A l’occasion de la journée internationale de la femme, Afrik.com est allé à la rencontre de ces femmes africaines qui, avec peu de moyens...
A l’occasion de la journée internationale
de la femme, Afrik.com est allé à la rencontre de ces femmes africaines
qui, avec peu de moyens, contribuent beaucoup au développement du
continent. Avec très peu de moyens, trois Djiboutiennes ont lancé un
magazine féminin qu’elles gèrent bénévolement. Une aventure au service
des femmes, avec séduction et doigté.
C’est après 18 h qu’une seconde vie commence pour Mouna, Kadidja,
Safia et Graziella. Après le boulot, et avant de rejoindre mari et
enfants à la maison, parfois tard, les quatre femmes se retrouvent pour
le bouclage de Marwo (madame en somali), le magazine féminin qu’elles
publient depuis plus de deux ans. Les « femmes de Marwo », comme on les
surnomme en ville, sont bénévoles, à l’instar des pigistes et du
maquettiste, et l’unique salariée est l’assistante.
Militant mais en douceur
Dans les locaux du journal qu’elles partagent avec un cabinet d’avocats dans un immeuble modeste du centre de Djibouti, la discussion s’engage sur la photo de couverture. Comme dans n’importe quelle rédaction, mais avec des contraintes particulières. « Nous devons rester prudentes pour ne pas heurter les mentalités, explique Mouna Ahmed Iltireh, la directrice de la publication. Oser une robe moulante, livrer un visage de femme au public, c’est compliqué ici. Même si la fille de notre couverture est majeure, nous devons négocier avec sa famille pour publier sa photo. Et c’est rarement gagné d’avance ».
Ces précautions peuvent surprendre de la part des ces femmes de Marwo qui affichent un franc-parler sur toutes sortes de sujets et une autonomie évidente. Mais c’est précisément pour cela que Mouna, Kadidja et Safia ont créé ce magazine. « Nous voulions un journal qui reflète notre société, nos valeurs et nos préoccupations, plutôt que de nous en remettre à des magazines féminins occidentaux trop éloignés de notre réalité », poursuit Mouna, sociologue et enseignante au CFPEN, le centre de formation des professeurs de Djibouti.
Peser ses mots
Ce principe étant posé, Marwo ne connaît aucun tabou et traite des sujets les plus délicats, de l’excision au plaisir féminin, de la vie conjugale à la polygamie, la contraception ou le VIH. Car tout comme des magazines comme Elle l’ont fait en leur temps, Marwo veut parler de ce qui fâche dans la condition des femmes, pour faire bouger les lignes. Y compris sur des droits acquis :
« Djibouti possède depuis 2003 un code de la famille qui a été un progrès pour les femmes, commente Mouna. « Il leur a donné le droit au divorce, à une pension alimentaire. Pourtant des femmes nous disent qu’il n’est plus respecté, et certaines jeunes filles estiment même que le code leur apporte plus de mal que de bien, parce qu’il complique les relations avec les hommes ».
Les rédactrices nous expliquent leur combat à pas feutrés contre les a-prioris tenaces qui nuisent à l’émancipation des femmes djiboutiennes et parfois à leur santé, en dépit du droit de vote, de la vie professionnelle et de l’accès aux études supérieures dont les plus privilégiées bénéficient.
« On ne peut aborder certaines questions de front, c’est pourquoi nos mots sont bien pesés » précise Safia Syad Mahamoud, historienne et salariée du Cripen, un organisme de recherche de l’Education nationale. « Prenons l’exemple de l’excision, [interdite depuis 1995] encore très répandue à Djibouti. Il ne sert à rien de culpabiliser les mères et de pousser les hauts cris, comme on le ferait en Europe. Nous allons donc montrer que les mères ne comprennent pas trop où est le mal, et qu’il s’agit d’une coutume destinée, dans leur esprit, à garantir le futur mariage de leurs filles.
C’est en expliquant le geste et ses conséquences terribles que nous pouvons ensuite le combattre ». Les filles de Marwo n’hésitent pas à convoquer les autorités religieuses à l’appui de leurs arguments. Aussi, lors d’un débat télévisé auquel elles participaient, ont-elles invité un imam qui a confirmé que le Coran ne mentionne pas la pratique de l’excision.
Autre exemple, le VIH. Avec une prévalence de 3%, et même de 5% chez les 20-35 ans, le virus du sida reste dévastateur à Djibouti. Comment inciter les jeunes couples à utiliser le préservatif alors qu’ « il est difficile d’en parler sans détour » ? reprend Mouna. Réponse : en écrivant des articles sur « ces hommes qui mènent une double vie » ou encore sur « l’espacement des naissances » , « le célibat »....Autant de sujets qui peuvent motiver les femmes à consulter, par exemple, l’organisme indépendant de planning familial (Adepf) que Mouna anime, bénévolement là aussi.
Mode et coquetterie
Sur la table de la rédaction s’étalent les photos de somptueux diira, des boubous traditionnels revisités par une styliste basée à Dubai (Diira Moda). La séquence mode est le royaume de Graziella Leblond, une artiste française qui s’est jointe récemment à l’équipe de Marwo. « Heureusement, on parle aussi chiffons, soins esthétiques et entretien du corps dans Marwo », sourit-elle. « Nous ne serions pas un magazine féminin sinon. Simplement, on donne la parole à des créateurs africains, et il y en a tellement qu’on a fort à faire ! ».
