Le coût de la vie aux Comores, ou l’étranglement par l’estomac

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De manière quelque peu fétichiste et mécaniste, les fameux experts ont répété à satiété que les Comores de jadis vivaient à 80% de l’agri...

De manière quelque peu fétichiste et mécaniste, les fameux experts ont répété à satiété que les Comores de jadis vivaient à 80% de l’agriculture et de la pêche traditionnelles. Aussi curieux que cela puisse paraître, à cette époque, personne ne parlait du coût de vie des Comoriens. Dans certaines villes dans lesquelles on trouvait l’eau courante, l’électricité et les produits des nouvelles technologies de l’époque, on disait mieux vivre. Cependant, aujourd’hui, dans le hameau situé au fin fond de la campagne comorienne, là où ne s’aventure aucun taxi-brousse, les habitants ont des ambitions légitimes, veulent en découdre pour vivre de la même manière qu’à Moroni, Mutsamudu, Fomboni, Mitsamiouli ou Foumbouni. On l’aura compris, la société comorienne se métamorphose à une grande vitesse. 


L’électricité, le téléphone fixe et portable, l’internet et les crédits liés aux nouvelles technologies des télécommunications et de l’information (NTIC) aiguisent l’appétit des uns et des autres, qui, pour la plupart, doivent vivre avec un salaire maximal de 75.000 francs comoriens, c’est-à-dire 150 euros, et pour des «accessoires de vie» qui en valent le quadruple. Dans ces conditions, même en imitant la fourmi, personne n’est susceptible de vivre de façon digne et honnête. Est-ce de cela que proviennent la corruption et la débauche qui vont crescendo dans notre pays? Question bien difficile…

    Tout le monde dit que les prix des denrées de première nécessité sont inabordables. Les fruits non importés tels que la papaye, la mangue et les fruits à pain sont hors de prix, coûtant jusqu’à 1.000 francs l’unité. Le kilo de poisson frais frôle les 3.000 francs et le kilo de viande est de 1.750 francs. Les prix des produits locaux (ignames, banane, manioc, pomme de terre, tomates, divers fruits...) battent des records.

    Par ailleurs, pour leur part, les loyers varient considérablement en fonction non seulement de la ville et du quartier, mais aussi du type de bâtiment. Pour louer un appartement digne de ce nom à Moroni, il faut compter au minimum, 75.000 francs. Dès lors, comment le cadre moyen venant des îles d’Anjouan et de Mohéli et de la province grand-comorienne vivra-t-il dans cette ville cosmopolite et onéreuse? Le loyer d’une chambre modeste en tôle ondulée varie de 25.000 à 50.000 francs. Par conséquent, la vie est devenue très difficile chez nous. Nous vivons actuellement dans un consumérisme imité de la société de consommation occidentale. Le consumérisme sans moyens appropriés s’installe dans chaque espace de vie aux Comores. Les centres commerciaux poussent et fleurissent comme jardin au printemps et pullulent dans la capitale, mais face à une population sans réel pouvoir d’achat. Les produits pétroliers coûtent trop cher. Le parc automobile est devenu pléthorique; ce qui génère des embouteillages et une pollution alarmante.

    A l’Université des Comores, pour prendre un exemple concret, un professeur ayant usé tous ses pantalons sur les bancs des Facultés durant 8 années de galère après le Baccalauréat (au minimum) pour obtenir son Doctorat perçoit un salaire de 250.000 francs, c’est-à-dire 500 euros. Si mes calculs sont exacts, et ils le sont, il doit vivre dans un appartement de 75.000 francs au minimum (150) et avoir une voiture pour ses déplacements, et compte tenu du prix du litre de carburant, il aura 50.000 francs (100 €) de carburant mensuel, sans la main-d’œuvre. Ses courses mensuelles à Moroni lui reviendront à 100.000francs (200 €). Alors, dites-moi, comment peut-t-il vivre avec 25.000 francs (50 €) d’économie? Que dire du coût occasionné par les frais liés aux soins médicaux et à l’écolage des enfants? Que doit-on faire face à une telle situation ?

    L’État comorien doit, vaille que vaille, remédier à cette situation, en mettant en place une structure devant ajuster les salaires au coût de la vie, car toutes les démarches visant à juguler la recrudescence de la corruption et la débauche doivent être envisagées. Si aujourd’hui, le commerce informel est adopté par plusieurs jeunes Comoriens, en l’occurrence des jeunes diplômés de l’Université, c’est tout simplement parce qu’en ayant la Licence, ils auraient dû devenir Professeurs au collège et au lycée. Mais, le salaire n’est pas encourageant: à peu près 85.000 francs et, avec un master, 125.000 francs. En vendant des sachets dans la rue, le jeune diplômé peut facilement avoir le triple de ce salaire. Pourquoi ne pas travailler pour son compte et gagner plus, en jonglant avec toutes les taxes possibles? L’augmentation des salaires pourrait contribuer à relancer l’économie et convaincre certains agents de l’État de ne pas se livrer à la corruption.

    --Certes, l’Union des Comores déploie des efforts pour stabiliser la régularité des salaires des fonctionnaires et agents de l’État. C’est un geste salutaire et louable, mais encore faut-il se demander combien de fonctionnaires et agents de l’État y a-t-il sur toute l’étendue du territoire national. D’aucuns avancent le chiffre de 20% de la population comorienne. Et les 80% qui ne perçoivent pas de salaire émanant de l’État vivent comment? Ce sont des questions que le comorien lambda se pose à longueur de journée. Sans verser dans une vision manichéenne et simplificatrice d’une réalité trop complexe, je me suis penché sur cet angle relatif aux salaires et au pouvoir d’achat sachant pertinemment qu’au fur et à mesure que le temps passe les prix montent en flèche et le coût de vie est inabordable. 75000 francs ne suffisent plus au Comorien pour joindre les deux bouts. Des études sérieuses ont été menées et ont prouvé qu’avec cette somme, le cadre moyen comorien ne pourra plus subvenir aux besoins les plus élémentaires de sa famille. Plusieurs pays africains ont compris cet état de fait et ont fixé un salaire minimum.

    La richesse d’un État doit être équitablement répartie. C’est ainsi que les cadres supérieurs doivent être rémunérés à leur juste valeur; ce qui pourrait freiner la fuite de cerveaux vers les pays riches. Notre pays regorge d’une grande ressource humaine mais qui se plaint de n’être pas rémunérée de la même façon que leurs semblables d’autres pays d’Afrique subsaharienne, par exemple.

    Des négociations sérieuses doivent être engagées par tous les acteurs politiques, économiques et sociaux afin d’envisager les voies et les moyens pouvant réduire le niveau de vie extrêmement cher dans ce pays. Le gouvernement, en réduisant cette cherté de la vie pourrait mieux lutter contre la corruption, parce que la vie chère peut inciter les Comoriens à enfreindre la Loi dans tous les secteurs pour survivre.


Docteur Ali ABDOU MDAHOMA
Professeur de lettres modernes, à Paris
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