Golfech joue, demain à 18 heures au stade Paul-Laffont, la finale de DHR face à Onet-le-Château. à sa tête, Amir Abdou, le mage de Moroni...
Golfech joue, demain à 18 heures au stade Paul-Laffont, la finale de DHR face à Onet-le-Château. à sa tête, Amir Abdou, le mage de Moroni. Portrait d'un coach à part.
à quoi tient une accession dans l'élite du football régional ? à une dernière victoire acquise par l'Entente Golfech-Saint-Paul-d'Espis face à la réserve de l'US Luzenac en Ariège, samedi dernier ? Assurément, mais pas que… La montée historique en Division Honneur, qui place l'Entente en position de reine sur l'échiquier du ballon rond départemental, tient aussi pour beaucoup aux relations troubles entretenues entre la France et son ancienne colonie des Comores, au cœur de l'Océan Indien. Rassurez-vous, nous ne sommes pas tombés sur la tête. Cette relation de cause à effet mérite, toutefois, quelques explications.
De Marseille à Bordeaux
À trois ans près, Amir Abdou, le coach aux commandes de l'équipe fanion de l'Entente depuis deux saisons, n'aurait pas eu la nationalité française. Né le 8 juillet 1972, alors que les Comores ont encore le statut de Territoire d'Outre-Mer, c'est deux ans plus tard, en 1974, soit tout juste un an avant la déclaration d'indépendance de la République fédérale islamique des Comores, le 6 juillet 1975, que la mère d'Amir Abdou décide de rejoindre son mari à Marseille, où ce dernier officie en tant que serveur sur des paquebots qui mouillent dans le port phocéen. Au pays du Vélodrome, les premiers pas de footballeur d'Amir Abdou sont dignes du dessin animé «Foot 2 Rue». «Jusqu'à mes 17 ans, j'ai enchaîné avec trois clubs formateurs très connus à Marseille : le FC Burel, la JO Saint-Gabriel et Vivaux-Marronniers…»Aux portes de la majorité, dans un Marseille qui bout autant pour son «Ohème» qu'en raison de ses cités enfiévrées, le jeune Abdou est convié par ses parents à refaire ses classes aux Comores. «L'adolescence, c'est l'âge où il faut réapprendre la vie. Mon séjour d'un an aux Comores en 1989 m'a beaucoup appris.» Sur le plan du football, il en ramène un souvenir gravé à tout jamais : «une finale de coupe des Comores jouée dans la capitale Moroni avec le Rapid Club devant 4 000 personnes. À 18 ans j'étais le plus jeune de l'équipe.» Sur le plan personnel, alors que le mercenaire Bob Dénard fait encore des siennes dans l'archipel, il se fixe un tout autre objectif : «Revenir en Métropole et ne plus jouer au con.»
Rencontre déterminante
Changement de port d'attache, c'est à Bordeaux, chez un oncle, qu'Amir Abdou pose alors ses valises, avec la ferme intention de réussir grâce au football : «Sur le terrain, bien sûr, mais aussi en tant qu'éducateur. J'ai très vite été intéressé par cet aspect et je crois avoir entraîné tout ce qu'il est possible de coacher, des plus jeunes aux seniors.»Une expérience emmagasinée au gré de ses pérégrinations girondines : de Saint-Médard-en-Jalles, où il côtoie la CFA2, au Mérignac-Arlac, en passant par Le Bouscat, Andernos et Le Taillan. La Gironde où il fait une autre rencontre déterminante. Celle de sa compagne, Carole Bonvallet, qui, avant de devenir DRH d'une grande mutuelle pour le Sud-Ouest, va s'exercer à gérer son homme : «Sans elle, je ne serais sans doute pas là où j'en suis !» Au début des années 2000, Amir Abdou met le cap sur Boé-Bon-Encontre et le Lot-et-Garonne où le District de football l'accueille en tant qu'éducateur. Après avoir passé divers diplômes et grimpé les échelons de la fonction publique territoriale, il est aujourd'hui coordinateur du service jeunesse à la mairie de Bon-Encontre.
Sur le plan du football il bifurque ensuite vers le SU Agen où, en tant que coach, il va quasiment tout connaître : des moins de 15 ans qu'il fait monter en DH, aux moins de 18 ans qu'il emmène en finale de la coupe d'Aquitaine, jusqu'à l'équipe réserve puis le poste d'adjoint pour l'équipe fanion.
Un choc de cultures
Vient alors pour lui le temps d'être le patron. «Je voulais avoir plus de responsabilités et aller au bout de mes idées, l'opportunité de Golfech s'est présentée», explique celui qui dit avoir deux exemples : «Christian Gourcuff parce qu'il n'a pas peur de mourir avec ses idées et Arrigo Sacchi parce qu'il savait allier le jeu au pragmatisme italien.» Ce fameux pragmatisme à la base des succès de l'Entente (2 défaites pour 22 matchs en championnat et seulement 13 buts encaissés), une vertu qu'il va faire sienne, après un an d'adaptation au club de Golfech-Saint-Paul-d'Espis. «Ce fut un choc des cultures. Je découvrais un club familial, ancré dans son terroir, qui voulait grandir…»Il lui a d'abord fallu faire comprendre que cette croissance passerait par l'arrivée de cadres venus de l'extérieur. Ce qui ne fut pas toujours aisé. «Rien ne se construit dans la facilité», lance Amir Abdou en guise de conclusion d'une saison où il a aussi trouvé le temps de valider son DEF : un diplôme qui lui permettrait d'entraîner un club de National non professionnel.
«Pérenniser la performance»
- Sa vision du jeu : «J'aime le jeu dans sa verticalité. C'est-à-dire que j'aime m'appuyer sur un bloc qui joue la récupération du ballon et la projection vers l'avant. Si possible à une touche de balle.»- Sa vision du management : «Je suis dans la performance ! C'est cette exigence-là qui m'intéresse auprès des joueurs. On me reproche parfois un manque de convivialité, mais pour moi c'est le succès qui est jouissif, pas les 3e mi-temps.»
- Sa vision de l'avenir : «Le club ne sera rien sans une bonne école de football (il y a inscrit son propre fils en moins de 7 ans). On va s'appliquer à la développer encore. Si les clubs du secteur mutualisaient leurs moyens ce serait profitable à tous, pas qu'à Golfech. J'ai parfois l'impression de prêcher dans le désert, mais l'avenir est là.»
Baptiste Gay
source : ladepeche.fr