Le philosophe Paul Ricur a écrit: «Nos démocraties électives ne sont pas, ou de façon inaccomplie, des démocraties représentatives». C'...
Le philosophe Paul Ricur a écrit: «Nos démocraties électives ne sont pas, ou de façon inaccomplie, des démocraties représentatives». C'est sans aucun doute ainsi que l'on pourrait décrire la démocratie comorienne, telle qu'elle résulte de la Constitution adoptée le 23 décembre 2001. Il faut relire ce texte fondamental, amendé en 2009, pour comprendre.
Aux termes de l'article 13 de la Constitution comorienne, la Présidence est tournante entre les îles. Le Président et les Vice-présidents sont élus, ensemble, au suffrage universel direct majoritaire à un tour pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable dans le respect de la présidence tournante. Une élection primaire est organisée sur une île, et seuls les trois candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés peuvent se présenter à l'élection présidentielle au niveau national. Dans tous les cas, l'élection primaire ne peut s'organiser deux fois successives sur la même île (article 8 de la loi référendaire).
Faisons une analyse linéaire de cet article.
La Présidence est tournante entre les îles.
L'article 1er de la Constitution dispose que «l'Union des Comores est une République, composée des îles autonomes de Mwali (Mohéli), Maoré (Mayotte), Ndzuwani (Anjouan), N'gazidja (Grande-Comore)». Afin de permettre l'application de l'article 13 de la Constitution, la loi organique n°005-09/AU a été adoptée le 5 juin 2005, puis réformée par une seconde loi organique votée le 6 septembre 2010. Celle-ci, en son article premier, dispose qu'«au terme des mandats exercés par Ngazidja en 2002, Ndzuwani en 2006, le tour revient à Mwali ensuite Maoré sous réserve des dispositions de l'article 44 de la Constitution». Les trois premières îles ayant déjà été amenées à exercer la fonction suprême, c'est, en théorie, à Maoré qu'échoit le tour de 2016. En théorie
Se pose alors la question épineuse de Maoré. Comment peut-elle devenir la 4ème île à présider l'Union, quand on sait qu'elle a acquis le statut de 101ème département français le 31 mars 2011? Les Mahorais peuvent-ils être électeurs ou éligibles à la prochaine mandature, compte tenu de cette situation juridique et politique très particulière? Pour répondre à cette question, il faudra prendre en compte, deux éléments.
Tout d'abord, les dispositions transitoires de la Constitution, qui prévoit en son article 44 que «les institutions de Maoré (Mayotte) seront mises en place dans un délai n'excédant pas six mois à compter du jour où prendra fin la situation qui empêche cette île de rejoindre effectivement l'Union des Comores. La présente Constitution sera révisée afin de tirer les conséquences institutionnelles du retour de Maoré (Mayotte) au sein de l'Union». Force est de constater que la situation sus-évoquée n'a toujours pas pris fin.
Il faut, ensuite, tenir compte du Code électoral tel qu'issu de la loi N°07-001/AU du 14 janvier 2007, et à la suite de la réforme instaurée par la loi adoptée le 1er aout 2010. Le Code électoral prévoit en son article 10 que «nul ne peut avoir la qualité d'électeur s'il n'est inscrit sur une liste électorale». L'article 24 de la loi électorale précise, par ailleurs, que «les listes électorales de la ville, la commune ou le village, sont établies après un recensement des électeurs par la structure insulaire représentant la structure nationale en charge de la révision et de l'établissement des listes électorales».
De ces dispositions, on retient deux éléments fondamentaux: l'impossibilité pour la structure nationale comorienne de se faire représenter sur l'île de Maoré afin d'élaborer les listes électorales, d'une part; l'impossibilité d'instaurer les institutions de Maoré telles que prévues par la Constitution, compte tenu de la situation juridique et politique qui prévaut sur l'île, d'autre part.