Pour réaliser ces pages mode et la couverture du journal, les éditrices jonglent avec les moyens du bord car les finances du journal sont limitées. Le photographe Ismaël est maison, et les jardins ou les salons de l’hôtel de luxe de la capitale font office de studio. Les fondatrices ont financé le lancement de Marwo sur leurs propres deniers, et le journal vit des quelques publicités financées par des entreprises locales. « Notre principal souci est de ne pas pouvoir nous faire connaître dans les pays voisins car ils sont anglophones », explique Mouna. « Mais notre page Facebook commence à s’animer ». Avec une diffusion de 3000 exemplaires et une périodicité trimestrielle, Marwo est une toute petite publication. Mais une publication indispensable.
Militant mais en douceur
Dans les locaux du journal qu’elles partagent avec un cabinet d’avocats dans un immeuble modeste du centre de Djibouti, la discussion s’engage sur la photo de couverture. Comme dans n’importe quelle rédaction, mais avec des contraintes particulières. « Nous devons rester prudentes pour ne pas heurter les mentalités, explique Mouna Ahmed Iltireh, la directrice de la publication. Oser une robe moulante, livrer un visage de femme au public, c’est compliqué ici. Même si la fille de notre couverture est majeure, nous devons négocier avec sa famille pour publier sa photo. Et c’est rarement gagné d’avance ».
Ces précautions peuvent surprendre de la part des ces femmes de Marwo qui affichent un franc-parler sur toutes sortes de sujets et une autonomie évidente. Mais c’est précisément pour cela que Mouna, Kadidja et Safia ont créé ce magazine. « Nous voulions un journal qui reflète notre société, nos valeurs et nos préoccupations, plutôt que de nous en remettre à des magazines féminins occidentaux trop éloignés de notre réalité », poursuit Mouna, sociologue et enseignante au CFPEN, le centre de formation des professeurs de Djibouti.
Peser ses mots
Ce principe étant posé, Marwo ne connaît aucun tabou et traite des sujets les plus délicats, de l’excision au plaisir féminin, de la vie conjugale à la polygamie, la contraception ou le VIH. Car tout comme des magazines comme Elle l’ont fait en leur temps, Marwo veut parler de ce qui fâche dans la condition des femmes, pour faire bouger les lignes. Y compris sur des droits acquis :
« Djibouti possède depuis 2003 un code de la famille qui a été un progrès pour les femmes, commente Mouna. « Il leur a donné le droit au divorce, à une pension alimentaire. Pourtant des femmes nous disent qu’il n’est plus respecté, et certaines jeunes filles estiment même que le code leur apporte plus de mal que de bien, parce qu’il complique les relations avec les hommes ».
Les rédactrices nous expliquent leur combat à pas feutrés contre les a-prioris tenaces qui nuisent à l’émancipation des femmes djiboutiennes et parfois à leur santé, en dépit du droit de vote, de la vie professionnelle et de l’accès aux études supérieures dont les plus privilégiées bénéficient.
« On ne peut aborder certaines questions de front, c’est pourquoi nos mots sont bien pesés » précise Safia Syad Mahamoud, historienne et salariée du Cripen, un organisme de recherche de l’Education nationale. « Prenons l’exemple de l’excision, [interdite depuis 1995] encore très répandue à Djibouti. Il ne sert à rien de culpabiliser les mères et de pousser les hauts cris, comme on le ferait en Europe. Nous allons donc montrer que les mères ne comprennent pas trop où est le mal, et qu’il s’agit d’une coutume destinée, dans leur esprit, à garantir le futur mariage de leurs filles.
C’est en expliquant le geste et ses conséquences terribles que nous pouvons ensuite le combattre ». Les filles de Marwo n’hésitent pas à convoquer les autorités religieuses à l’appui de leurs arguments. Aussi, lors d’un débat télévisé auquel elles participaient, ont-elles invité un imam qui a confirmé que le Coran ne mentionne pas la pratique de l’excision.
Autre exemple, le VIH. Avec une prévalence de 3%, et même de 5% chez les 20-35 ans, le virus du sida reste dévastateur à Djibouti. Comment inciter les jeunes couples à utiliser le préservatif alors qu’ « il est difficile d’en parler sans détour » ? reprend Mouna. Réponse : en écrivant des articles sur « ces hommes qui mènent une double vie » ou encore sur « l’espacement des naissances » , « le célibat »....Autant de sujets qui peuvent motiver les femmes à consulter, par exemple, l’organisme indépendant de planning familial (Adepf) que Mouna anime, bénévolement là aussi.
Mode et coquetterie
Sur la table de la rédaction s’étalent les photos de somptueux diira, des boubous traditionnels revisités par une styliste basée à Dubai (Diira Moda). La séquence mode est le royaume de Graziella Leblond, une artiste française qui s’est jointe récemment à l’équipe de Marwo. « Heureusement, on parle aussi chiffons, soins esthétiques et entretien du corps dans Marwo », sourit-elle. « Nous ne serions pas un magazine féminin sinon. Simplement, on donne la parole à des créateurs africains, et il y en a tellement qu’on a fort à faire ! ».
Pour réaliser ces pages mode et la couverture du journal, les éditrices jonglent avec les moyens du bord car les finances du journal sont limitées. Le photographe Ismaël est maison, et les jardins ou les salons de l’hôtel de luxe de la capitale font office de studio. Les fondatrices ont financé le lancement de Marwo sur leurs propres deniers, et le journal vit des quelques publicités financées par des entreprises locales. « Notre principal souci est de ne pas pouvoir nous faire connaître dans les pays voisins car ils sont anglophones », explique Mouna. « Mais notre page Facebook commence à s’animer ». Avec une diffusion de 3000 exemplaires et une périodicité trimestrielle, Marwo est une toute petite publication. Mais une publication indispensable.
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