En décalage avec la vision souvent proposée des œuvres traditionnelles qui remplissent le musée des musiques du monde, le projet baptisé Mwe...
En décalage avec la vision souvent proposée des œuvres traditionnelles qui remplissent le musée des musiques du monde, le projet baptisé Mwezi WaQ et sous-titré Chant de lune et d’espérance conjugue au présent le patrimoine culturel de l’archipel des Comores.
"Entre la modernité présumée et le passé enfoui, inventer une passerelle sur laquelle on serait au calme et on s’amuserait à imaginer autre chose" : c’est à partir de cette idée que Soeuf Elbadawi a pensé, conçu Mwezi WaQ, pour dire ce que pourrait être "une musique à la fois populaire, savante, et comorienne au sens propre du terme", sans pour autant adopter la forme conventionnelle d’un groupe, plutôt celle d’un "espace collectif".
Il n’était
pas vraiment prévu, à l’origine, qu’avec son costume de producteur, il
joue les premiers rôles en studio, devant le micro. Les aléas des
sessions d’enregistrement en ont décidé autrement. Aux côtés de celui
qui est aujourd’hui auteur et homme de scène, ex-journaliste et
collaborateur de RFI Musique, une dreamteam comorienne s’est constituée.
On y trouve notamment Baco, "l’une des plus grosses signatures musicales de l’archipel aujourd’hui". Ou encore Soubi, "un artiste consacré traditionnellement parlant, qui voyage de la Corée à La Réunion, en passant par Paris. Un virtuose du dzendze et du gaboussy (cousins de la valiha et de la guitare malgaches, NDR), qui joue aussi d’instruments dont on ne parle quasiment plus chez nous".
Reconnexion à la réalité comorienne
Sur ces petites îles au large des côtes orientales du continent africain, oubliées de tous ou presque, les artistes contemporains sont bien souvent tendus vers les horizons lointains d’un ailleurs qu’ils aimeraient découvrir et qui les pousse à "coller" aux critères apparents de la sono mondiale, avec pour effet premier de se couper en partie de ses racines. "Ma conviction, c’est qu’on ne peut pas partager l’imaginaire de notre archipel avec le reste du monde si on n’arrive pas à le raconter à notre semblable localement", objecte Soeuf Elbadawi.
"Si ma mère ne comprend pas ce que je fais, j’ai du mal à penser que j’arriverai à le raconter à d’autres."
Cette autre voie qu’il propose, sorte de reconnexion avec les réalités
que vivent ses compatriotes, se situe dans le prolongement de ce que fut
"folkomor ocean", un mouvement musical initié dans les années 70 par
Abou Chihabi, l’une des grandes figures de la musique comorienne.
La genèse et la raison d’être de Mwezi WaQ. s’inscrivent dans une perspective que délimite la question du patrimoine culturel. L’album est une étape supplémentaire dans cette réflexion menée depuis plusieurs années pour lui rendre hommage. D’abord, elle s’est matérialisée par la sortie d’un CD d’archives sonores destiné à souligner "la diversité incroyable d’un minuscule archipel de l’océan Indien qui arrive à embrasser toutes les cultures de la planète : du monde arabe au monde indien, en passant par l’Afrique des Bantous, avec des accents qui parfois rappellent l’Amérique latine", rappelle le maitre d’œuvre du projet.
Un second volet a été confié à la chanteuse Zaïnaba, chargée de réinterroger un patrimoine de femmes. Avec en guise de reconnaissance, une distinction de la prestigieuse Académie Charles-Cros dans la catégorie "coup de cœur". Ensuite, c’est sur la musique soufie, en particulier celle de la branche locale de la confrérie shadhili, que s’est penché Soeuf Elbadawi.
Une approche évolutive de la tradition
Après avoir mené ces différentes opérations de sauvetage, il a entrevu une possibilité différente d’aborder le patrimoine musical de ses îles : le faire résonner avec l’époque actuelle, non comme un archéologue qui remonterait des trophées du passé ou serait animé par une logique utilitariste, mais avec la volonté de continuer à faire sens. "Mwzei WaQ. revendique son ancrage dans une tradition mimant la geste de vie des habitants de l’archipel", lit-on dans le livret de l’album.