Cependant, un texte adopté conformément aux conditions de l'article 42 relatif à la modification de la Constitution, pourrait, si une volonté politique existe, fixer des modalités transitoires pour une représentation de Maoré au sein des institutions comoriennes, en attendant son retour effectif dans l'Union.
La question de Maoré mise à part, le principe de la tournante tel que posé par la Constitution, met à mal le principe même de la démocratie. Le Lexique des Termes juridiques de Gérard Cornu définit la démocratie comme étant le «régime dans lequel le peuple adopte lui-même les lois et décisions importantes et choisit lui-même les agents d'exécution». En imposant l'appartenance insulaire, comme prélude à la présidence, la Constitution restreint le choix de «ces agents d'exécution» et rend illusoire le principe même de la démocratie.
Le Président et les Vice-présidents sont élus ensemble au suffrage universel direct majoritaire à un tour pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable dans le respect de la tournante.
Pour compléter cette disposition constitutionnelle, la loi électorale évoquée précédemment prévoit en son article 2 que «les modalités particulières de l'élection du Président de l'Union relatives aux conditions d'éligibilité et aux modalités d'application de cette disposition sont fixées par une loi organique». Cette loi organique de 2010 relative aux conditions d'éligibilité du Président de l'Union et aux Modalités d'Application de l'article 13 de la Constitution, dispose, quant à elle, en son article premier que: «Tout candidat à l'élection présidentielle désigne ses Vice-présidents qui doivent se présenter en même temps que le candidat titulaire au poste du Président».
Aucune disposition dans la Constitution ou des lois organiques qui la complètent ou dans le Code électoral n'empêche qu'un Vice-président issu de l'île de Maoré ne soit désigné et élu avec un candidat à l'élection présidentielle dès lors qu'il est régulièrement inscrit sur une liste électorale.
Cette absence de contre-indication, permettrait l'élection d'un Vice-président mahorais et répondrait en partie à la problématique actuelle relative de non-représentation de Mayotte au sein des institutions.
Une élection primaire est organisée sur une île, et seuls les trois candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés peuvent se présenter à l'élection présidentielle au niveau national.
L'article 13 de la Constitution prévoit des élections primaires sur l'île à qui échoit la présidence. Pour des raisons techniques, politiques et administratives, celles-ci ne pourront pas avoir lieu sur l'île de Maoré. Mais n'est-il pas nécessaire de réformer ce point essentiel du mode de scrutin adopté en 2001?
En effet, est-il démocratique qu'une île, décide pour l'ensemble des autres îles, quels seront les candidats à l'élection présidentielle? N'est-ce pas une illusion démocratique que de laisser une minorité décider pour la majorité? Après la dictature de la majorité, les Comores sont-elles en présence de la dictature de la minorité? Pour illustrer ces questions, il suffirait à peine d'étudier les chiffres relatifs aux élections présidentielles de 2010 tels que présentés par le rapport de la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI) du 4 mai 2011. Ce rapport fait état d'élections qui auraient mobilisé au total 370.729 électeurs, dont 215.895 électeurs à Ngazidja, 133.405 à Ndzouani et 21.429 à Mwali (assainissement des listes électorales réalisé au mois d'octobre 2010). En l'espèce, moins de 22.000 électeurs ont choisi pour le compte de plus de 370.000 électeurs, ce qui correspond à 5, 78% des électeurs. On peut valablement donc parler d'une dictature d'une infime minorité.
Peut-on, pour des raisons démocratiques, maintenir ce système électoral? Ne faut-il pas supprimer les élections primaires et revenir à un système d'élections à deux tours sur l'ensemble du territoire nationale?Le débat reste ouvert ,à condition que la société civile,les partis politiques ainsi que les élus, acceptent de se poser les bonnes questions, puisqu’il est attendu d'eux de vraies solutions.
