Les journalistes de racolage ont détruit le journalisme politique aux Comores

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Journalistes de révérence ou malheurs de l'information politique . Il est des réflexes qui ne se perdent pas facilement. Et, les Comor...

Journalistes de révérence ou malheurs de l'information politique.

Il est des réflexes qui ne se perdent pas facilement. Et, les Comores ont du mal à perdre les réflexes acquis au cours du monolithisme politique, quand la presse était tout simplement la voix de son maître. Aujourd'hui, alors que le pluralisme médiatique est entré dans les murs des Comoriens, les Gardiens du Temple ont gardé leurs réflexes de servilité médiatique comme aux temps de «Son Excellence Monsieur le Président a dit». 


De fait, les interviews des dirigeants comoriens sont devenues une immense supercherie dans laquelle les journalistes aux ordres de la pathétique ORTC-TNC se comportent en véritables griots huileux et boutonneux. Pour s'en convaincre, il suffirait à peine de les observer quand, dégoulinant d'obséquiosité envers l'autorité qui leur fait face, ils lui accordent plus de 7 minutes le chronométrage a été effectué pour répondre à la plus insipide des questions.

C'est un débat à sens unique que n'importe quel spécialiste des médias conçoit en termes d'arrangement pour que les questions formulées par l'autorité et imposées au journaliste soient celles qui seront posées au cours de la parodie d'interview. Quelle pitié quand on voit le journaliste finir les phrases de son invité, dans un bel exercice de langue de bois. Un tel journaliste détruit sa propre crédibilité. Un exemple bien parlant peut être cité à cet égard. Samedi 24 août 2013, le Blog du RIDJA a livré au public une interview accordée à l'ORTC par le Vice-président Mohamed Ali Soilihi sur les fameux 11 millions de francs comoriens que l'ancien Président Ahmed Sambi dit avoir laissés dans les caisses de l'État comorien avant de quitter, enfin, Beït-Salam le 26 mai 2011. L'argumentation du Vice-président est digne d'intérêt car il s'agit de la réponse du berger à la bergère. Le ton mesuré mais quelque peu ampoulé et amphigourique, voire lyrique et flatteur du Vice-président agrémente d'une certaine façon l'exercice oratoire, car il n'y a ni dénigrement, ni injures. Mais, non seulement le journaliste laisse au Vice-président de longues minutes pour répondre à chaque question, mais, en plus, il est là pour finir ses phrases par son sempiternel «pour l'intérêt des Comores et des Comoriens». À un moment, l'exercice devient fatigant, et rase.

Au cours de la même interview, quand le Vice-président Mohamed Ali Soilihi lui montre les chiffres de la Banque centrale des Comores relatifs aux comptes de l'État fin avril et fin mai 2011, il aurait fallu qu'une caméra nous montre en gros plan le contenu du document. Or, on montre au téléspectateur le journaliste et le Vice-président examinant le document, mais sans placer sous son regard le document qui lui permettra de se faire une idée sur cette bataille de chiffres qui n'est pas loin de toucher à sa fin. Le téléspectateur doit-il se contenter du regard du journaliste? Chacun répondra à la question à sa manière, mais sans dissiper le malaise qui naît de ce manque de professionnalisme. Il ne s'agit pas de dire que Mohamed Ali Soilihi nous mène en bateau, mais de dénoncer un manque de professionnalisme de la part du journaliste. Le Vice-président est dans son rôle quand il défend son bifteck.

C'est un exemple destiné à situer la réflexion générale sur la manière dont l'information politique est traitée par les journalistes comoriens quand ils ont devant eux leurs chefs. Dans l'ensemble, ces journalistes ne sont pas spécialistes de l'interview politique. Ils ont fait de leurs émissions des tribunes de justification et d’auto-glorification des plus démagogiques des autorités comoriennes. Ils laissent dire des énormités sans broncher et sans recadrer le débat. Parfois, ils ne savent même pas quel titre donner à telle personnalité ou à telle autre. Les soutiers de rafiots naviguant sur des marigots presque asséchés sont là pour diffuser la voix de leur maître. On n'entendra aucun d'entre eux contredire ou «cuisiner» l'interlocuteur en le faisant passer sur le grill. C'est très bien pour la langue de bois, mais très mauvais pour la crédibilité de la chaîne. Ceci est d'autant plus vrai que les Comores sont à ce jour l'un des rares pays au monde sans journalistes politiques. Les Comores n'ont pas d'analystes politiques. On fait du rafistolage là où la présence d'un expert est absolument exigée. Voir les journalistes se comporter ainsi est choquant, navrant.

