Une plainte abominable qui confine à la manœuvre démagogique et populiste. Même quand on est républicain, légaliste, démocrat...
Une plainte abominable qui confine à la manœuvre démagogique et populiste.
Même
quand on est républicain, légaliste, démocrate et opposé au putschisme,
on peut avoir de sérieuses réserves à l’égard de la plainte démagogique
et maléfique déposée contre X au Parquet de Paris, le 21 mai 2013, par le RIDJA et les supplétifs que sont Comorespoir, Les Amis
des Comores et le Parlement des Jeunes Comoriens. Cette démarche relève
plus de la fuite en avant et du populisme que de l’intelligence
juridique.
Cette mascarade est une simple manœuvre politicienne destinée
à refaire la virginité politique à une formation partisane qui, malgré
les décennies passées dans l’opposition, nonobstant ses déclarations
tonitruantes quand elle en fait, n’est pas encore arrivée à prouver son
sérieux et sa crédibilité aux Comoriens, comme le prouve la troublante
et obsédante absence de tout élu du RIDJA à l’Assemblée de l’Union des
Comores. Pour un parti qui fait beaucoup de bruit sur la scène politique
nationale depuis le régime politique d’Azali Assoumani, ce n’est pas du
tout glorieux, et une réflexion s’impose sur l’existence-même d’un tel
parti politique. C’est très sérieux et inquiétant.
S’agissant
de cette plainte bien imprégnée de scandale, il est impossible
d’accorder du crédit aux propos de Maître Saïd Larifou, Président du
RIDJA, quand il la justifie dans les termes suivants: «Nous avons
pris l’initiative de saisir la Justice française d’une plainte car elle
est compétente pour juger des Français ou des étrangers établis en France qui sont impliqués dans des actes de déstabilisation d’un pays étranger. Nous savons que la France
ne rapatriera pas ses ressortissants pour être jugés dans un pays qui
ne respecte pas la procédure et les Droits de l’Homme et qui applique
encore la peine de mort; d’où la saisine des autorités judiciaires
françaises du volet concernant les Français et les Franco-Comoriens
établis en France
ou qui ont fui les Comores.
Un autre aspect important, cette affaire
est traitée directement par le Cabinet du Président qui, à la place des
autorités judiciaires comoriennes, communique sur l’orientation de
l’enquête et de l’information judiciaire. Enfin, il ne faut pas se
voiler la face: avec regret, aucune des personnes impliquées dans
l’assassinat du Président Abdallah, dans la destitution de Djohar et le
coup d’État d’Azali n’ont[Sic] pas[Sic] été poursuivis[Sic] et jugés[Sic] aux Comores». En bon français, il aurait dû dire: «Aucune
des personnes impliquées dans l’assassinat du Président Abdallah, dans
la destitution de Djohar et le coup d’État d’Azali n’a été poursuivie et jugée aux Comores». Trois négations dans la même proposition, ça ne se fait pas: «Aucune», «n’a» et «pas».
Et puis, il faut respecter le masculin-féminin et le singulier-pluriel
quand on accorde les participes passés des verbes conjugués avec
l’auxiliaire être.
Maître
Larifou revient à la période de la capitulation, un système qui,
pendant des siècles et jusqu’au début du xxème siècle, mettait les
ressortissants des pays européens vivant dans certains pays d’Orient et
du Maghreb hors de la juridiction des pays de résidence, et les plaçait
sous la compétence des juridictions consulaires de leurs pays d’origine.
Or, le régime capitulaire n’existe plus. Terminé. Ici, il est
nécessaire de signaler le principe de la territorialité de la loi
pénale, principe en vertu duquel les infractions commises sur le
territoire d’un pays donné relèvent de la compétence de ce pays,
indépendamment de la nationalité de celui qui enfreint la Loi (en
France: article 113-2, NCP).
Et même s’il y a complicité en France d’une
infraction commise à l’étranger, il est indispensable que l’infraction
principale soit jugée de manière définitive à l’étranger (article 113-5,
NCP). On peut invoquer le manque de confiance à l’égard des
juridictions étrangères, mais cette invocation est très dangereuse car
la France pourra toujours s’en servir pour refuser le jugement de ses
ressortissants au Mexique ou au Tchad, en même temps qu’elle n’acceptera
jamais que les délinquants comoriens de France soient jugés aux
Comores. Comment peut-on vouloir devenir Président de l’Union des
Comores depuis 2002 et participer à la réduction de l’espace de
souveraineté nationale de son pays? N’appartient-il pas aux Comoriens de
redonner de la crédibilité à la Justice de leur pays, par des actes
responsables et non par la démagogie?
Par ailleurs, il est certain que les Comores n’ont «poursuivi et jugé»
personne parmi les déstabilisateurs de ce pays. Mais, Maître Saïd
Larifou rendrait un très grand service à l’opinion publique mondiale et
peut-être même à l’humanité entière s’il pouvait nous dire qui a été
vraiment sanctionné en France pour sa participation à des actes de déstabilisation de l’État comorien et à l’assassinat de ses chefs d’État. Robert «Bob»
Denard, le faiseur des rois aux Comores, n’est pas mort en prison le 13
octobre 2007, mais chez lui en Gironde, en homme libre, entièrement
libre, un homme que des personnalités françaises défendaient toujours
chaque fois qu’il était confronté à la Justice de son pays, pour ses
méfaits aux Comores et ailleurs.