Références
La constitution de l'Union des Comores du 23 décembre 2001;
La loi référendaire portant révision de la constitution de l'Union des Comores du 23 décembre 2001;
La loi organique N°10-019/AU du 6 septembre 2010 fixant les conditions d'éligibilité du président de l'Union et les modalités d'application de l'article 13 de la constitution;
L'accord pour la gestion de la période intérimaire du 16 juin 2010.
Avec www.lemohelien.com
Aux termes de l'article 13 de la Constitution comorienne, la Présidence est tournante entre les îles. Le Président et les Vice-présidents sont élus, ensemble, au suffrage universel direct majoritaire à un tour pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable dans le respect de la présidence tournante. Une élection primaire est organisée sur une île, et seuls les trois candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés peuvent se présenter à l'élection présidentielle au niveau national. Dans tous les cas, l'élection primaire ne peut s'organiser deux fois successives sur la même île (article 8 de la loi référendaire).
Faisons une analyse linéaire de cet article.
La Présidence est tournante entre les îles.
L'article 1er de la Constitution dispose que «l'Union des Comores est une République, composée des îles autonomes de Mwali (Mohéli), Maoré (Mayotte), Ndzuwani (Anjouan), N'gazidja (Grande-Comore)». Afin de permettre l'application de l'article 13 de la Constitution, la loi organique n°005-09/AU a été adoptée le 5 juin 2005, puis réformée par une seconde loi organique votée le 6 septembre 2010. Celle-ci, en son article premier, dispose qu'«au terme des mandats exercés par Ngazidja en 2002, Ndzuwani en 2006, le tour revient à Mwali ensuite Maoré sous réserve des dispositions de l'article 44 de la Constitution». Les trois premières îles ayant déjà été amenées à exercer la fonction suprême, c'est, en théorie, à Maoré qu'échoit le tour de 2016. En théorie
Se pose alors la question épineuse de Maoré. Comment peut-elle devenir la 4ème île à présider l'Union, quand on sait qu'elle a acquis le statut de 101ème département français le 31 mars 2011? Les Mahorais peuvent-ils être électeurs ou éligibles à la prochaine mandature, compte tenu de cette situation juridique et politique très particulière? Pour répondre à cette question, il faudra prendre en compte, deux éléments.
Tout d'abord, les dispositions transitoires de la Constitution, qui prévoit en son article 44 que «les institutions de Maoré (Mayotte) seront mises en place dans un délai n'excédant pas six mois à compter du jour où prendra fin la situation qui empêche cette île de rejoindre effectivement l'Union des Comores. La présente Constitution sera révisée afin de tirer les conséquences institutionnelles du retour de Maoré (Mayotte) au sein de l'Union». Force est de constater que la situation sus-évoquée n'a toujours pas pris fin.
Il faut, ensuite, tenir compte du Code électoral tel qu'issu de la loi N°07-001/AU du 14 janvier 2007, et à la suite de la réforme instaurée par la loi adoptée le 1er aout 2010. Le Code électoral prévoit en son article 10 que «nul ne peut avoir la qualité d'électeur s'il n'est inscrit sur une liste électorale». L'article 24 de la loi électorale précise, par ailleurs, que «les listes électorales de la ville, la commune ou le village, sont établies après un recensement des électeurs par la structure insulaire représentant la structure nationale en charge de la révision et de l'établissement des listes électorales».
De ces dispositions, on retient deux éléments fondamentaux: l'impossibilité pour la structure nationale comorienne de se faire représenter sur l'île de Maoré afin d'élaborer les listes électorales, d'une part; l'impossibilité d'instaurer les institutions de Maoré telles que prévues par la Constitution, compte tenu de la situation juridique et politique qui prévaut sur l'île, d'autre part.
Cependant, un texte adopté conformément aux conditions de l'article 42 relatif à la modification de la Constitution, pourrait, si une volonté politique existe, fixer des modalités transitoires pour une représentation de Maoré au sein des institutions comoriennes, en attendant son retour effectif dans l'Union.
