LE PLUS. Avant le coup d'envoi, l'Espagne avait déjà gagné. La France, pitoyable face au Japon, ne pouvait espérer autre chose qu...
LE PLUS. Avant le coup d'envoi, l'Espagne avait déjà gagné. La France, pitoyable face au Japon, ne pouvait espérer autre chose qu'une défaite. Au mieux, elle devait éviter l'humiliation. Pourtant, au coup de sifflet final, le match nul décroché sur le fil par les Bleus a une saveur de victoire. Par Nicolas Docao, étudiant à l'ENS Cachan.
Sergio Busquets et Karim Benzema lors du match Espagne-France le 16 octobre 2012 (NIVIERE/SIPA).
Le match face au Japon n’était qu’une mauvaise blague, d’un humour japonais douteux. Face aux amis de Kagawa, la France fut inexistante, malmenée par une pourtant inoffensive équipe japonaise. Déjà perdante avant même d’aller défier l’ogre dans son antre de Vicente Calderon de Madrid, l'équipe de France ne pouvait décemment rien espérer de la confrontation face à la meilleure équipe du monde, pourtant décisive quant à la qualification pour le mondial brésilien.
Pis, beaucoup riaient face à une hypothétique contre-performance de l’Espagne, qui restait sur une série incroyable au coup d'envoi : 24 victoires sur 24 possibles en matches de qualification, 25 victoires consécutives à domicile et plus de 800 minutes d'invincibilité pour Casillas dans les bois de la Roja. Alors, la performance de l'équipe de France est à marquer d'une pierre blanche. Si mardi nos Bleus n’ont pas gagné, l’Espagne a perdu, au sein d’un match pas si nul que ça.
Une équipe plus qu'une somme d'individualités
Un goût d’inachevé habite ce matin nos cœurs de supporters. Si la première mi-temps face aux Espagnols laissait planer l’ombre de l'équipe de France alignée par Laurent Blanc au dernier Euro, à la fois frileuse offensivement et retranchée dans son camp, elle se lâcha en seconde période. Menée 1-0 à la suite d’un cafouillage dans leur surface, les Bleus rentrèrent au vestiaire profil bas, avec un but injustement refusé sur hors-jeu. De quoi finalement sonner la révolte.
Dès lors, en seconde période, nos Bleus n’avaient rien à perdre, et ont joué le jeu du défi espagnol. Vaillante, l’équipe de France multiplia les assauts vers le but de Casillas durant les quarante-cinq dernières minutes. Acculée, la défense espagnole subit les offensives d'Évra et de Ribéry, complémentaires hier soir, et dont la présence en Bleu n'est objectivement plus soumise au doute. Pour autant, impossible d’isoler une individualité dans le dispositif tactique mis en place par Deschamps : hier, à défaut d'homme providentiel à la Diaby, les Bleus jouèrent en équipe.
Derrière, l'équipe de France n'a pas tremblé. Impérial en dépit d’une main malheureuse sur le but de Ramos et malmené dans son club de Tottenham, Hugo Lloris rappela à tous (et à son coach Andrès Villas Boas en particulier) qu'il était un gardien à l'étoffe internationale, en détournant un pénalty de Fabregas.
Devant lui, si sa relance est toujours perfectible, Mamadou Sakho laisse entrevoir peu à peu son potentiel parisien sous la tunique bleue. Avec ses faux airs de Marcel Desailly, le stoppeur gauche défendit debout, tandis que son acolyte Laurent Koscielny fit le boulot, alors qu’il restait sur une mauvaise période à Arsenal, entre blessure et contre-performances. En l’absence de Mapou Yanga-MBiwa et avec Adil Rami sur le banc, Didier Deschamps dispose de quatre défenseurs centraux de qualité, dont il ne reste plus que les automatismes à affiner.
Matuidi fait de l'ombre à Iniesta et à Xavi
Devant la charnière centrale, si Maxime Gonalons n’est qu’une pâle copie du Busquets barcelonais, Blaise Matuidi,s’impose de plus en plus comme un élément clé du milieu de terrain des Bleus. Impérial dans l’entre-jeu et premier relanceur français, le milieu du PSG gratta un nombre incroyable de ballons dans les pieds des Iniesta et autres Xavi, au point d'étouffer le milieu de terrain espagnol – rien que ça – en seconde période. Auteur d’une entrée intéressante, Moussa Sissoko ne démérita pas, à l’image de Mathieu Valbuena, flamboyant et toujours aussi incisif sous le maillot bleu.
En dépit d’un déficit criant de talent, la France a joué durant les quarante-cinq dernières minutes avec du cœur. Un cœur trop rarement entr’aperçu depuis des années. Loin de la morne équipe sombrant face à la Suède cet été, ou de l’inoffensif onze aligné face au Japon vendredi, la France déploya son collectif, jusqu’à pousser l’Espagne dans sa surface. Étouffée, l’équipe espagnole se voyait dominée par Valbuena et ses copains pour la plupart de Ligue 1. Et, à force d’abnégation, Olivier Giroud délivra toute la nation en arrachant de la tête l’égalisation à la dernière seconde du match, comme un symbole du coaching gagnant de Didier Deschamps.