Donc,
la conception qu’a Maître Saïd Larifou de ce dossier est celui de la
personnalité de la Loi, celui de l’application de la Loi nationale à
l’individu, même quand il s’est comporté en mauvais garçon à l’étranger.
La personnalité de la Loi n’a pas cours en matière pénale, mais plutôt
en matière de statut personnel; ce qui n’est pas le cas ici. Certes, les
Comores ont une Justice corrompue à l’extrême, une Justice politisée.
Mais, quand il s’agit d’affaires politiques, est-ce que la Justice des
grandes démocraties échappe à cette politisation? Non. Et les grandes
puissances s’arrangent toujours pour juger les leurs chez eux, loin des
pays des barbares et des sauvages cornus. C’est une injure à la
souveraineté nationale des pays pauvres.
Et
puis, agiter le spectre de la peine de mort aux Comores pour refuser
aux Comores le droit de juger des Français ou des étrangers établis en France
est une manœuvre très réductrice, une manœuvre qui ne doit pas être
celle de quelqu’un qui estime avoir vocation à diriger le pays qui ne
lui inspire aucune confiance. Les Comores n’ont pas appliqué la peine de
mort depuis le régime politique de Mohamed Taki Abdoulkarim. En plus,
s’il s’avère que des Français doivent être jugés pour leur participation
à la tentative de coup d’État d’avril 2013, Moroni pourrait donner à
Paris tous les gages de non recours à la peine capitale au cours du
procès, et accepter la participation d’avocats français, dont Maître
Saïd Larifou, à la défense des auteurs et complices de cette tentative
de putsch.
La
Justice comorienne peut donner le meilleur d’elle-même quand elle le
veut. Elle l’a fait lors de l’affaire BIC-NICOM, rendant un jugement
entièrement défavorable à l’État comorien, un jugement accepté et
confirmé même en France.
Pour
la crédibilité des Comores, il est nécessaire que les politiciens
arrêtent les mélanges des genres. Les Comores sont en présence d’une
affaire pénale d’une grande gravité. Il est tout de même surprenant de
voir chaque politicien vouloir en faire un fonds de commerce politique
personnel. Sans commencement de preuve, mais uniquement par mendicité
politique, tel politicien accuse l’adversaire d’être impliqué dans cette
tentative, uniquement pour nuire à sa personnalité et à sa réputation.
Tel autre porte plainte à Paris contre X pour se redonner une virginité
politique plus qu’improbable.
Et,
en vertu de quel principe le RIDJA et associés se substituent-ils à
l’État souverain des Comores? Si une démarche doit être entamée auprès
du Parquet de Paris, pourquoi le RIDJA et associés n’ont-ils pas exercé
des pressions sur l’État comorien pour que ce dernier se constitue
lui-même partie civile? C’est l’État comorien qui était visé et non le
RIDJA et ses associés. «Pas d’intérêt, pas d’action» est le mot d’ordre que tout le monde connaît et qui signifie qu’en matière judiciaire, «affaire cabri, mouton n’entre pas»,
comme on dit à Mohéli. Le RIDJA et associés n’ont pas le droit de se
substituer à l’État comorien, une personne morale disposant du droit
d’ester en Justice.
Bien
évidemment, lors de son passage sur Africa n°1, jeudi 30 mai 2013,
Maître Saïd Larifou a revendiqué un certain droit de propriété sur la
Constitution comorienne du 23 décembre 2001, Constitution sur la base de
laquelle le Président qu’on voulait destituer et tuer a été élu. Mais,
cela ne lui donne pas le droit de se substituer à l’État souverain des
Comores.
Le
RIDJA est un parti politique. Il a du mal à faire accepter sa
crédibilité. Dès lors, il gagnerait à modifier entièrement sa stratégie
de communication, de manière à ce qu’il n’y ait pas de confusion entre
la personne de son Président et le nom du mouvement car, aux Comores,
quand le chef d’un parti politique reçoit le nom de sa formation
partisane, cela signifie la mort cérébrale du parti. Quand un chef de
parti personnifie tellement son mouvement qu’il s’arroge le droit de
mettre un terme à toute réunion qu’il n’a pas provoquée et agréée, c’est
le signe de la mort clinique du parti. Quand un chef de parti qui
occupe la scène médiatique depuis des années n’arrive à faire élire
personne de son mouvement, c’est le signe d’un parti qui suscite le
rejet de la population.
Quand un chef de parti ne contrôle pas les
instruments de sa communication politique, on est en présence du Général
décrit par Nicolas Machiavel, ce Général qui n’est pas à la tête de ses
troupes et qui doit s’attendre à des surprises désagréables. Même quand
on est spécialiste de la critique acerbe envers les méfaits des
autorités comoriennes, on sait que quand un chef de parti laisse son
instrument de marketing politique devenir une fange dans laquelle on
enterre vivants les adversaires, de manière obsessionnelle et haineuse,
aucune plainte déposée au Parquet de Parquet ne le sauvera de l’échec
politique, car personne ne s’intéresse aux rédacteurs des billets
haineux, mais au chef de parti qui laisse faire de tels actes
contreproductifs, sans rien dire. À Djoiezi, quand le Club Belle
Lumière a gagné ou perdu un match, tout le monde se retrouve à Poteau
Central pour en parler et en tirer les leçons. Un parti politique peut
faire la même chose, au lieu de chercher à gagner les faveurs de
l’électorat par des procédures judiciaires qui n’apporteront rien aux
Comores et à ceux qui les engagent.
Par le Docteur Abdelaziz Riziki Mohamed