La question de Maoré mise à part, le principe de la tournante tel que posé par la Constitution, met à mal le principe même de la démocratie. Le Lexique des Termes juridiques de Gérard Cornu définit la démocratie comme étant le «régime dans lequel le peuple adopte lui-même les lois et décisions importantes et choisit lui-même les agents d'exécution». En imposant l'appartenance insulaire, comme prélude à la présidence, la Constitution restreint le choix de «ces agents d'exécution» et rend illusoire le principe même de la démocratie.
Le Président et les Vice-présidents sont élus ensemble au suffrage universel direct majoritaire à un tour pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable dans le respect de la tournante.
Pour compléter cette disposition constitutionnelle, la loi électorale évoquée précédemment prévoit en son article 2 que «les modalités particulières de l'élection du Président de l'Union relatives aux conditions d'éligibilité et aux modalités d'application de cette disposition sont fixées par une loi organique». Cette loi organique de 2010 relative aux conditions d'éligibilité du Président de l'Union et aux Modalités d'Application de l'article 13 de la Constitution, dispose, quant à elle, en son article premier que: «Tout candidat à l'élection présidentielle désigne ses Vice-présidents qui doivent se présenter en même temps que le candidat titulaire au poste du Président».
Aucune disposition dans la Constitution ou des lois organiques qui la complètent ou dans le Code électoral n'empêche qu'un Vice-président issu de l'île de Maoré ne soit désigné et élu avec un candidat à l'élection présidentielle dès lors qu'il est régulièrement inscrit sur une liste électorale.
Cette absence de contre-indication, permettrait l'élection d'un Vice-président mahorais et répondrait en partie à la problématique actuelle relative de non-représentation de Mayotte au sein des institutions.
Une élection primaire est organisée sur une île, et seuls les trois candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés peuvent se présenter à l'élection présidentielle au niveau national.
L'article 13 de la Constitution prévoit des élections primaires sur l'île à qui échoit la présidence. Pour des raisons techniques, politiques et administratives, celles-ci ne pourront pas avoir lieu sur l'île de Maoré. Mais n'est-il pas nécessaire de réformer ce point essentiel du mode de scrutin adopté en 2001?
En effet, est-il démocratique qu'une île, décide pour l'ensemble des autres îles, quels seront les candidats à l'élection présidentielle? N'est-ce pas une illusion démocratique que de laisser une minorité décider pour la majorité? Après la dictature de la majorité, les Comores sont-elles en présence de la dictature de la minorité? Pour illustrer ces questions, il suffirait à peine d'étudier les chiffres relatifs aux élections présidentielles de 2010 tels que présentés par le rapport de la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI) du 4 mai 2011. Ce rapport fait état d'élections qui auraient mobilisé au total 370.729 électeurs, dont 215.895 électeurs à Ngazidja, 133.405 à Ndzouani et 21.429 à Mwali (assainissement des listes électorales réalisé au mois d'octobre 2010). En l'espèce, moins de 22.000 électeurs ont choisi pour le compte de plus de 370.000 électeurs, ce qui correspond à 5, 78% des électeurs. On peut valablement donc parler d'une dictature d'une infime minorité.
Peut-on, pour des raisons démocratiques, maintenir ce système électoral? Ne faut-il pas supprimer les élections primaires et revenir à un système d'élections à deux tours sur l'ensemble du territoire nationale?Le débat reste ouvert ,à condition que la société civile,les partis politiques ainsi que les élus, acceptent de se poser les bonnes questions, puisqu’il est attendu d'eux de vraies solutions.
Références
La constitution de l'Union des Comores du 23 décembre 2001;
La loi référendaire portant révision de la constitution de l'Union des Comores du 23 décembre 2001;
La loi organique N°10-019/AU du 6 septembre 2010 fixant les conditions d'éligibilité du président de l'Union et les modalités d'application de l'article 13 de la constitution;
L'accord pour la gestion de la période intérimaire du 16 juin 2010.
Avec www.lemohelien.com