Il y a quatre mois, une France ultra-défensive chutait face à l’Espagne, en quart de finale de l’Euro. Hier, nos Bleus mirent en difficulté cette même équipe, pour notre plus grand plaisir, loin des stigmates de Kircha ou des fantômes de Knysna. Comme une ironie de l'histoire, alors que les Bleus semblaient renaître hier soir face à l'Espagne, les panneaux publicitaires autour du terrain faisaient la promotion de l'ouvrage choc de Raymond Domenech sur son expérience à la tête des Bleus...
Un premier pas vers une réconciliation entre les Bleus et son public
Cette équipe de France n’est pas championne du monde. Elle n’est même pas encore qualifiée pour le mondial brésilien. Son jeu n’est ni léché, ni plaisant, ni efficace. Elle ne porte en son sein aucune garantie, que ce soit en termes de projet de jeu comme de résultats.
Néanmoins, les Bleus nous ont enfin montré qu’ils savaient jouer ensemble, en dépit de la pression de l’évènement. Surtout, elle a prouvé aux yeux de tous les observateurs que, finalement, elle avait au fond d'elle ce mental et cette motivation qui lui faisaient défaut. Comme si, finalement, le but de Ménez refusé sur un hors-jeu inexistant fut la meilleure chose qui pouvait arriver aux Bleus en termes de déclic...
Dès lors, presque à la plus grande surprise de certains, nos Bleus sont capables de se sublimer, et de nous offrir un match nul aux allures de victoires. Hier soir, pour une fois, ils ne furent pas sifflés par leurs propres supporters (heureusement, cela dit, que les Bleus jouaient à l'extérieur).
De la même manière, derrière notre poste de télévision, nous sommes à mon avis beaucoup à avoir vibré jusqu'à la dernière seconde du match et à pousser nos Bleus à l'attaque jusqu'à cette 93e minute salvatrice. Personnellement, je n'avais pas ressenti de telles émotions de la part des Bleus depuis bien des années, peut-être depuis le France-Espagne ou le France-Brésil du Mondial 2006, voire de la revanche face à l'Italie également en 2006 (avec un doublé de Sidney Govou).
Alors, si une équipe n'est pas née hier soir, espérons que la performance face à l'Espagne soit suffisante pour créer un collectif de couleur bleue, susceptible de se réconcilier avec un public qui devra réapprendre à l'apprécier.
Édité par Amandine Schmitt Auteur parrainé par Maxime Bellec
Par Nicolas Docao
Élève de l'ENS Cachan
Leplus.nouvelobs.com
Sergio Busquets et Karim Benzema lors du match Espagne-France le 16 octobre 2012 (NIVIERE/SIPA).
Le match face au Japon n’était qu’une mauvaise blague, d’un humour japonais douteux. Face aux amis de Kagawa, la France fut inexistante, malmenée par une pourtant inoffensive équipe japonaise. Déjà perdante avant même d’aller défier l’ogre dans son antre de Vicente Calderon de Madrid, l'équipe de France ne pouvait décemment rien espérer de la confrontation face à la meilleure équipe du monde, pourtant décisive quant à la qualification pour le mondial brésilien.
Pis, beaucoup riaient face à une hypothétique contre-performance de l’Espagne, qui restait sur une série incroyable au coup d'envoi : 24 victoires sur 24 possibles en matches de qualification, 25 victoires consécutives à domicile et plus de 800 minutes d'invincibilité pour Casillas dans les bois de la Roja. Alors, la performance de l'équipe de France est à marquer d'une pierre blanche. Si mardi nos Bleus n’ont pas gagné, l’Espagne a perdu, au sein d’un match pas si nul que ça.
Une équipe plus qu'une somme d'individualités
Un goût d’inachevé habite ce matin nos cœurs de supporters. Si la première mi-temps face aux Espagnols laissait planer l’ombre de l'équipe de France alignée par Laurent Blanc au dernier Euro, à la fois frileuse offensivement et retranchée dans son camp, elle se lâcha en seconde période. Menée 1-0 à la suite d’un cafouillage dans leur surface, les Bleus rentrèrent au vestiaire profil bas, avec un but injustement refusé sur hors-jeu. De quoi finalement sonner la révolte.
Dès lors, en seconde période, nos Bleus n’avaient rien à perdre, et ont joué le jeu du défi espagnol. Vaillante, l’équipe de France multiplia les assauts vers le but de Casillas durant les quarante-cinq dernières minutes. Acculée, la défense espagnole subit les offensives d'Évra et de Ribéry, complémentaires hier soir, et dont la présence en Bleu n'est objectivement plus soumise au doute. Pour autant, impossible d’isoler une individualité dans le dispositif tactique mis en place par Deschamps : hier, à défaut d'homme providentiel à la Diaby, les Bleus jouèrent en équipe.