En mai 2005, j'ai discuté avec Christophe Boisbouvier à Radio France Internationale (RFI) sur la manière dont il fait ses interviews de «l'Invité Afrique». Il m'a expliqué que s'il maîtrise son affaire sur chaque interview, c'est parce qu'il s'oblige à s'informer le plus possible sur le contexte politique qui fait l'objet de l'interview, et facilement cela lui donne un air très savant et beaucoup d'aisance et de sûreté sur la manière d'aborder son sujet du jour. Or, le journaliste comorien qui palabre avec Hamada Madi Boléro sur la polémique que le voyage d'Ikililou Dhoinine à Paris en juin 2013 suscite notamment sur le plan protocolaire ne se donnera aucune peine pour s'informer sur les questions de protocole, et laissera son interlocuteur pérorer comme il veut, sans le contredire car il ne le peut pas, faute de maîtrise du sujet. De l'incompétence. De la veulerie. La peur de contester les dires de l'autorité fera le reste.

Et puis, il y a le grand problème de la spécialisation. Qui est le journaliste spécialisé en questions stratégiques aux Comores? Qui est compétent pour parler Droit? Qui doit prendre la parole pour expliciter les enjeux de géopolitique liés à tel problème et pour parler économie? On est donc en présence du «journaliste attrape-tout qui n'attrape rien». Nous ne parlons pas de «journaleux» mais de journalistes, étant entendu que confier au Professeur Aboubacar Saïd Salim une émission littéraire est à saluer, même si la qualité de certains de ses invités alimente une certaine polémique et soulève moult interrogations, selon certains observateurs. Mais, ne crachons pas systématiquement dans la marmite à soupe.

Et la blogosphère comorienne dans tout ça? Le sujet est délicat car les interviews tout à fait imaginaires fleurissent comme jardin au printemps. Les «interviewés institutionnels», ceux qu'on juge les plus dignes de la parole, peuvent dire à certains blogs d'imaginer les questions et les réponses. Une technique malsaine consiste à envoyer les questions à l'écrit. Ce qui explique le manque de cohésion entre les questions elles-mêmes et entre les réponses elles-mêmes.

 Quand on a le sens de la lecture, on sent directement que la question n°2 a obtenu sa réponse sans relation avec la réponse à la question n°1. L'interview manque de cohérence et de logique. C'est du bidonnage. Pour ce qui est de la qualité de certains interlocuteurs, on est plié de rire car on est en plein remplissage. Naturellement, ça ne fait pas sérieux. Une interview se réalise mieux et uniquement quand elle se fait de vive voix. Le reste, c'est du trucage. Est-il nécessaire de parler des fautes d'orthographe commises dans le texte des interviews, surtout quand on sait que d'autres blogs reprennent ce texte sans aucun souci de correction?

Aujourd'hui, les blogs et sites sont les véritables vecteurs de l'information aux Comores. Ceux-ci font un travail devenu indispensable, malgré les dérives, mais au moins ce travail est fait, même mal fait. Les blogueurs apprennent leur métier chaque jour, mais le chemin reste encore long, très long pour acquérir les rudiments des techniques de l'information et de la communication. Aujourd'hui, pour s'informer, on se jette sur Internet et quand l'information paraît invraisemblable, on cherche la confirmation ailleurs. En attendant, le traitement de l'information politique est un sujet de grave inquiétude et préoccupation pour ceux qui, nombreux aux Comores, souhaiteraient une professionnalisation dans ce secteur d'activité.
Dans une vraie télévision, on met une distance entre les deux interlocuteurs
Journalistes de révérence ou malheurs de l'information politique
Par ARM
www.lemohelien.com - Dimanche 25 Aout 2013
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