«Bons» ou «mauvais», Comoriens des Comores

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Faut-il, quand on est Comorien, vivre nécessairement aux Comores, pour être un « bon » et « vrai » citoyen de notre pays? Y a-t-il lieu,...

Faut-il, quand on est Comorien, vivre nécessairement aux Comores, pour être un «bon» et «vrai» citoyen de notre pays? Y a-t-il lieu, dans les Comores d'aujourd'hui, d'opposer ceux des Comoriens qui vivent aux Comores de leurs frères et sœurs qui sont installés à l'étranger, plus particulièrement en France? Faut-il forcément vivre aux Comores pour connaître les vrais problèmes politiques, institutionnels et socioéconomiques dans lesquels se débattent au quotidien les Comoriens, et en parler? Ces questions se posent avec beaucoup d'acuité, surtout à un moment où, quand on vit à l'étranger et quand on fait des propositions pour contribuer au débat d'idées sur la manière d'aider au développement de notre pays, on est systématiquement rappelé à l'ordre par ceux qui considèrent que les Comores n'appartiennent qu'aux Comoriens qui y vivent, à l'exclusion des autres. Une certaine tendance à l'exagération conduit certains à dénier toute forme de «légitimité des idées et de parole» aux Comoriens expatriés.

      Naturellement, il ne peut y avoir qu'une fausse querelle entre Comoriens des Comores et Comoriens vivant à l'étranger, toute forme d'exclusion ou d'ostracisme étant, par définition, réductrice d'une réalité par trop complexe. En fait, l'exil n'est jamais volontaire, même quand on fait des pieds et des mains pour obtenir un visa d'entrer en France, la principale destination des Comoriens se fixant à l'étranger. On parle de 800.000 Comoriens vivant en France, dont certains ont la nationalité du pays d'origine et du pays de résidence. Même ceux qui sont dans la précarité juridique et administrative s'arrangent pour être des acteurs du développement de leur pays d'origine. Il n'est pas rare de voir un Comorien vivant en France envoyer la moitié de ses revenus, même modestes, à sa famille aux Comores. Les transferts effectués de manière officielle (mandats, virements, etc.) de la France vers les Comores s'élèvent désormais à 90 milliards de francs comoriens, une somme trois fois supérieur au budget, même nominal, de l'État comorien. Ces sommes ne prennent pas en compte les milliards de francs comoriens confiés à des Comoriens qui effectuent le voyage entre la France et les Comores chaque semaine.

      On ne comptabilise pas non plus les milliards que les Comoriens de France font parvenir à des membres de leurs familles respectives inscrits dans des écoles privées à l'étranger. En nous limitant au seul cas du Maroc et de l'Égypte, on compte dans chacun de ces deux pays plus de 2.000 Comoriens fréquentant des écoles privées grâce surtout aux sacrifices louables de l'oncle ou de la tante, voire du frère ou de la sœur vivant en France. Des Comoriens étudiant sans bourses dans les universités publiques d'autres pays comme Madagascar n'étudient que grâce à des membres de leurs familles travaillant durement en France.

      Les Comoriens vivant en France se regroupent par village, ville et parfois région (Région de Mitsamiouli, par exemple). Ces associations mobilisent la société civile et les pouvoirs publics en France, mais aussi les membres des communautés villageoises concernées, et ce, au profit de leurs villages d'origine aux Comores. Elles prennent en charge des projets d'adduction d'eau, d'électrification, de construction d'écoles, de construction et d'équipement de toutes sortes de bibliothèques, de raccordement au téléphone, de construction de dispensaires et d'hôpitaux (…). Ils organisent événements sur événements pour collecter des fonds et des équipements au profit des leurs restés au village. En période électorale, ils se sentent pousser des ailes, dépensant sans compter pour tel candidat, multipliant les voyages vers les Comores, se ruinant au téléphone, collectant des fonds pour le candidat choisi, influençant ou tentant d'influencer leurs familles dans leurs votes. De même, souvent, quand un Comorien vivant aux Comores doit faire l'objet d'une évacuation sanitaire vers l'étranger, on fera un «bip» sur le téléphone portable d'un membre de sa famille vivant en France qui, en rappelant son correspondant, apprendra que dans l'heure qui suit, il devra envoyer de toute urgence aux Comores un mandat de 800 euros s'il veut éviter la mort au malade. Certains des Comoriens appelés en urgence réagissent favorablement, même quand ils n'ont pas les moyens de le faire. Le recours aux tontines est souvent nécessaire…