Derrière, l'équipe de France n'a pas tremblé. Impérial en dépit d’une main malheureuse sur le but de Ramos et malmené dans son club de Tottenham, Hugo Lloris rappela à tous (et à son coach Andrès Villas Boas en particulier) qu'il était un gardien à l'étoffe internationale, en détournant un pénalty de Fabregas.
Devant lui, si sa relance est toujours perfectible, Mamadou Sakho laisse entrevoir peu à peu son potentiel parisien sous la tunique bleue. Avec ses faux airs de Marcel Desailly, le stoppeur gauche défendit debout, tandis que son acolyte Laurent Koscielny fit le boulot, alors qu’il restait sur une mauvaise période à Arsenal, entre blessure et contre-performances. En l’absence de Mapou Yanga-MBiwa et avec Adil Rami sur le banc, Didier Deschamps dispose de quatre défenseurs centraux de qualité, dont il ne reste plus que les automatismes à affiner.
Matuidi fait de l'ombre à Iniesta et à Xavi
Devant la charnière centrale, si Maxime Gonalons n’est qu’une pâle copie du Busquets barcelonais, Blaise Matuidi,s’impose de plus en plus comme un élément clé du milieu de terrain des Bleus. Impérial dans l’entre-jeu et premier relanceur français, le milieu du PSG gratta un nombre incroyable de ballons dans les pieds des Iniesta et autres Xavi, au point d'étouffer le milieu de terrain espagnol – rien que ça – en seconde période. Auteur d’une entrée intéressante, Moussa Sissoko ne démérita pas, à l’image de Mathieu Valbuena, flamboyant et toujours aussi incisif sous le maillot bleu.
En dépit d’un déficit criant de talent, la France a joué durant les quarante-cinq dernières minutes avec du cœur. Un cœur trop rarement entr’aperçu depuis des années. Loin de la morne équipe sombrant face à la Suède cet été, ou de l’inoffensif onze aligné face au Japon vendredi, la France déploya son collectif, jusqu’à pousser l’Espagne dans sa surface. Étouffée, l’équipe espagnole se voyait dominée par Valbuena et ses copains pour la plupart de Ligue 1. Et, à force d’abnégation, Olivier Giroud délivra toute la nation en arrachant de la tête l’égalisation à la dernière seconde du match, comme un symbole du coaching gagnant de Didier Deschamps.
Il y a quatre mois, une France ultra-défensive chutait face à l’Espagne, en quart de finale de l’Euro. Hier, nos Bleus mirent en difficulté cette même équipe, pour notre plus grand plaisir, loin des stigmates de Kircha ou des fantômes de Knysna. Comme une ironie de l'histoire, alors que les Bleus semblaient renaître hier soir face à l'Espagne, les panneaux publicitaires autour du terrain faisaient la promotion de l'ouvrage choc de Raymond Domenech sur son expérience à la tête des Bleus...
Un premier pas vers une réconciliation entre les Bleus et son public
Cette équipe de France n’est pas championne du monde. Elle n’est même pas encore qualifiée pour le mondial brésilien. Son jeu n’est ni léché, ni plaisant, ni efficace. Elle ne porte en son sein aucune garantie, que ce soit en termes de projet de jeu comme de résultats.
Néanmoins, les Bleus nous ont enfin montré qu’ils savaient jouer ensemble, en dépit de la pression de l’évènement. Surtout, elle a prouvé aux yeux de tous les observateurs que, finalement, elle avait au fond d'elle ce mental et cette motivation qui lui faisaient défaut. Comme si, finalement, le but de Ménez refusé sur un hors-jeu inexistant fut la meilleure chose qui pouvait arriver aux Bleus en termes de déclic...
Dès lors, presque à la plus grande surprise de certains, nos Bleus sont capables de se sublimer, et de nous offrir un match nul aux allures de victoires. Hier soir, pour une fois, ils ne furent pas sifflés par leurs propres supporters (heureusement, cela dit, que les Bleus jouaient à l'extérieur).
De la même manière, derrière notre poste de télévision, nous sommes à mon avis beaucoup à avoir vibré jusqu'à la dernière seconde du match et à pousser nos Bleus à l'attaque jusqu'à cette 93e minute salvatrice. Personnellement, je n'avais pas ressenti de telles émotions de la part des Bleus depuis bien des années, peut-être depuis le France-Espagne ou le France-Brésil du Mondial 2006, voire de la revanche face à l'Italie également en 2006 (avec un doublé de Sidney Govou).
Alors, si une équipe n'est pas née hier soir, espérons que la performance face à l'Espagne soit suffisante pour créer un collectif de couleur bleue, susceptible de se réconcilier avec un public qui devra réapprendre à l'apprécier.
Édité par Amandine Schmitt Auteur parrainé par Maxime Bellec
Par Nicolas Docao
Élève de l'ENS Cachan
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