C'est une conception de la justice fiscale à géométrie variable dont fait preuve ce pouvoir en choisissant de mettre les niches relat...
C'est une conception de la justice fiscale à géométrie variable dont fait preuve ce pouvoir en choisissant de mettre les niches relatives aux investissements outre-mer à l'écart du nouveau plafond général des réductions d'impôt. En 2014, au moment de laisser à l'Etat sa part des revenus gagnés en 2013, nul ne pourra, par le jeu des dispositifs dérogatoires, alléger sa note fiscale de plus de 10.000 euros... sauf à avoir placé de l'argent dans un yacht à Saint Barth' - lequel sera officiellement disponible à la location mais à des tarifs dissuasifs -ou dans un hôtel de luxe dénué de tout intérêt sinon celui de servir d'éponge à capitaux. Si pointilliste avec les entrepreneurs de métropole, l'administration fiscale l'est curieusement bien peu avec ceux qui investissent au soleil.
Or, au mieux inutiles, au pire nocifs - car ils entretiennent des économies subventionnées dans lesquelles les prix montent au détriment des plus pauvres -, ces placements inondant nos îles demeureront donc soumis à l'ancien plafond de 18.000 euros. Certes, les sommes consacrées à rénover monuments historiques et bâtiments haussmanniens, ou à financer la production de films français seront également dans ce cas.
Mais l'impunité laissée aux avantages de l'outre-mer est la moins défendable de toutes, et elle l'est moins que jamais. Non pas qu'il faille souscrire benoîtement au dogme de la chasse aux niches ; au contraire, plus les prélèvements obligatoires atteignent des sommets, plus grandit la nécessité d'alléger l'impôt ici ou là, en fonction des besoins de l'économie. Mais, dès lors que, comme ce gouvernement, l'on a fait le choix de redresser les impôts de tous en se prévalant d'un esprit de justice, il devient difficile d'expliquer pourquoi l'on alourdit ici la facture de ménages, aisés mais sans plus, faisant l'effort de payer sur leur salaire une employée de maison, tandis que l'on favorise là-bas l'évasion ultramarine de quelques ultrariches.
Au moins faut-il reconnaître au ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac, le mérite de la constance en ce domaine, lui qui, même dans ses précédentes fonctions d'opposant budgétaire, ne s'est jamais battu avec grande vigueur contre ce mur fiscal de l'outre-mer. Le comble est qu'en demeurant presque seule à échapper au plafonnement des niches, cette forme d'évasion fiscale intérieure va devenir plus attractive que jamais. Il est grand temps, à Bercy, de s'atteler à la construction d'un budget de l'outre-mer qui soit autre chose qu'un amas de dérogations fiscales.
Par JEAN-FRANCIS PECRESSELes echos