Les chants font partie de la vie de tous les jours, ils sont liés à un métier, à une activité. Ou encore un événement, comme ceux qui accompagnent les accouchements, les hwimbia ikoza. L’héritage que cherche à transmettre le collectif de musiciens n’a rien de figé, il est une matière vivante. L’enraciner dans le présent permet de lui donner un avenir. Cette approche évolutive de la tradition se traduit sur l’album par la présence, aux côtés de morceaux déjà existants, d’œuvres nouvelles qui prolongent, tout en l’adaptant à l’époque actuelle, le rôle que joue la musique dans la société comorienne.
Mwezi WaQ. Chants de lune et d'espérance (Buda Records/Universal) 2013
Par Bertrand Lavaine
"Entre la modernité présumée et le passé enfoui, inventer une passerelle sur laquelle on serait au calme et on s’amuserait à imaginer autre chose" : c’est à partir de cette idée que Soeuf Elbadawi a pensé, conçu Mwezi WaQ, pour dire ce que pourrait être "une musique à la fois populaire, savante, et comorienne au sens propre du terme", sans pour autant adopter la forme conventionnelle d’un groupe, plutôt celle d’un "espace collectif".
On y trouve notamment Baco, "l’une des plus grosses signatures musicales de l’archipel aujourd’hui". Ou encore Soubi, "un artiste consacré traditionnellement parlant, qui voyage de la Corée à La Réunion, en passant par Paris. Un virtuose du dzendze et du gaboussy (cousins de la valiha et de la guitare malgaches, NDR), qui joue aussi d’instruments dont on ne parle quasiment plus chez nous".
Reconnexion à la réalité comorienne
Sur ces petites îles au large des côtes orientales du continent africain, oubliées de tous ou presque, les artistes contemporains sont bien souvent tendus vers les horizons lointains d’un ailleurs qu’ils aimeraient découvrir et qui les pousse à "coller" aux critères apparents de la sono mondiale, avec pour effet premier de se couper en partie de ses racines. "Ma conviction, c’est qu’on ne peut pas partager l’imaginaire de notre archipel avec le reste du monde si on n’arrive pas à le raconter à notre semblable localement", objecte Soeuf Elbadawi.
La genèse et la raison d’être de Mwezi WaQ. s’inscrivent dans une perspective que délimite la question du patrimoine culturel. L’album est une étape supplémentaire dans cette réflexion menée depuis plusieurs années pour lui rendre hommage. D’abord, elle s’est matérialisée par la sortie d’un CD d’archives sonores destiné à souligner "la diversité incroyable d’un minuscule archipel de l’océan Indien qui arrive à embrasser toutes les cultures de la planète : du monde arabe au monde indien, en passant par l’Afrique des Bantous, avec des accents qui parfois rappellent l’Amérique latine", rappelle le maitre d’œuvre du projet.
Un second volet a été confié à la chanteuse Zaïnaba, chargée de réinterroger un patrimoine de femmes. Avec en guise de reconnaissance, une distinction de la prestigieuse Académie Charles-Cros dans la catégorie "coup de cœur". Ensuite, c’est sur la musique soufie, en particulier celle de la branche locale de la confrérie shadhili, que s’est penché Soeuf Elbadawi.
Une approche évolutive de la tradition
Après avoir mené ces différentes opérations de sauvetage, il a entrevu une possibilité différente d’aborder le patrimoine musical de ses îles : le faire résonner avec l’époque actuelle, non comme un archéologue qui remonterait des trophées du passé ou serait animé par une logique utilitariste, mais avec la volonté de continuer à faire sens. "Mwzei WaQ. revendique son ancrage dans une tradition mimant la geste de vie des habitants de l’archipel", lit-on dans le livret de l’album.
Les chants font partie de la vie de tous les jours, ils sont liés à un métier, à une activité. Ou encore un événement, comme ceux qui accompagnent les accouchements, les hwimbia ikoza. L’héritage que cherche à transmettre le collectif de musiciens n’a rien de figé, il est une matière vivante. L’enraciner dans le présent permet de lui donner un avenir. Cette approche évolutive de la tradition se traduit sur l’album par la présence, aux côtés de morceaux déjà existants, d’œuvres nouvelles qui prolongent, tout en l’adaptant à l’époque actuelle, le rôle que joue la musique dans la société comorienne.
Mwezi WaQ. Chants de lune et d'espérance (Buda Records/Universal) 2013
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