça qu’on a l’impression de découvrir un nouvel article chaque jour dans la Constitution comorienne et que l’application de chaque article relève du parcours du combattant.
Sur le site Internet de Beït-Salam, il n’y a pas un texte, mais deux qui sont mis en ligne. La date de la révision de la Constitution de 2009 n’est même pas mentionnée, mais celle de la promulgation du texte de 2001, en… 2009. Quelle ringardise! Sur Internet, et même sur le site officiel de Beït-Salam, il n’y a rien de définitif. Sur certains sites, on trouve des articles abrogés qui sont rayés comme sur un cahier d’écolier, alors que c’est uniquement la version finale, expurgée des articles abrogés qui devrait être affichée, car ils sont les seuls applicables. Sur le site de Beït-Salam, le mandat du Président est toujours de 4 ans (!), alors que depuis 2009, il est de 5 ans. C’est tout simplement le deuil et la malédiction. Sur ce même texte mis en ligne sur le site de Beït-Salam, les fautes et les incongruités se comptent par dizaines. C’est encore horripilant et désespérant. Dans un texte, tel problème est réglé à l’article 13 et dans telle autre version, le même article prend le numéro 20.
Quand on voit que les autorités sont obligées de se bagarrer pour appliquer un article, on se rend compte que les Comores n’ont pas fait le meilleur choix en ce qui concerne les acteurs politiques chargés de l’élaboration de la Constitution. Aujourd’hui, l’amateurisme de l’autorité a légué aux Comores une Constitution qui soulève la controverse même en ce qui concerne la date à laquelle doit prendre fin le mandat des Députés. Demain, ça sera quoi, et après-demain? Et le jour d’après? Comment, dans ces conditions, peut-on travailler dans la sérénité pour le développement du pays?
Par ARM
© lemohelien – Vendredi 15 novembre 2013.