      En un mot, les Comoriens expatriés sont des acteurs inlassables du développement des Comores. Ils  s' occupent beaucoup de leurs citoyens que les gouvernements successifs qui ont dirigés le pays. De ce fait, les exclure du débat citoyen sur le développement des Comores n'est pas le meilleur moyen de leur prouver de la reconnaissance. Les obliger à vivre aux Comores avant de leur reconnaître le droit de s'exprimer sur des sujets d'intérêt commun correspond à un apartheid qui ne dit pas son nom.

      D'ailleurs, il n'est pas dit que tous ceux qui vivent aux Comores contribuent à l'effort de développement du pays. En 2016, les Comoriens de France ne voteront pas lors de l'élection présidentielle. D'ici 2016, il n'est pas certain que les 200.000 Comoriens vivant à Marseille auront un Consulat dans leur ville d'accueil. De temps à autre, l'Ambassade des Comores à Paris se saignera aux quatre veines pour dépêcher auprès des Comoriens de la Cité Phocéenne un agent chargé de l'établissement de leurs passeports biométriques. Faute de moyens, elle ne pourra pas faire plus. À Moroni, il y avait un Ambassadeur qui s'occupait de la Diaspora comorienne. Il a été remplacé par un Commissaire chargé du même dossier. Mais, à défaut de moyens adéquats, le travail effectué s'en trouve affecté. Les Comoriens vivant à l'étranger, en France en particulier, méritent mieux et plus. N'iront pas jusqu' à dire qu'ils méritent, eux aussi, leur tournante, mieux que ceux qui vivent dans l'île occupé par la France. Ici, au moins le primaire peut être organisé et surveillé librement.

      Parlant des Cap-Verdiens, Jean-Pierre Cot, ministre français de la Coopération et du Développement de mai 1981 à décembre 1982, estime que ces derniers émigrent massivement et ne rentrent chez eux que pour mourir. Dans le cas des Comoriens, certains rentrent dans leur pays d'origine pour mourir, et d'autres pour se présenter à des élections. Ils ont le droit d'aller mourir tranquillement sur leurs terres d'origine, mais aussi de solliciter les suffrages de leurs concitoyens lors des élections. Leur demander de résider aux Comores au moins au cours des 6 mois qui ont précédé l'élection ne correspond à aucune nécessité rationnelle ou démocratique.

      Dans un train de banlieue ou dans le métro des grandes villes de France, il n'est pas rare de tomber sur des Comoriens qui, depuis 40 ans, jurent qu'ils vont rentrer chez eux, et qui, après les enfants, disent devoir rester en France pour les petits-enfants.
      Tout ceci doit donc inciter les accusateurs à la prudence car si un Comorien croit trouver en France les moyens de vivre mieux et qu'il s'installe effectivement en France, cela ne fait pas de lui un traître à sa patrie d'origine. On a même vu les plus prompts à critiquer ceux qui vivent à l'étranger se fixer en France dès l'obtention d'un visa. Que d'anciens ministres des Comores on retrouve aux Gares parisiennes de Châtelet, Paris Nord, Nation et ailleurs quand ils sont tombés en disgrâce! Pourquoi donc essayer d'opposer les Comoriens vivant au pays à ceux expatriés, alors que la complémentarité vitale entre les deux catégories de Comoriens est une réalité tangible? En tout état de cause, il n'y a pas «bons» Comoriens qu'on pourrait opposer aux «mauvais» Comoriens, tout comme il n'y a pas de «vrais» Comoriens face aux «faux» Comoriens, dans la mesure où il s'agit de véritables Comoriens et non d'étrangers ayant acheté des passeports comoriens. Mercredi 29 mai 2013.
Par le Docteur Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed.
Principal Animateur du Mouvement Comores Alternatives.
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